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L’Échelle de vigilance-agitation de Richmond modifiée pour le sevrage alcoolique et la Revised Clinical Institute Withdrawal Assessment for Alcohol Scale
nov. 01, 2017, Par: Jane de Lemos, Pharm.D., M.Sc. (Epid) , Renée Liu, R.Ph., B.Sc. (Pharm) , June Cho, B.Sc. (Pharm) , Catherine Marshall, B. Sc. inf., inf. aut. , Fiona Francis, B. Sc. inf., inf. aut. , Silvia Nobrega, B. Sc. inf., inf. aut., M. Sc. inf. , Richard Dillon, B. Sc. inf., inf. aut. , Lawrence Hoeschen, M.D., FRCPC
Résumé
Objectif : Cette étude a été conçue pour évaluer les perceptions du personnel infirmier par rapport à l’Échelle de vigilance-agitation de Richmond modifiée pour le sevrage alcoolique (mRASS‑AW) et à l’échelle des symptômes de sevrage de l’alcool appelée Revised Clinical Institute Withdrawal Assessment for Alcohol Scale (CIWA‑Ar) en tant qu’outils pour la gestion des patients qui manifestent des symptômes de sevrage alcoolique.
Méthodes : Nous avons effectué un sondage en ligne comportant cinq questions auprès d’infirmières et infirmiers qui : 1) avaient déjà utilisé la CIWA‑Ar et 2) avaient suivi un module de formation sur la mRASS‑AW ou l’avaient utilisée avec des patients en cours de sevrage alcoolique. Nous avons évalué la convivialité (facilité et rapidité d’utilisation) de la mRASS‑AW et sa validité apparente pour mesurer la gravité des symptômes de sevrage alcoolique (nous avons demandé quel outil est le plus exact et lequel est le meilleur pour décider si une dose de benzodiazépine devrait être administrée). Les données ont été analysées au moyen du test du chi carré avec correction pour les comparaisons, avec p < 0,01 considérée comme significative.
Résultats : Dans cette étude menée auprès de 120 infirmières et infirmiers, 42 à 54 % des répondants préféraient ou préféraient fortement la mRASS‑AW, alors que 11 à 13 % préféraient ou préféraient fortement la CIWA‑Ar (p < 0,001 pour toutes les comparaisons).
Conclusion : Le personnel infirmier estimait que la mRASS‑AW évalue plus exactement la gravité des symptômes de sevrage alcoolique et les aide mieux à décider s’il faut administrer de la benzodiazépine. Ils trouvaient l’échelle mRASS‑AW plus facile et plus rapide à utiliser que la CIWA‑Ar et la préféraient, globalement, comme outil d’évaluation.
Dans les hôpitaux, le personnel infirmier utilise souvent des protocoles activés par des symptômes pour gérer les soins aux patients en cours de sevrage alcoolique (Maldonado, Nguyen, Schader et Brooks, 2012). Ces protocoles comprennent généralement un outil d’évaluation comme l’échelle Revised Clinical Institute Withdrawal Assessment for Alcohol Scale (CIWA‑Ar), très largement utilisée, qui aide le personnel infirmier à décider si l’administration d’une dose de benzodiazépine est indiquée (Sullivan, Sykora, Schneiderman, Naranjo et Sellers, 1989). La CIWA‑Ar comporte 10 domaines de symptômes, provenant de la troisième édition révisée du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, dans le but de saisir l’éventail de symptômes que peuvent manifester les patients pendant un sevrage alcoolique. Nous utilisions autrefois la CIWA‑Ar dans notre établissement pour évaluer la gravité des symptômes de sevrage alcoolique et nous guider dans le dosage de la benzodiazépine en fonction des symptômes, mais cet outil comporte trois grandes limites. Premièrement, nous sommes d’avis qu’un traitement à la benzodiazépine ne soulage pas forcément les symptômes de quatre des dix domaines (tremblements, sueurs, nausées ou vomissements, tête lourde ou maux de tête), quelles que soient la dose et la durée. Deuxièmement, puisqu’il est souvent impossible de poser des questions aux patients agités ou qui délirent, on ne peut pas, dans leur cas, obtenir de score pour plusieurs domaines, comme l’anxiété, les nausées ou la lourdeur de tête. Troisièmement, la CIWA‑Ar n’a pas été validée dans des contextes comme les services d’urgence et son utilisation est jugée compliquée en contexte de soins actifs (Stehman et Mycyk, 2013; Williams, Lewis et McBride, 2001).
