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Un niveau élevé d’engagement des employés transforme une structure hiérarchique traditionnelle de soins infirmiers en un milieu où infirmières et infirmiers autorisés et auxiliaires s’occupent ensemble de groupes de patients et prennent des décisions en équipe.
juin 01, 2013, Par: Andrea R. Walker, inf. aut., B.SC.inf., M.SC.inf. , Randall Olson, B.A. , Suzanne Tytler, inf. aut., B.SC.inf., M.SC.inf.
Providence Health Care (PHC) est l’une des plus grandes organisations confessionnelles de soins de santé au Canada. Avec 16 établissements dans la région métropolitaine de Vancouver et plus de 1 300 lits au total, elle emploie environ 2 000 infirmières et infirmiers autorisés (IA) et 300 infirmières et infirmiers auxiliaires (IAA). PHC concentre ses services sur six domaines principaux : les risques et maladies cardio-pulmonaires, le VIH/sida, la santé mentale, les risques et maladies rénaux, les besoins spéciaux associés au vieillissement et la santé urbaine.
En 2007, un manque imminent d’IA inquiétait les administrateurs des établissements de PHC, comme beaucoup d’autres personnes en C.-B., et les heures supplémentaires et les coûts associés aux congés de maladie augmentaient déjà. À l’époque, PHC appliquait deux modèles de soins infirmiers : dans l’un, les IA se voyaient affecter des patients dans une section spécifique du service et en étaient désignés responsables. Les IAA « flottaient » dans le service, aidant à prendre les signes vitaux et à répondre aux appels des patients, par exemple. Dans l’autre modèle, les deux groupes recevaient des affectations conjointes, dans une section du service eux aussi, et les tâches de chaque groupe étaient bien définies. Dans ces modèles, aucun des groupes ne travaillait au maximum de son champ de pratique.
La pratique des soins infirmiers en collaboration (PSIC) a été lancée en 2007 pour faire un meilleur usage des compétences de tout le personnel infirmier afin d’aider PHC à surmonter le manque de personnel annoncé et pour améliorer le travail en équipe et la satisfaction au travail. La définition de Schober et MacKay (2004) de la PSIC comme « une initiative de coopération » a été adoptée : IA et IAA contribuent à la poursuite des objectifs de soins axés sur le patient, s’appuyant sur de bonnes communications et sur des décisions prises ensemble.
La PSIC incorpore des caractéristiques du modèle des soins infirmiers primaires où une infirmière ou un infirmier est désigné IPR (infirmière ou infirmier principalement responsable) pour un groupe de patients pendant la durée de son quart. Les IPR donnent les soins de base, font les évaluations, font et évaluent des interventions et consultent d’autres membres de l’équipe au besoin. Les patients reçoivent une cote de 1 à 3 selon la prévisibilité, la complexité et la gravité de leur état. Cette cote est utilisée pour l’affectation de l’infirmière ou de l’infirmier qui convient. Certains aspects des soins pouvant déborder du champ de pratique de l’IPR dans le cas des IAA, un système de jumelage avec une ou une IA est mis en place pour l’aider, encourager le travail d’équipe et assurer la sécurité des soins aux patients.
Depuis l’adoption de ce modèle, les IAA fournissent des soins plus complets et les IA exploitent au maximum leurs multiples compétences en étant affectés à des patients aux besoins complexes et en ayant des occasions d’utiliser leurs compétences avancées et d’orchestrer la planification des sorties de ces patients. Le personnel infirmier a appris à examiner le savoir et les compétences de ses collègues et à les aligner avec le statut du malade. Les IA et IAA ont pu reconnaître la valeur de chacun de leurs rôles, partager la charge de travail équitablement et collaborer pour optimiser les soins aux patients.
Les clés d’une mise en œuvre réussie
À la fin de 2011, 20 services de PHC avaient complètement adopté la PSIC. Un sondage mené auprès du personnel infirmier avant et après la mise en œuvre indiquait une plus grande compréhension du rôle des IAA et un meilleur usage des compétences.
L’engagement des employés était au cœur de la mise en œuvre et était, croyons-nous, la principale clé du changement de culture. Y ont aussi contribué les ajustements apportés au calendrier de mise en œuvre pour résoudre les problèmes au fur et à mesure, l’intégration dès le départ de stratégies en matière de durabilité et un leadership très visible et porteur à tous les niveaux.
