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Pratique axée sur le rétablissement

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2014/09/04/recovery-oriented-practice

Série de l’AIIC et de la Commission de la santé mentale du Canada Sixième partie

sept. 04, 2014, Par: Sue Cavanaugh

Responsables des politiques, fournisseurs de services et cliniciens ont compris ce que les représentants des patients disent depuis des décennies : avec un soutien axé sur le rétablissement, les personnes vivant avec des problèmes de santé mentale peuvent mener une vie gratifiante au sein de leur communauté et réaliser leur plein potentiel.

La définition du terme rétablissement n’est pas normalisée en santé mentale. Les spécialistes s’entendent généralement, cependant, sur le fait qu’il renvoie à ce que la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) décrit comme le « fait de mener une vie satisfaisante, utile et empreinte d’espoir, même en présence des limites qu’impose la maladie mentale ». Le rétablissement, loin d’être identique pour tous, est un cheminement individuel qui tient compte de ce que la personne souhaite et de ce dont elle a besoin.

« C’est un changement de paradigme », tranche Florence Budden, présidente de la Société canadienne de schizophrénie, qui enseigne les sciences infirmières au Centre for Nursing Studies à St. John’s. Elle explique que contrairement au modèle traditionnel de soins de santé mentale, qui est centré sur le diagnostic, l’observance, la suppression des symptômes et des maladies et la réduction des risques, le modèle axé sur le rétablissement met l’accent sur le vécu de la personne, ses choix et son autogestion, la réalisation des espoirs et des rêves et l’encouragement de la prise de risques positifs. La relation clinique s’éloigne d’une relation spécialiste-patient pour devenir une relation collaborative, où les décisions sont prises ensemble et on tient pour acquis que leur vécu fait des patients des spécialistes de leurs propres soins.

Dans la pratique axée sur le rétablissement, fondée sur la dignité et le respect de l’individu, on reconnaît la possibilité de se rétablir et d’être bien portant, on pousse au maximum l’auto-détermination et l’autogestion de la maladie mentale et on aide les familles à comprendre leurs proches et à les soutenir. Mais attention : ce modèle ne signifie pas que tout le monde doit entretenir des espoirs ou avoir une notion irréaliste de ce qui est possible. Au contraire, ceux qui travaillent dans l’axe du rétablissement reconnaissent que les attentes individuelles de chacun en ce qui le concerne influent fortement sur le comportement et les résultats et que les cliniciens pèchent souvent par excès de prudence et sous-estiment le potentiel du patient, ce qui compromet la réussite.

Le modèle axé sur le rétablissement n’exclut ni ne remplace un traitement clinique. Les médicaments, par exemple, peuvent quand même remplir un rôle capital. La différence est que les cliniciens soutiennent l’autonomie du patient en favorisant des décisions conjointes en matière de traitement : Qu’est-ce que le patient espère gagner en prenant ce médicament? Comprend-il ses effets secondaires potentiels? Comment le médicament l’aidera-t-il à atteindre ses objectifs de rétablissement?

Ailleurs dans le monde, plusieurs gouvernements appuient le modèle de soins axé sur le rétablissement. Les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, l’Australie et le Royaume-Uni ont stipulé que leurs services de santé mentale doivent être centrés sur ce concept. Au Canada, plusieurs gouvernements provinciaux ont fait du rétablissement le but de leurs services de santé mentale et, à l’échelle nationale, la CSMC a appelé tous les fournisseurs de soins à se joindre à ce mouvement.

L’Écosse est allée encore plus loin en faisant la promotion de l’appropriation du pouvoir d’agir. En 2013, le gouvernement écossais a adopté une loi sur les soins sociaux et le soutien autogéré en vertu de laquelle les personnes admissibles à des services sociaux ont le droit de décider le degré de contrôle qu’elles souhaitent avoir sur le mode de prestation de ces services (en recevant un paiement direct, en arrangeant eux-mêmes les services reçus, en laissant les autorités locales s’en occuper ou bien une combinaison de ces diverses solutions).

Beaucoup d’organisations sont en train de passer à un modèle axé sur le rétablissement. À Whitby, en Ontario, l’hôpital d’enseignement Ontario Shores Centre for Mental Health Sciences est spécialisé dans les soins de santé mentale intégrés et les services de toxicomanie. Les preuves de plus en plus nombreuses de l’efficacité des modèles axés sur le rétablissement – pour les patients, les familles et les cliniciens – ont amené Ontario Shores à adopter en 2008 ce type de modèle à l’échelle de l’organisation.