Par conséquent, nous avons conçu et introduit un nouveau protocole dans notre établissement pour évaluer et traiter les patients en cours de sevrage alcoolique. Ce protocole utilise l’Échelle vigilance-agitation de Richmond (RASS) pour évaluer la gravité de l’agitation causée par le sevrage alcoolique et le niveau de sédation potentiellement causé par le traitement (Sessler et coll., 2002). L’échelle RASS est un outil valide et fiable, largement utilisé en contexte de soins intensifs pour mesurer le niveau d’agitation et de sédation de patients sous ventilation artificielle. Son utilisation pour la gestion des symptômes de sevrage alcoolique n’a jamais encore été rapportée, bien que certains auteurs l’aient recommandée pour les patients difficiles à évaluer (Hoffman et Weinhouse, 2016). Quelques révisions mineures ont été apportées au texte de l’échelle RASS pour refléter le fait que nous ne l’utilisions pas pour des patients sous ventilation artificielle (voir le tableau). Nous faisons par la suite référence à notre version révisée de l’instrument sous le nom d’Échelle vigilance-agitation de Richmond modifiée pour le sevrage alcoolique (mRASS‑AW).
En vertu du nouveau protocole, le personnel infirmier fonde principalement ses décisions de traitement sur le score d’un patient à la mRASS‑AW, mais le protocole demande aussi une évaluation du patient pour trois autres éléments du sevrage alcoolique : la présence de delirium (évaluée au moyen de la Confusion Assessment Method), d’hallucinations (tactiles, visuelles ou auditives) et de signes vitaux anormaux (rythmes cardiaque et respiratoire et tension artérielle) (American Psychiatric Association, 2013; Inouye et coll., 1990). Bien qu’aucune utilisation de la RASS pour évaluer des patients ayant des symptômes de sevrage alcoolique n’ait été rapportée, Hoffman et Weinhouse (2016) ont suggéré de l’utiliser à cette fin pour les patients sous ventilation artificielle.
Avant l’entrée en vigueur du nouveau protocole, environ 220 infirmières et infirmiers de notre hôpital ont suivi un module de formation en ligne. Le taux d’adoption du protocole au sein de l’établissement a été de 100 %. Notre étude avait pour but d’évaluer la perception des infirmières et infirmiers qui : 1) avaient déjà utilisé la CIWA‑Ar et 2) avaient suivi le module de formation en ligne sur la mRASS‑AW ou l’avaient utilisée dans leur pratique. Les questions portaient sur la convivialité de l’échelle et sur son utilité apparente pour mesurer la gravité des symptômes de sevrage alcoolique.
L’objectif était de comparer les perceptions qu’avait le personnel infirmier de la mRASS‑AW et de la CIWA‑Ar au moyen d’un sondage auprès de ceux et celles qui avaient déjà utilisé la CIWA‑Ar. Les questions portaient sur la convivialité (facilité et rapidité d’utilisation) et la validité apparente de la mRASS‑AW pour mesurer la gravité des symptômes de sevrage alcoolique (par ex. Quel outil est le plus exact? Lequel est le meilleur pour décider si une dose de benzodiazépine devrait être administrée?).