Investir dans le leadership. L’équipe de projet était composée d’une infirmière enseignante et d’un spécialiste du changement (le département du changement de PHC soutient le personnel pendant les transitions majeures et apporte son expertise en matière de gestion de projets). Une experte-conseil en pratique infirmière a dirigé le projet et la directrice des soins infirmiers s’en est faite la championne, veillant à ce qu’on y affecte des ressources. Chaque service a recruté un groupe consultatif (GC) composé d’IAA, d’IA et de chefs de services comme l’infirmière gestionnaire, l’infirmière-chef clinique ou l’infirmière éducatrice. Avec les conseils de l’équipe de projet, ces groupes ont planifié tous les aspects de la mise en œuvre dans leur service, déterminé les outils nécessaires pour aider les IA et IAA à travailler ensemble, communiqué avec leurs homologues et recueilli leurs commentaires. Les gestionnaires des services se sont chargés d’assurer une participation nombreuse aux réunions, entre autres celles des GC. Après la mise en œuvre, les membres de ces groupes ont continué, sans que ce soit officiel, à se faire les champions de l’initiative et à soutenir le personnel pendant la transition.
Renforcer les connaissances et les compétences du personnel infirmier pour l’aider à réussir.Pour se préparer à élargir leur champ de pratique, les IAA ont suivi des ateliers que nous avions conçus sur les évaluations physiques et les résultats des analyses de laboratoire, les consultations avec les médecins, la pharmacologie, l’administration des médicaments et le système de PHC pour les médicaments. Pour combler l’écart entre théorie et pratique, les IAA ont aussi fait des quarts avec des précepteurs, accompagnant un ou une IA puis prenant progressivement en charge un groupe complet de patients correspondant à leur niveau de compétence. Les IAA utilisaient une liste de contrôle normalisée pendant ces quarts pour consolider leurs nouvelles compétences. La durée de chaque préceptorat dépendait de l’assurance de l’IAA dans ses nouvelles tâches, telle qu’évaluée par les intéressés et leur précepteur.
Au départ, notre planification et notre éducation étaient centrées sur le groupe des IAA, car nous supposions que les IA relèveraient le défi et prendraient les cas les plus complexes. Nous avons cependant découvert qu’avec le passage à la PSIC, les IA avaient aussi besoin d’un soutien particulier sur le plan de la pratique et de la formation. Nous avons donc conçu des ateliers pour ce groupe sur le rôle des infirmières et infirmiers responsables et sur la façon d’encadrer le personnel pendant la période de mise en route. Des scénarios et des stratégies pratiques pour régler divers problèmes typiques de gestion du travail ont été présentés.
Tous les participants aux ateliers ont mieux compris en quoi les rôles des IA et des IAA différaient. Dans le nouveau modèle de soins, il fallait bien comprendre les compétences de chaque groupe pour affecter le personnel infirmier aux bons patients.
La modification des rôles et des fonctions du personnel infirmier a fait ressortir la nécessité d’apporter un soutien additionnel. La quatrième année du projet, le bureau de la pratique professionnelle de PHC a créé des postes de mentors pour les IA formés en soins intensifs. Leur rôle consiste à repérer les problèmes concernant la pratique des deux types d’infirmières et infirmiers et à les résoudre. Ils répondent aux demandes d’aide pour la gestion de cas complexes, aident à passer les compétences en revue et conseillent le cas échéant de demander l’aide d’autres membres de l’équipe de soins.
Prendre le temps nécessaire. Nous avons vivement encouragé le personnel infirmier à participer aux réunions et aux ateliers, ainsi qu’au préceptorat et à l’encadrement. Nous avons communiqué fréquemment avec lui par courriel, sur le site Web de la PSIC et lors de réunions. Nous avons donné les dernières nouvelles lors des réunions et regroupé les documents sur la PSIC et le compte-rendu des réunions dans des reliures à anneaux et créé un recueil de questions et réponses pour poursuivre le dialogue avec le personnel infirmier.
Ce dialogue nous a aidés à repérer les obstacles à la mise en œuvre de la PSIC dans les services et a permis aux gens d’exprimer leurs inquiétudes. La PSIC touchait à l’identité de certains infirmiers et infirmières et menaçait leur sentiment d’importance pour l’organisation. Certains IAA craignaient d’échouer dans leur rôle élargi et de perdre leur emploi; des IA craignaient qu’on les remplace par des IAA.
