Blog Viewer

Le droit de se mettre à risque

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2019/08/19/the-right-to-live-at-risk
août 19, 2019, Par: Michelle Danda
a person crossing a tightrope across two cliffs
iStock.com/NiseriN

Messages à retenir

  • La consommation de substances n’est pas fondamentalement problématique, mais pour ceux qui ont besoin d’aide et en demandent, nos jugements sur les gens qui en consomment entraînent la stigmatisation, la honte et de moins bons résultats pour la santé.
  • Les gens ont le droit de se mettre à risque et nous avons la responsabilité morale de promouvoir l’autonomie de ceux dont nous prenons soin, quelles que soient nos valeurs et convictions personnelles au sujet de la consommation de substances.
  • Mettre nos idées de côté et écouter les besoins et les objectifs de nos clients qui consomment des substances peut aider à renforcer des relations de confiance reposant sur une vision holistique, relations qui permettent à ceux dont nous nous occupons de parler honnêtement de leur consommation.

L’utilisation de substances psychoactives n’est pas problématique en soi. Dans de nombreuses cultures à travers le monde, les gens en consomment régulièrement – alcool, cigarettes et caféine, par exemple –, parfois dans le cadre de rituels religieux (Pickard, 2018). La perception du public change souvent quand la conversation bifurque vers les drogues illicites. Des considérations morales colorent parfois les perceptions des risques et bienfaits de la consommation de substances (Coulon et Gorji, 2016).

La plupart des gens qui consomment des substances psychoactives, qu’elles soient légales ou non, ne deviennent pas dépendants (Toronto Public Health, 2018). La consommation va de l’expérimentation et de l’utilisation en contexte social à une consommation problématique, la dépendance étant considérée comme la plus problématique.

Ce n’est pas le fait qu’une substance psychoactive soit légale ou non qui détermine si la personne a un rapport sain ou problématique avec elle (Toronto Public Health, 2018). Les personnes sont autonomes et peuvent choisir de consommer des substances ou non. La légalisation récente du cannabis au Canada pourrait faire évoluer la discussion et les attitudes en matière de consommation de substances, tant dans le grand public que parmi les professionnels des soins de santé, et les rendre moins moralisatrices et davantage axées sur une approche de santé publique. Dans nos fonctions d’infirmières et infirmiers, nous avons la possibilité de participer à la discussion, et ce, de façon éthique, sur le droit moral des gens de vivre avec des risques.

Je travaille en santé mentale. Parfois, les patients que je vois consomment des substances qui exacerbent les symptômes de maladie mentale. Parfois, leur consommation les place en situation de risque. Le plus souvent, ils prennent leurs décisions et exécutent leurs actions en dehors de l’hôpital. Dans ma carrière, j’ai dû faire beaucoup d’efforts pour me défaire de l’idée que je peux influencer et atténuer les risques dans la vie des patients. En réalité, même avec les meilleures évaluations infirmières et les meilleures approches et interventions collaboratives en équipe, un patient choisit parfois en connaissance de cause de ne pas suivre les recommandations cliniques, en dépit des risques.

Il est utile de nous souvenir que les patients sont aptes à prendre leurs décisions; leurs choix de vie sont leur droit fondamental, même s’ils signifient qu’ils se placent en situation de risque. Le personnel infirmier a une obligation de diligence de fournir l’information pertinente sur la consommation de substances et les risques afin d’informer les clients et les patients pour qu’ils fassent leurs choix. Dans un hôpital de soins actifs ou dans le cas de patients confinés non volontairement dans une unité de santé mentale, il est beaucoup plus facile pour le personnel de contrôler les risques. Cependant, en dehors des hôpitaux, les clients sont libres de prendre les risques qu’ils veulent bien prendre.

La bonne décision pour le client, compte tenu de son expérience, de ses valeurs personnelles et de ses convictions, ne sera pas toujours celle qui nous semble bonne, et ce n’est pas grave. Quand nous essayons, en tant qu’infirmière ou infirmier, de prendre le contrôle de situations qui sont indépendantes de notre volonté, nous risquons de nuire, entre autres en causant une détresse morale. Nous pouvons procéder à une évaluation, faire des interventions et offrir de l’information sur les risques et les bienfaits, mais en fin de compte, c’est le patient qui décide. Quand les patients sont considérés comme constituant un danger pour eux-mêmes ou pour autrui et font l’objet d’un certificat médical en vertu de la loi sur la santé mentale, la décision pourra sembler moins claire. Avons-nous le droit d’intervenir sur les décisions des patients et pouvons-nous atténuer les risques en dehors de l’hôpital? Il est parfois difficile pour les professionnels de la santé de céder le contrôle, surtout quand nous nous sommes personnellement investis dans un dossier.

Une manière de repenser la situation pourrait être de procéder régulièrement à des « vérifications personnelles » de nos hypothèses et de nos opinions, pour déterminer si elles reposent sur des considérations morales plutôt que sur le principe de l’autonomie du patient. Ce type de réflexion peut être déstabilisant, mais si nous choisissons de voir les soins infirmiers que nous fournissons à travers un prisme éthique, le résultat sera peut-être un respect accru de l’autonomie du patient.

Références

Coulon, P. et A. Gorji. « Tightrope or slackline? The neuroscience of psychoactive substances », Trends in Pharmacological Sciences, 37(7), 2016, p. 511–521.

Pickard, H. « The puzzle of addiction », in The Routledge Handbook of Philosophy and Science of Addiction, 2018, Abington-on-Thames (R.-U.), Routledge, p. 29–42.

Toronto Public Health. Discussion paper: A public health approach to drugs, 2018


Michelle Danda, M. Sc.inf., MPN, inf. aut., CPMHN(C), est infirmière et exerce dans le Lower Mainland (C.-B.). Elle est diplômée de l’Université de Calgary (2008) et a travaillé au sein de nombreux programmes de santé mentale et de consommation de substances dans le Lower Mainland et à Calgary (Alb.). Elle travaille avec passion pour réduire la stigmatisation associée à la consommation de substances et voit la compassion comme un principe central des soins infirmiers. Elle est actuellement spécialiste principale de l’apprentissage pour la santé mentale pour le projet Clinical & Systems Transformation.

#dépendances
#santémentale
#relationpersonnelinfirmier-patients
#opinions
0 comments
18 views

Connectez-vous pour laisser un commentaire