Méthodes
Contexte. Cette étude a été réalisée à l’hôpital de Richmond, un établissement communautaire de 190 lits avec environ 9 100 admissions et 46 000 visites aux urgences par année. Le bassin de dotation total pour le personnel infirmier de chevet compte environ 600 personnes. Au moment de l’étude, quelque 220 infirmières et infirmiers avaient suivi un module de formation en ligne sur l’utilisation de la mRASS‑AW pour mesurer les symptômes de sevrage alcoolique, et l’hôpital appliquait le protocole pour l’utilisation de la mRASS‑AW depuis 15 mois. C’est aux urgences ou en consultation interne à l’unité médicale ou chirurgicale (à l’exception des unités de soins intensifs, de soins palliatifs et de maternité) que les patients sont généralement traités pour sevrage alcoolique.
Conception. Le personnel infirmier de l’hôpital a participé à un sondage en ligne au travail. Les comités de déontologie de l’établissement et de l’université ont donné leur accord.
Critères d’exclusion. Le personnel infirmier travaillant dans les unités de soins intensifs, de soins palliatifs et de maternité, ainsi qu’à la pouponnière de soins spéciaux ont été exclus (on ne leur a pas envoyé le questionnaire).
Taille de l’échantillon. Nous avons estimé que 200 infirmières et infirmiers de l’établissement avaient suivi le module de formation en ligne, compte tenu du fait que certains de ceux qui avaient suivi cette formation étaient des étudiantes ou étudiants en stage. Pour obtenir un taux de réponse de 60 % au sondage dans ce groupe de 200 infirmières et infirmiers de l’établissement, nous avons donc calculé qu’il nous fallait a priori un échantillon d’environ 120 répondants.
Sondage auprès du personnel infirmier. Le but du sondage était de comparer les perceptions du personnel infirmier par rapport à la mRASS‑AW et à la CIWA‑Ar. Les cinq questions portaient sur les aspects suivants : 1) facilité d’utilisation, 2) rapidité d’utilisation, 3) lequel des deux outils, selon les répondants, donnait l’évaluation la plus exacte de la gravité des symptômes de sevrage alcoolique, 4) lequel des deux outils, selon les répondants, aidait le mieux à décider si une dose de benzodiazépine devrait être administrée, 5) lequel des deux outils les répondants préféraient, globalement. Les questions 3 et 4 abordaient le sujet de la validité apparente de la mRASS‑AW pour une utilisation avec des patients en cours de sevrage alcoolique.
Chacune des questions était associée à une échelle de Likert à sept points : un choix neutre avec, d’un côté, trois choix favorisant la CIWA‑Ar et, de l’autre, trois choix favorisant la mRASS‑AW. Le sondage a été mis en ligne sur SurveyMonkey.com.
Recrutement des infirmières et infirmiers. Une première lettre de prise de contact a été envoyée par les infirmières formatrices à l’ensemble du personnel infirmier (pas seulement ceux et celles qui avaient suivi la formation en ligne) dans toutes les unités, sauf celles identifiées sous les critères d’exclusion. Cette lettre fournissait un lien vers le sondage en ligne et expliquait qui, parmi le personnel infirmier, était admissible au sondage, pour que les éventuels participants déterminent eux-mêmes leur admissibilité. Les réponses étaient anonymes. Au départ, le délai accordé pour répondre au sondage était de quatre semaines. Pour améliorer le taux de participation, deux rappels ont été envoyés : le premier deux semaines après l’envoi de la première lettre par courriel, et le second quatre semaines après la première lettre. Souvent, les infirmières formatrices rappelaient au personnel infirmier de répondre au questionnaire à l’occasion des réunions quotidiennes. Le personnel était invité à informer les infirmières formatrices une fois le sondage rempli, pour que nous ayons une idée de la représentation des différents domaines des soins aux patients.
Analyse. Nous avons comparé les proportions de répondants préférant la mRASS‑AW à la CIWA‑Ar au moyen du test statistique du chi carré d’ajustement pour avoir des observations indépendantes avec un degré de liberté. Pour cette analyse, nous avons combiné les deux réponses extrêmes pour chaque échelle, et appliqué la correction de Bonferronipour rendre compte des cinq comparaisons pour chacune des questions. Il fallait donc que la valeur p soit inférieure à 0,01 pour être significative.