L’équipe de projet a reconnu la nécessité de tenir compte de ces inquiétudes. Diverses séances de communications ont été organisées dans les services avant la mise en œuvre pour expliquer ce qu’était la PSIC, comment elle serait mise en œuvre et l’effet qu’elle aurait. Nous avons répété les séances pour permettre à un maximum d’infirmières et d’infirmiers de contribuer aux discussions sur la nécessité d’adopter la PSIC.
Des premières séances de communication à l’intégration complète du nouveau modèle, la phase de mise en œuvre a duré de un à six mois selon la taille du service, la quantité de formation clinique nécessaire et les disponibilités du personnel pour participer à des ateliers et à des quarts de préceptorat. Pour contrer la lassitude face au changement, le passage à la PSIC a été reporté dans certains cas pour ne pas interférer avec d’autres changements organisationnels, ce qui a causé quelques retards.
Faciliter, donner l’exemple et maintenir la collaboration.Nous avons découvert que la PSIC fait ressortir les forces et les faiblesses individuelles et collectives. Certains membres du personnel infirmier se sont sentis personnellement visés par les changements dans leur pratique au début; leur confiance dans leurs compétences fluctuait selon les moments. Ce qui est ironique, c’est que la collaboration a souffert dans les premiers temps, chacun cherchant à perfectionner ses compétences cliniques et à maîtriser de nouveaux rôles. Nous avons organisé des rassemblements réguliers et structuré les transferts des soins pour accroître les occasions de rencontre.
Environ six semaines après la mise en œuvre, le personnel infirmier a commencé à sentir les frictions et incertitudes inévitablement associées à l’étape « tempétueuse » de la formation des équipes (Tuckman, 1965). Pendant que les gens essayaient de nouvelles façons de collaborer, le stress accru a parfois entraîné de l’irritation et des échanges gênants entre collègues. Nous avons créé des séances d’entretien des équipes pour que tous les membres puissent formuler une vision commune, mieux comprendre les défis rencontrés par les autres, trouver des solutions à des problèmes précis et s’entendre sur des façons de collaborer.
Comprendre pourquoi les membres du personnel hésitaient à poser des questions et à changer des pratiques traditionnelles a aidé l’équipe de projet à faire preuve d’une plus grande sensibilité à l’égard des différents services et de leur culture. Nous avons proposé une technique de remue-méninges silencieux pour contrebalancer la dynamique du pouvoir dans les grandes réunions du personnel et pour recueillir un plus grand éventail d’idées. Quand nous avons constaté que le personnel revenait aux anciennes pratiques, nous avons instauré des vérifications pour repérer les problèmes et apporter des améliorations.
Notre dernière tâche a été de préciser par écrit les rôles et responsabilités du personnel infirmier afin de promouvoir des normes et des pratiques uniformes dans tous les services où s’appliquait la PSIC
Évaluation
Nous avons distribué un court questionnaire aux premières séances de communications, puis six mois après la mise en œuvre. Le personnel infirmier devait réagir à sept énoncés portant sur sa perception de la charge de travail, sa satisfaction au travail, l’exploitation de ses compétences, le travail en équipe, le rôle des IAA, la qualité de la prestation des soins et la qualité du service comme lieu de travail. Sur 700 IAA et IA dans 20 services participant à l’initiative, 288 personnes ont répondu au questionnaire initial, et 240 à celui distribué après la mise en œuvre.
Les résultats ont confirmé l’effet positif sur la perception que les compétences étaient bien exploitées ainsi qu’une augmentation des notes moyennes (avec un effet d’une ampleur modérée, d = + 0,45). Les répondants ont indiqué que la PSIC avait quelque peu allégé leur charge de travail, l’augmentation des notes étant peu élevée mais significative (d = + 0,27). Enfin, on a constaté une nette amélioration (d = + 0,67) de la compréhension du rôle des IAA.
Mais le sondage ne dit pas tout : le nombre de demandes de personnel supplémentaire pour fournir aux patients les soins nécessaires a diminué. De plus, des services qui ne faisaient pas partie du projet au départ ont souhaité adopter la PSIC. Celle-ci est considérée comme une initiative bénéfique et est maintenant solidement établie dans tout PHC.
