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Un projet d’amélioration de la qualité révèle la difficulté de passer à une supplémentation orale.
Sep 06, 2016, Par: Jane MacDonald, inf. aut., M. Sc.inf., IP , Janna Kingdon, inf. aut., M. Sc.inf., IP
À la Clinique de soins primaires Corydon, à Winnipeg, notre équipe est constituée d’infirmières autorisées et praticiennes, de médecins et d’assistantes en soins primaires (ASP), soutenus par des professionnels en santé mentale, une diététiste, une spécialiste des maladies chroniques et une pharmacien clinicienne.
Environ 180 de nos patients manifestent une carence en vitamine B12. Une cohorte de ces patients recevait un supplément par voie parentérale malgré l’équivalence démontrée d’une supplémentation en B12 par voie orale. Chaque année, ce groupe se présentait à la clinique entre 85 et 90 fois.
Comme nous constations par ailleurs une augmentation de la demande générale de soins infirmiers attribuée aux efforts de la clinique pour maximiser le champ de pratique du personnel infirmier autorisé, nous avons émis l’hypothèse que passer à une administration de B12 par voie orale augmenterait la capacité du personnel infirmier de s’acquitter de ses autres responsabilités.
Conscients que le changement est difficile pour certains patients, nous voulions cerner ce qui pourrait poser problème si l’on donnait aux patients le choix de passer à une supplémentation en B12 par voie orale.
Une recension des écrits a révélé un examen systématique d’essais cliniques randomisés (Butler et coll., 2006) montrant que l’efficacité des traitements à la B12 par voies orale et parentérale peut être équivalente. Nous avons aussi trouvé une publication canadienne récente documentant l’intérêt économique des thérapies orales pour les carences en B12 (Houle, Kolber et Chuck, 2014).
Nous n’avons toutefois trouvé qu’un seul article de périodique traitant du point de vue des patients sur les traitements à la B12 par voie orale. Selon Kwong, Carr, Dhalla, Tom-Kun et Upshur (2005), lorsqu’on leur donne le choix, la majorité des patients veulent bien changer pour des raisons pratiques et pour les économies globales que réalise ainsi le système de soins de santé. Les raisons évoquées pour ne pas changer de mode d’administration vont du manque de connaissances sur les traitements oraux à la conviction que les piqûres constituent la méthode d’administration la plus efficace. Nous n’avons pas trouvé d’études sur le point de vue des fournisseurs de soins.
S’appuyant sur ces recherches et au courant de la tendance grandissante à traiter les carences en vitamine B12 avec une supplémentation orale, notre clinique a lancé un modeste projet d’amélioration de la qualité visant à faire passer des patients à un traitement par voie orale.
Mise en œuvre
Nous avons conçu des questionnaires pour les patients et pour les médecins, pour nous aider à comprendre leur perception des supplémentations intramusculaire et orale pour la gestion des carences en B12. Chacun de ces questionnaires comportait des questions ouvertes et à choix multiples.
Nous avons mis une note au dossier médical électronique (DME) de 25 participants potentiels pour qu’on leur remette le questionnaire au prochain rendez-vous. Pour des raisons d’uniformité, nous avons fourni aux ASP qui distribueraient le questionnaire un texte d’explications à lire. Les patients qui remplissaient le questionnaire le déposaient ensuite à la réception dans une boîte scellée. Sur les 19 patients qui ont reçu le questionnaire, 17 l’ont rempli et rendu.
Les questionnaires pour les médecins ont été déposés sur le clavier de leur ordinateur, et ils ont reçu deux courriels de suivi. Nous avons distribué six questionnaires, et un seul a été rempli.
La collecte de données s’est échelonnée sur deux mois, fin 2014.
Résultats
Le groupe de 17 patients qui ont rempli les questionnaires était principalement constitué de femmes, célibataires, ayant fait des études universitaires, avec un faible revenu et une assurance complémentaire. En moyenne, ces patients prenaient quatre médicaments sur ordonnance et deux sans ordonnance. L’accès et le transport ne semblaient pas faire obstacle aux consultations en clinique. La plupart étaient satisfaits du traitement par voie parentérale. Ils ont exprimé leurs doutes quant à l’efficacité de la supplémentation orale et comprenaient manifestement mal la pathophysiologie des carences en B12. Ils hésitaient à contrevenir à l’avis du médecin, l’injection intramusculaire de B12 ayant été, dans certains cas, prescrite plusieurs années auparavant. La majorité de la cohorte n’avait jamais essayé le traitement oral, qui n’avait pas été envisagé, mais convenait que prendre un comprimé serait plus facile que se rendre à la clinique pour des piqûres. Quelques-uns des patients ont indiqué qu’ils se chargeaient eux-mêmes de leurs injections.
Le médecin qui a répondu au questionnaire recommande régulièrement une supplémentation orale de B12 pour les patients ayant une carence, conformément aux pratiques exemplaires reposant sur des données probantes. Il a ajouté que 93 % de ses patients manifestant une carence en B12 étaient déjà traités par voie orale. Le fait que ce type de traitement ne soit pas couvert par le programme provincial d’assurance-médicaments constituait un obstacle au changement pour les autres.