Résultats
Au total, 120 infirmières et infirmiers ont participé au sondage, mais deux d’entre eux ont sauté des questions. Le nombre de réponses pour chacune des questions variait donc entre 118 et 120. Les répondants étaient représentatifs, généralement parlant, de la population infirmière ciblée, 45 des 120 répondants (35,5 %) travaillant aux urgences, et les autres en psychiatrie ou en soins médicaux ou chirurgicaux aux patients.
Question 1 : Quel outil d’évaluation trouvez-vous le plus facile à utiliser, l’échelle CIWA‑Ar ou la RASS?
Il y a eu 119 réponses à cette question, 65 (54,6 %) des répondants indiquant que la mRASS‑AW était plus facile ou beaucoup plus facile à utiliser, et 14 (11,8 %) indiquant que la CIWA‑Ar était plus facile ou beaucoup plus facile à utiliser (chi carré 53,9, p < 0,001). Parmi les répondants, 17 préféraient légèrement la mRASS‑AW (14,3 %), et huit préféraient légèrement la CIWA‑Ar (6,7 %). Au total, 66,4 % des infirmières et infirmiers qui ont répondu à cette question préféraient la mRASS‑AW, et 18,5 % préféraient la CIWA‑Ar. Les 15 autres (12,6 %) étaient neutres à ce sujet.
Question 2 : Quel outil d’évaluation prend le moins de temps à utiliser, l’échelle CIWA‑Ar ou la RASS?
Sur les 119 réponses reçues à cette question, 61 répondants (51,3 %) ont indiqué que la mRASS‑AW prenait moins de temps, ou beaucoup moins de temps à utiliser; 13 (10,9 %) ont indiqué que la CIWA‑Ar prend moins de temps ou beaucoup moins de temps (chi carré 45,3, p < 0,001). Parmi les répondants, 27 préféraient légèrement la mRASS‑AW (22,7 %), et 3 préféraient légèrement la CIWA‑Ar (2,5 %). Au total, 74,0 % des infirmières et infirmiers qui ont répondu à cette question préféraient la mRASS‑AW, et 13,4 % préféraient la CIWA‑Ar. Les 15 autres (12,6 %) étaient neutres à ce sujet.
Question 3 : Quel outil évalue selon vous avec le plus d’exactitude la gravité des symptômes de sevrage alcoolique?
Les 120 infirmières et infirmiers ont répondu à cette question. Ils étaient 51 (42,5 %) à indiquer que l’évaluation au moyen de la mRASS‑AW était plus exacte ou beaucoup plus exacte, et 16 (13,3 %) à indiquer que l’évaluation au moyen de la CIWA‑Ar était plus exacte ou beaucoup plus exacte (chi carré 12,1, p < 0,001). En tout, 20 répondants (16,7 %) préféraient légèrement la mRASS‑AW, et 11 (9,2 %) préféraient légèrement la CIWA‑Ar. Au total, 59,2 % des infirmières et infirmiers qui ont répondu à cette question préféraient la mRASS‑AW, et 22,5 % préféraient la CIWA‑Ar. Les 22 autres (18,3 %) étaient neutres à ce sujet.
Question 4 : Quel outil est le meilleur, selon vous, pour décider si une dose de benzodiazépine devrait être administrée?
Il y a eu 119 réponses à cette question. Sur ce nombre, 55 répondants (46,2 %) ont indiqué que la mRASS‑AW était meilleure ou bien meilleure, et 16 (13,4 %) ont indiqué que la CIWA‑Ar est meilleure ou bien meilleure (chi carré 29,9, p < 0,001). En tout, 24 répondants (20,2 %) préféraient légèrement la mRASS‑AW, et 6 (5,0 %) préféraient légèrement la CIWA‑Ar. Au total, 66,4 % des infirmières et infirmiers qui ont répondu à cette question préféraient la mRASS‑AW, et 18,5 % préféraient la CIWA‑Ar. Les 18 autres (15,1 %) étaient neutres à ce sujet.