Clarté sur le rôle des IAA : l’expérience de l’Alberta
Aider employeurs et gestionnaires à déterminer qui devrait fournir les soins est l’une des tâches de Teresa Bateman, elle-même IAA, comme directrice de la pratique professionnelle pour le College of Licensed Practical Nurses of Alberta. Mme Bateman répond souvent à des questions d’infirmières et infirmiers gestionnaires qui doivent choisir un modèle de dotation et veulent des précisions sur le rôle des IAA. Ce rôle ayant énormément changé au fil des ans, certains ne savent pas vraiment ce que peuvent et ne peuvent pas faire les IAA. La loi sur les professions de la santé de la province (Health Professions Act) leur a donné une indépendance accrue dans les limites de leur champ de pratique. Des compétences ont été ajoutées à ce champ, comme celle d’administrer des médicaments et des vaccins par intraveineuse ou par injection intramusculaire (avec la formation nécessaire). Ces changements signifient que les IAA peuvent maintenant travailler dans plus de secteurs et prendre plus de responsabilités, y compris l’ensemble des soins aux patients. « Il y a actuellement des débouchés pour les IAA dans tous les domaines des soins, affirme Mme Bateman. Il s’agit juste de cerner les responsabilités et le degré de préparation de ces employés pour remplir ce rôle. »
Dans certains centres, les équipes se sont préparées à la modification du champ de pratique des IAA en les formant, en planifiant et en discutant des effets de ces changements sur les deux groupes d’infirmières et infirmiers. D’autres équipes ne se sont pas préparées, elles ont simplement promu les IAA sans se soucier du rôle des IA. « Ça a causé beaucoup de problèmes », déplore Mme Bateman en parlant du chaos qui s’en est suivi dans certains services.
« Vous savez, si nous faisions ça encore mieux, en utilisant les IAA au maximum de leurs capacités dans les équipes, on permettrait aux IA d’exercer au maximum de leurs compétences, affirme-t-elle, et tout le monde serait gagnant. »
– D’après une entrevue avec Sue Cavanaugh
Élargir l’accès à la formation est primordial
Maria Langille, IAA, travaille comme infirmière soignante au service de soins de rétablissement du Sutherland Harris Memorial Hospital à Pictou (N.-É.). Elle est aussi vice-présidente du conseil d’administration du Nova Scotia Nurses’ Union, représentant les IAA. Au fil des ans, elle a souvent vu des tensions entre ce groupe et les IA. « Des IA m’ont déjà dit : “Je vois, l’infirmière auxiliaire se prend pour une infirmière autorisée maintenant.” Eh bien non, ce n’est pas le cas. »
Selon Mme Langille, ce qu’il faut pour aider les deux groupes à comprendre ce que les IAA peuvent et ne peuvent pas faire, c’est de l’information. Il y a quatre ans, elle et un médecin de son hôpital ont commencé à organiser des rencontres mensuelles au travail. Ils font venir des spécialistes pour discuter de sujets pertinents compte tenu des patients. Ces rencontres sont ouvertes à tous, quel que soit la profession ou le groupe. L’un des buts est de rassembler les deux groupes. « Le plus intéressant dans ces séances, explique Mme Langille, est qu’elles nous aident à réaliser ce que chacun peut faire. Nous avons par exemple fait venir quelqu’un pour nous parler des cathéters centraux. Les IAA n’y ont pas accès, mais peuvent faire les pansements. Toute l’équipe des IA ne le savait pas. » C’est une façon progressive d’enseigner qui gagne en popularité. « La direction était réticente au départ : elle ne comprenait pas l’utilité des séances, raconte-t-elle. Mais, voyant qu’elles créaient une base de connaissances plus vaste pour les IA et les IAA, la direction a revu sa position. »
« La préparation des séances demande beaucoup de travail, mais ça vaut la peine : le milieu de travail est bien meilleur », conclut Mme Langille.
– D’après une entrevue avec Sue Cavanaugh
RÉFÉRENCES
Schober, M., et MacKay, N. Collaborative practice in the 21st century , Genève, Conseil international des infirmières, 2004.
Tuckman, B. « Developmental sequence in small groups », Psychological Bulletin, 63(6), 1965, p. 384-399.
Andrea R. Walker, inf. aut., B.SC.inf., M.SC.inf., est experte-conseil en pratique infirmière, providence health care, à Vancouver.
Randall Olson, B.A., est spécialiste du changement, providence health care.
Suzanne Tytler, inf. aut., B.SC.inf., M.SC.inf., est une ancienne infirmière éducatrice, providence health care.
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