Résultats : gestion du changement
Puisque les encouragements des médecins semblaient avoir une incidence, nous avons organisé à leur intention une présentation PowerPoint et une séance questions-réponses pour qu’ils comprennent pleinement la pathophysiologie des carences en vitamine B12 et les lignes directrices actuelles pour la supplémentation. Nous avons en outre préparé une feuille d’information à l’intention des patients pour susciter une discussion sur la gestion de la B12 et préparer le terrain pour le changement.
Une nouvelle note a été ajoutée au DME des 25 patients du groupe de départ pour qu’à leur prochaine visite, un membre de l’équipe (médecin ou personnel infirmier autorisé, selon le cas) leur remette le feuillet d’information et les encourage à passer à la B12 par voie orale.
Bien que la plupart des 25 patients aient accès à une assurance complémentaire, il arrive que la B12 par voie orale ne soit pas couverte. Souvent, en effet, les assureurs basent leur couverture sur le programme provincial d’assurance-médicaments.
Lors de notre examen rétrospectif des dossiers, fin 2015, nous avons constaté que 35 % du groupe était passé à la B12 par voie orale grâce aux stratégies de gestion du changement que nous avions élaborées. Un autre groupe représentant 19 %, dont chaque représentant recevait du gouvernement un soutien du revenu, aurait sans doute changé si le supplément avait été couvert par le programme provincial d’assurance-médicaments (la B12 par voie intramusculaire est actuellement couverte par ce programme). Sur les autres patients du groupe, 15 % ont choisi de continuer à s’auto-injecter chaque mois, et 31 % ont continué à fréquenter la clinique pour des administrations de B12 par voie parentérale parce qu’ils considéraient que cette méthode est préférable. Ce dernier groupe pourrait accepter de passer à la B12 par voie orale avec un supplément de soutien et d’information par les médecins.
Nous avons ensuite préparé une affiche présentant le projet et ses conclusions en langue claire et simple et l’avons affiché dans la salle d’attente de la clinique. Nous avons par ailleurs écrit au Comité responsable du choix des médicaments et des normes pharmaceutiques au Manitoba pour lui recommander d’ajouter la B12 par voie orale à sa liste de médicaments admissibles.
Enseignements retenus
Il était clair que les patients hésitaient à changer sans les encouragements de leur médecin. Nous avions prévu que le changement serait difficile pour les patients. Toutefois, nous avions sous-estimé sa difficulté pour certains médecins ainsi que les nombreux facteurs qui nuiraient à une discussion sur le changement entre médecins et patients, comme les contraintes de temps pendant les rendez-vous et la connaissance limitée du système de DME qu’ont les médecins (par exemple, comment repérer les messages ajoutés aux dossiers).
Compte tenu de la relation entre un fournisseur de soins particulier et un patient, nous pensons qu’il est important que les membres des équipes interdisciplinaires parviennent à un consensus sur les modalités de soins aux patients fondées sur des données probantes dans l’intérêt des patients et pour optimiser le champ de pratique des membres de chacune des disciplines.
Ce projet met en évidence certains des obstacles à la collaboration dans un milieu de pratique gouverné par des principes de soins de santé primaire. Il faut des efforts constants des dirigeants et de chaque membre de l’équipe pour qu’elle s’investisse afin que la pratique soit guidée par un message cohérent insistant sur la grande qualité des soins aux patients fondés sur des données probantes. Les projets d’amélioration de la qualité à l’échelle des cliniques dans le contexte d’une équipe, comme chez nous, contribuent à l’évolution des modalités de soins cliniques.
References
Butler, C. C., Vidal-Alaball, J., Cannings-John, R., McCaddon, A., Hood, K., Papaioannou, A., … Goringe, A. « Oral vitamin B12 versus intramuscular vitamin B12 for vitamin B12 deficiency: A systematic review of randomized controlled trials », Family Practice, 23(3), 2006, p. 279-285.
Houle, S. K., Kolber, M. R., et Chuck, A. W. « Should vitamin B12 tablets be included in more Canadian drug formularies? An economic model of the cost-saving potential from increased utilisation of oral versus intramuscular vitamin B12 maintenance therapy for Alberta seniors », BMJ Open, 4(5), 2014, e004501.
Kwong, J. C., Carr, D., Dhalla, I. A., Tom-Kun, D., et Upshur, R. « Oral vitamin B12 therapy in the primary care setting: A qualitative and quantitative study of patient perspectives », BMC Family Practice, 6(1), 2005.
Jane MacDonald, inf. aut., M. Sc.inf., IP, est infirmière praticienne en soins primaires pour l’Office régional de la santé de Winnipeg à la Clinique de soins primaires Corydon à Winnipeg.
Janna Kingdon, inf. aut., M. Sc.inf., IP, est infirmière praticienne en soins primaires pour l’Office régional de la santé de Winnipeg à la Clinique de soins primaires Corydon à Winnipeg.
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