Question 5 : Globalement, quel outil d’évaluation préférez-vous?
Sur les 118 infirmières et infirmiers qui ont répondu à cette question, 59 (50,0 %) préféraient ou préféraient fortement la mRASS‑AW, et 15 (12,7 %) préféraient ou préféraient fortement la CIWA‑Ar (chi carré 27,1, p < 0,001). En tout, 21 répondants (17,8 %) préféraient légèrement la mRASS‑AW, et 10 (8,5 %) préféraient légèrement la CIWA‑Ar. Au total, 67,8 % des infirmières et infirmiers qui ont répondu à cette question préféraient la mRASS‑AW, et 21,2 % préféraient la CIWA‑Ar. Les 13 autres (11,0 %) n’ont pas exprimé de préférence.
Discussion
Cette étude est la première à comparer la CIWA‑Ar et la mRASS‑AW en ce qui a trait à l’expérience et à la préférence des utilisateurs. Dans la cohorte d’infirmières et infirmiers interrogés, la plupart préféraient la mRASS‑AW à la CIWA‑Ar pour mesurer la gravité des symptômes de sevrage alcoolique dans les cinq questions que nous avons posées. Dans toutes les comparaisons, la différence était significative (p < 0,001).
En général, la décision d’administrer de la benzodiazépine repose sur une évaluation par le personnel infirmier au moyen de protocoles activés par des symptômes (Maldonado et coll., 2012). La CIWA‑Ar est souvent utilisée pour évaluer la gravité des symptômes de sevrage alcoolique et, plus particulièrement, pour déterminer si l’on devrait administrer de la benzodiazépine. Par exemple, un score combiné supérieur à 10 indiquerait que le personnel infirmier devrait en administrer une dose. Comprendre les perceptions du personnel infirmier quant à la facilité et à la rapidité d’utilisation et quant à l’utilité de l’outil pour la prise de décision pourrait être un déterminant clé dans le choix d’un établissement d’utiliser l’un ou l’autre des outils si leurs propriétés psychométriques sont considérées comme similaires. L’échelle RASS n’a pas été étudiée du point de vue de son utilisation pour la gestion des symptômes de sevrage alcoolique. Toutefois, les études qui ont permis de valider l’utilisation de l’échelle CIWA‑Ar à cette fin sont rares, et limitées à des utilisateurs chevronnés dans le milieu de la recherche; en outre, point important, aucune étude n’a été réalisée dans un service d’urgences (Stehman et Mycyk, 2013; Williams et coll., 2001). En l’absence de données solides présentant des arguments convaincants pour l’utilisation de la CIWA‑Ar, et compte tenu des avantages de la RASS pour mesurer le niveau d’agitation et la profondeur de la sédation chez des patients ne communiquant pas (patients adultes sous ventilation artificielle), nous avons considéré la RASS comme un outil possible pour évaluer la gravité des symptômes de sevrage alcoolique (en mesurant le niveau d’agitation) et les conséquences du traitement de ces symptômes (en mesurant la profondeur de la sédation).
Dans la présente étude, nous décrivons les premières conclusions sur la préférence des utilisateurs pour la mRASS‑AW. Ces données devraient encourager d’autres recherches sur la fiabilité et la validité de la mRASS‑AW pour l’évaluation de la gravité des symptômes de sevrage alcoolique. De plus, les réponses de nos répondants aux questions sur l’outil qui, selon eux, était le plus exact pour évaluer les symptômes et permettait le mieux de décider s’il fallait administrer de la benzodiazépine ont apporté la première preuve de la validité de la mRASS‑AW pour mesurer la gravité des symptômes de sevrage alcoolique. Poser ces questions à des personnes qui connaissent bien la CIWA‑Ar est une manière novatrice de tester la validité apparente de la mRASS‑AW. D’autres études seront nécessaires pour évaluer la fiabilité de cet outil et sa validité conceptuelle.