Selon Sanaz Riahi, infirmière autorisée, directrice de la pratique professionnelle et de l’information clinique à Ontario Shores, ce changement a conduit les cliniciens de l’établissement à examiner attentivement leurs convictions et leurs pratiques : « Les soins de santé mentale ont toujours été très paternalistes : plutôt que travailler avec, on faisait à; les patients recevaient passivement des soins. Aucune malice à cela, c’est juste comme ça depuis toujours ». Maintenant, souligne Mme Riahi, on considère les patients comme les experts et on accorde autant d’importance à leurs objectifs de rétablissement qu’aux objectifs cliniques. « Chacun conçoit différemment le rétablissement, c’est sûr. Rétablissement n’est pas synonyme de guérison. Il s’agit de soutenir la personne pour qu’elle arrive à être le mieux possible, état qu’elle peut constamment redéfinir. »

L’adoption de ce modèle à Ontario Shores impliquait la formation de tout le personnel, clinique ou non, sur une période de deux ans, ainsi que des modifications des politiques et programmes et la mise en place d’un centre de ressources familiales, d’une chambre d’intimité pour les patients qui souhaitent passer un moment spécial avec quelqu’un (dans la mesure où cela convient et est sans danger) et des groupes d’entraide, entre autres. Les soins fondés sur la relation sont un élément central de la pratique infirmière; les principes de confiance, de respect, de soutien et de communication ouverte guident les infirmières et les infirmiers et les encouragent à forger des alliances thérapeutiques bénéfiques entre patients et cliniciens ainsi qu’à renforcer leurs compétences en matière d’identification et de gestion des conflits.

L’organisation suit les progrès que permet le modèle. Tous les spécialistes s’entendent : la contention mécanique et l’isolement sont incompatibles avec les principes du rétablissement. Selon Mme Riahi, depuis l’adoption du modèle, le nombre d’incidents où la contention mécanique est utilisée et le nombre d’heures où on y a recours ainsi qu’à l’isolement ont chuté.

Cette réussite est due entre autres à l’introduction de nouvelles modalités sensorielles. Ainsi, des couvertures pesantes sont fournies aux patients qui recherchent la sensation d’être contenus parce qu’elle accroît leur sentiment de sécurité. Les cliniciens peuvent réorienter les patients qui deviennent agités vers des activités sensorielles spécialement conçues pour eux.

Mme Riahi estime que son organisation pourrait améliorer encore beaucoup le recours aux pratiques axées sur le rétablissement. Elle explique qu’au Royaume-Uni, par exemple, des pairs sont intégrés à l’équipe clinique, une stratégie à laquelle Ontario Shores s’intéresse depuis peu. En fait, elle aimerait que des gens qui ont connu la maladie mentale soient intégrés à tous les niveaux de l’organisation, pour que les décisions soient évaluées de leur point de vue.

C’est un changement majeur dans la prestation des soins de santé mentale, et il ne fait pas l’unanimité. Pour Mme Riahi, cependant, l’avantage du modèle axé sur le rétablissement est manifeste : « Une équipe de soins de santé qui travaille avec vous, vous estime, renforce votre autonomie et vous donne l’espoir… comment imaginer que ce ne soit pas la voie à suivre? »

Mme Budden est d’accord et elle encourage les infirmières et les infirmiers à être ouverts au changement, à l’appuyer dans leur organisation et à faire en sorte qu’il s’intègre aux programmes d’études en soins infirmiers en santé mentale. « Le plus important, fait-elle valoir, est que nous ne pouvons pas arrêter maintenant que nous avons l’impulsion nécessaire pour continuer. Il y a une autre façon de procéder, une façon plus inclusive. »

Pathway into a Better World by Almier
Chemin vers un monde meilleur

« J’entre dans une vie meilleure. J’ai encore des problèmes, mais je fais tout ce que je peux pour tirer mon épingle du jeu. Au ralenti, peu à peu, j’essaye de m’intégrer dans le monde avec les autres. »
— Almier

Présentation de l’artiste : Almier est membre du collectif d’artistes Out of the Shadows, un programme communautaire qui, à Edmonton, fait la promotion de la guérison et du bien-être par les arts. Pour obtenir de l’information sur le programme, contacter Erin Carpenter, ergothérapeute, ou Cathy McAlear, récréothérapeute, d’Alberta Health Services, Regional Mental Health, au 780-342-7754.

La promotion du rétablissement

En collaboration avec des partenaires et des parties concernées, la CSMC encourage le dialogue sur le rétablissement, met de l’avant des politiques, programmes et pratiques efficaces et fournit des outils pour aider à transformer la pratique.  

  • La Déclaration d’engagement envers le rétablissement énonce les grands principes du rétablissement. Conçue pour favoriser un dialogue continu sur le rétablissement et donner une impulsion pour le changement, elle a pour but d’encourager et de soutenir ceux qui, individuellement ou collectivement, veulent participer à la promotion de pratiques axées sur le rétablissement partout dans le système de santé mentale.
  • La plateforme de collaboration est un référentiel en ligne et un espace d’échange sur tout un éventail de questions de santé mentale. En juin, la Commission a lancé une plateforme consacrée au rétablissement.
  • L’inventaire du rétablissement est un outil permettant de mettre en vedette des sources d’information et pratiques, canadiennes ou autres, proposées par les utilisateurs et axées sur le rétablissement. À ce jour, près de 1 000 sources ont été proposées, dont des articles, des descriptions de programmes, des vidéos et des sites web. La CSMC prévoit mettre l’inventaire en ligne à l’automne.  
  • Les Lignes directrices pour le rétablissement, qui devraient être publiées au printemps prochain, cerneront les principes, valeurs, connaissances, compétences et comportements qui sous-tendent les pratiques axées sur le rétablissement, ainsi que les capacités et le leadership nécessaires pour en permettre l’application.

Sue Cavanaugh, est rédactrice indépendante à Ottawa.

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