Notre raisonnement pour l’utilisation de la RASS reposait sur trois points importants. Premièrement, nous sommes d’avis que les symptômes de quatre des dix domaines ne répondent peut-être pas beaucoup au traitement à la benzodiazépine (tête lourde ou maux de tête, nausées ou vomissements, sueurs, tremblements). Pourtant, le score combiné pour la CIWA‑Ar est utilisé pour déterminer si, et à quelle fréquence, le patient devrait recevoir de la benzodiazépine. Nous sommes plutôt d’avis qu’il serait plus logique, d’un point de vue physiologique, d’utiliser une échelle qui met l’accent sur l’agitation psychomotrice (qui répond clairement au traitement à la benzodiazépine) et sur la sédation (un effet secondaire du traitement). Deuxièmement, pour obtenir un score avec la CIWA‑Ar, le clinicien doit poser des questions au patient pour obtenir de l’information dans plusieurs domaines, comme l’anxiété. Or souvent, les patients qui manifestent des symptômes de sevrage alcoolique ne peuvent pas répondre, ou manipulent leurs réponses dans l’espoir de recevoir un traitement par médicament. Enfin, la CIWA‑Ar n’a jamais été validée comme outil clinique dans un service d’urgences occupé; beaucoup de cliniciens trouvent son utilisation fastidieuse (Stehman et Mycyk, 2013). Souvent, il est tout simplement impossible de poser à un patient agité les questions de la CIWA‑Ar. De ce fait, le personnel infirmier au chevet des patients ne peut que se fier à son jugement clinique ou noter un score qui lui permet de donner une dose du traitement. En fait, il est recommandé que les patients souffrant de delirium tremens soient traités en fonction de leur niveau d’agitation (Mayo-Smith et coll., 2004). L’échelle RASS a été conçue pour des patients ne pouvant pas communiquer verbalement. Nous estimons que son utilisation dans le contexte du sevrage alcoolique, pour mesurer l’agitation psychomotrice et la sédation, est une extension valable et logique de son utilisation dans un contexte de soins intensifs.
Il est important de noter que notre protocole pour les symptômes de sevrage alcoolique intègre l’évaluation du delirium et des hallucinations et la prise en compte des signes vitaux (rythmes cardiaque et respiratoire et tension artérielle). Il nous a semblé important que ces aspects (qui échappent à la RASS) soient évalués et documentés comme étant présents ou absents, pour que cette information saute aux yeux du médecin et des autres soignants au lieu de se fondre dans un score total. La manière dont la CIWA‑Ar est utilisée et dont le score est indiqué peut masquer les hallucinations ou le delirium des patients (ce qu’on appelle obnubilation dans la CIWA‑Ar). Il nous a semblé que savoir si le patient a des hallucinations aiderait le personnel infirmier à fournir de meilleurs soins et permettrait à l’équipe de rassurer le patient et de lui fournir des traitements adaptés, éventuellement avec des antipsychotiques à faible dose. De même, il est important de documenter l’apparition du delirium pour que le médecin détermine s’il s’agit d’une progression vers un delirium tremens ou si le delirium est plutôt causé par la benzodiazépine ou d’autres problèmes médicaux. Repérer la présence de nouveaux signes vitaux anormaux ou d’une instabilité hémodynamique contribuera aussi à déclencher une évaluation pour détecter d’autres problèmes médicaux, une sepsie par exemple. Nous avons donc estimé que la mRASS‑AW offrait un contenu et une validité apparente plus convaincants pour évaluer l’agitation chez les patients qui manifestent des symptômes de sevrage alcoolique ainsi que les effets secondaires prévisibles (la sédation, par exemple) du traitement du sevrage alcoolique. La mRASS‑AW combinée à une évaluation de la présence de delirium et d’hallucinations et à la prise en compte de signes vitaux élevés constitue la base de notre protocole révisé.
Conclusion
Selon ce sondage mené auprès de 120 infirmières et infirmiers, ceux-ci considèrent que la mRASS‑AW permet d’évaluer avec plus d’exactitude la gravité des symptômes de sevrage alcoolique et constitue une meilleure façon de décider si de la benzodiazépine devrait être administrée. De l’avis des répondants, la mRASS‑AW est en outre plus facile et rapide à utiliser et, globalement, ils le préféraient à la CIWA‑Ar comme outil d’évaluation pour la gestion des symptômes de sevrage alcoolique. Ce rapport est le premier à comparer l’expérience des utilisateurs de la mRASS‑AW et de la CIWA‑Ar pour évaluer les patients en cours de sevrage alcoolique. Au vu de la préférence marquée des répondants pour la mRASS‑AW dans les domaines étudiés, on peut penser que des recherches plus poussées sur la fiabilité de la RASS dans ce contexte seraient utiles. Nous avons donné les premières preuves de la préférence des utilisateurs pour la RASS et de sa validité apparente en tant qu’outil pour l’évaluation de la sévérité des symptômes de sevrage alcoolique. Il serait souhaitable d’alléger la tâche du personnel infirmier en soins intensifs en évitant le recours à la CIWA‑Ar, car il disposerait ainsi de plus de temps pour d’autres responsabilités directement liées aux soins.
Références
American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders (5e éd.), 2013, Arlington (VA), American Psychiatric Association Publishing.
Hoffman, R. S., et Weinhouse, G. L. « Management of moderate and severe alcohol withdrawal syndromes », dans S. J. Trab (Éd.), UptoDate, mai 2016.
Inouye, S. K., van Dyck, C. H., Alessi, C. A., Balkin, S., Siegal, A. P., et Horwitz, R. I. « Clarifying confusion: The confusion assessment method: A new method for detection of delirium », Annals of Internal Medicine, 113, 1990, p. 941-948. doi:10.7326/0003-4819-113-12-941
Maldonado, J. R., Nguyen, L. H., Schader, E. M., et Brooks, J. O. « Benzodiazepine loading versus symptom-triggered treatment of alcohol withdrawal: A prospective, randomized clinical trial », General Hospital Psychiatry, 34(6), 6, 2012, p. 11-617.
Mayo-Smith, M. F., Beecher, L. H., Fischer, T. L., Gorelick, D. A., Guillaume, J. L., Hill, A.,…Melbourne, J. « Management of alcohol withdrawal delirium. An evidence-based practice guideline », Archives of Internal Medicine, 164(13), 2004, p. 1405-1412.
Sessler, C. N., Gosnell, M. S., Grap, M. J., Brophy, G. M., O’Neal, P. V., Keane, K. A.,…Elswick, R. K. « The Richmond Agitation-Sedation Scale: Validity and reliability in adult intensive care unit patients », American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine, 166(10), 2002, p. 1338-1344.
Stehman, C. R., et Mycyk, M. B. « A rational approach to the treatment of alcohol withdrawal in the ED », American Journal of Emergency Medicine, 31(4), 2013, p. 734-742.
Sullivan, J. T., Sykora, K., Schneiderman, J., Naranjo, C. A., et Sellers, E. M. « Assessment of alcohol withdrawal: The revised clinical institute withdrawal assessment for alcohol scale (CIWA‑Ar) », British Journal of Addiction, 84(11), 1989, p. 1353-1357.
Williams, D., Lewis J., et McBride, A. « A comparison of rating scales for the alcohol-withdrawal syndrome », Alcohol and Alcoholism, 36(2), 2001, p. 104-108.
L’ÉCHELLE DE VIGILANCE-AGITATION DE RICHMOND MODIFIÉE POUR LE SEVRAGE ALCOOLIQUE (mRASS‑AW) |
SCORE RASS |
L’objectif est un score entre 0 et -2 avec des signes vitaux près de la normale; évaluer toutes les 30 à 60 minutes selon le besoin |
+4 |
S’il n’était pas attaché, le patient présenterait un risque pour lui-même ou autrui. Semble combatif, violent, extrêmement agité |
+3 |
Le patient semble très agité (nombreux mouvements sans but), tire sur les tuyaux, cathéters ou attaches. Peut avoir un comportement agressif envers le personnel |
+2 |
Le patient semble agité (fréquents mouvements sans but). |
+1 |
Le patient peut sembler ne pas tenir en place ou être légèrement agité – s’il y a des mouvements sans but, ils ne sont pas agressifs ou vigoureux. |
0 |
Le patient est éveillé et calme, il ne semble pas inquiet, agité ou angoissé. |
-1 |
Le patient pourrait être somnolent, pas complètement éveillé, mais est resté éveillé plus de 10 secondes, avec contact visuel, à l’appel. |
-2 |
Sédation légère, bref éveil à l’appel (moins de 10 secondes) avec contact visuel |
-3 |
Sédation moyenne, n’importe quel mouvement à l’appel (mais sans contact visuel) |
-4 |
Sédation profonde, pas de réponse à l’appel, mais n’importe quel mouvement à la stimulation physique |
-5 |
Non réveillable, pas de réponse à l’appel ou à la stimulation physique |
PROCÉDURE |
1. |
Observer le patient. Le patient est-il éveillé et calme (score 0)? |
2. |
Le comportement du patient dénote-t-il qu’il ne tient pas en place ou qu’il est agité (score +1 à +4 en se basant sur les critères ci-dessus)?
Si le patient n’est pas éveillé, d’une voix forte, dites le nom du patient et demandez-lui d’ouvrir les yeux et de regarder la personne qui lui parle.
Répétez une fois si nécessaire. Vous pouvez dire au patient de continuer à regarder la personne qui lui parle.
Le patient ouvre les yeux et maintient un contact visuel pendant plus de 10 secondes (score -1).
Le patient ouvre les yeux, établit un contact visuel, mais pendant moins de 10 secondes (score -2).
Le patient fait n’importe quel mouvement en réponse à la voix, mais sans contact visuel (score -3). |
3. |
Si le patient ne répond pas à la voix, stimulez-le en lui secouant l’épaule, puis en lui frictionnant le sternum s’il n’a pas réagi quand vous lui avez secoué l’épaule.
Le patient fait n’importe quel mouvement quand il est stimulé physiquement (score -4).
Le patient ne réagit pas du tout à l’appel ou à la stimulation physique (score -5). |
Adapté avec l’autorisation de l’American Thoracic Society. Copyright © 2017 American Thoracic Society.
C. N. Sessler, M. S. Gosnell, M. J. Grap, G. M. Brophy, P. V. O’Neal, K. A. Kean,…R. K. Elswick. « The Richmond Agitation-Sedation Scale: Validity and Reliability in Adult Intensive Care Unit Patients », American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine, Volume 166, 2002, p. 1338-1344.
L’American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine est une publication officielle de l’American Thoracic Society.
Jane de Lemos, Pharm.D., M.Sc. (Epid), est pharmacienne clinicienne spécialisée au service des urgences de l’hôpital de Richmond, à Richmond (C.-B.)
Renée Liu, R.Ph., B.Sc. (Pharm), est pharmacienne communautaire à Vancouver.
June Cho, B.Sc. (Pharm), est pharmacienne à l’hôpital de Richmond.
Catherine Marshall, B. Sc. inf., inf. aut., est infirmière clinicienne formatrice à l’hôpital de Richmond.
Fiona Francis, B. Sc. inf., inf. aut., est infirmière clinicienne formatrice à l’hôpital de Richmond.
Silvia Nobrega, B. Sc. inf., inf. aut., M. Sc. inf., est infirmière clinicienne formatrice à l’hôpital général de Vancouver.
Richard Dillon, B. Sc. inf., inf. aut., est directeur, relations avec la clientèle et gestion du risque à l’hôpital de Richmond.
Lawrence Hoeschen, M.D., FRCPC, a été directeur de l’équipe des ressources sur les drogues et l’alcool à l’hôpital de Richmond.
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