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« D’où venez-vous vraiment? » Pourquoi le personnel infirmier ne doit pas tolérer le racisme dans les soins de santé

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2020/08/13/where-are-you-really-from-why-nurses-must-confront
août 13, 2020, Par: Michelle Danda

(en anglais seulement)

Cet article est l’un des premiers qu’infirmière canadienne consacrera à la question du racisme – en particulier le racisme anti-Noirs – dans les soins de santé, y compris les soins infirmiers. Notre objectif est de faire entendre celles et ceux qui ont connu le racisme ou veulent le dénoncer.

Messages à retenir

  • Il n’y a pas qu’aux États-Unis que le racisme est un problème. Au Canada aussi, il est profondément ancré.
  • Les infirmières et les infirmiers doivent amorcer des conversations sur le racisme manifeste et systémique dans les soins de santé au Canada parce qu’il nuit à la santé de tous, en particulier celle des personnes et groupes racisés.
  • Le racisme structurel et institutionnel est beaucoup plus insidieux que la discrimination flagrante parce qu’il ne nécessite pas d’intention individuelle.

Ma mère est brune de peau; elle est originaire des Philippines. Mon père était blanc de peau; il venait de Tchécoslovaquie. À l’œil, je suis de race ambiguë.

J’ai grandi au Canada dans les années 1980 et 1990. J’ai connu le racisme flagrant, comme les insultes racistes d’enfants au terrain de jeu, et le racisme voilé, comme les questions du genre « d’où venez-vous vraiment? ». Quand je répondais que je venais de l’Ontario, certaines personnes en concluaient que ma mère était ma gardienne, d’autres me faisaient des compliments sur mon « superbe bronzage » en plein hiver.

Je continue de rencontrer le racisme, de me faire ouvertement poser des questions indiscrètes, comme si c’était normal : « Vous êtes autochtone? » (pour savoir mon appartenance ethnique) ou « ils ont tous le même papa? » (quand les gens apprennent que j’ai quatre enfants).

Je suis infirmière depuis douze ans et j’ai été la cible et le témoin de racisme flagrant, de la part de patients envers des membres du personnel clinique, mais aussi dans le sens inverse. J’ai ressenti le racisme dont est imprégné notre système de soins de santé. L’indignation publique et les manifestations récentes en lien avec le mouvement Black Lives Matter (La vie des Noirs compte) ont pris de l’ampleur à la suite du meurtre brutal du Noir américain George Floyd par un policier. À travers le monde, on s’est mis à parler de la situation en matière de racisme. Si certains Canadiens soupirent de soulagement en pensant que ce racisme flagrant envers les personnes noires se limite aux États-Unis, d’autres font remarquer que le racisme est profondément enraciné au Canada.

Le fonctionnement, les politiques et la structure du système de soins de santé sont profondément ancrés dans des préjugés racistes.

Dans notre rôle d’infirmières et d’infirmiers, nous nous devons d’amorcer la conversation sur le racisme manifeste et voilé au Canada, car il nuit à la santé de tous, en particulier celle des personnes et des groupes racisés. Nous devons en appeler à une compréhension commune du racisme systémique, ces politiques et pratiques qui sont profondément ancrées et solidement établies dans les soins de santé en tant qu’institution et qui se traduisent par l’exclusion de certains et la préférence pour d’autres. Infirmières et infirmiers, nous avons l’obligation de dénoncer ce racisme structurel et institutionnel, qui est beaucoup plus insidieux que la discrimination manifeste parce qu’il ne nécessite pas une intention individuelle. Le fonctionnement, les politiques et la structure du système de soins de santé même sont profondément ancrés dans des préjugés racistes.

Dans notre métier, nous apprenons ce que sont les déterminants sociaux de la santé et nous les comprenons. Ils incluent un vaste éventail de facteurs personnels, sociaux, économiques et environnementaux qui influent sur la santé individuelle et collective. L’un de ces déterminants est la race ou le racisme. En tant qu’infirmières et infirmiers, nous devons être courageux et amorcer la conversation sur le racisme et les préjugés racistes, nous devons attirer l’attention sur des questions comme les effets des traumatismes historiques et la représentation disproportionnée des personnes noires et autochtones dans les prisons canadiennes. Le personnel infirmier doit diriger l’attention sur l’accès inégal aux soins de santé, entre autres pour les réfugiés et les personnes non anglophones. Nous devons parler haut et fort des préjugés conscients et inconscients qui nuisent aux soins que reçoivent les personnes appartenant à des communautés racisées, en particulier la grande injustice du fait que ce sont dans les quartiers de ces communautés qu’on trouve le moins de services de santé. Nous devons reconnaître que les groupes racisés sont démesurément touchés par certaines maladies, comme le VIH chez les peuples autochtones, et nous devons nous demander pourquoi.

En tant qu’infirmières et infirmiers, nous devons être courageux et amorcer la conversation sur le racisme et les préjugés racistes.

L’heure est venue pour le personnel infirmier de contester les déclarations du genre « Je ne vois même pas la couleur des gens » ou « La race, je ne la vois pas ». Ce genre de propos nie l’importance de comprendre le contexte de la personne au fil de sa vie, dans un monde où les gens les voient, les couleurs, à l’intérieur d’un corps racisé. En fait, ces déclarations minimisent le racisme manifeste et voilé avec lequel elle a toujours vécu.

L’heure est venue de dénoncer les systèmes dans lesquels nous travaillons et de nous pencher sur nos propres préjugés implicites. Ce sont des conversations dérangeantes que nous devons pourtant avoir avec nos collègues et avec nous-mêmes, parce que nous pourrions bien découvrir que nous ne sommes pas aussi aveugles à la race que nous le pensions, que nous avons en fait des préjugés et des stéréotypes sur les races et qu’ils influencent notre pratique.


Michelle Danda, inf. aut., M. Sc.inf., MPN, inf. aut., CPMHN(C), est diplômée du programme accéléré de baccalauréat en sciences infirmières de l’Université de Calgary (2008). Actuellement, elle exerce en soins infirmiers en santé mentale à l’Hôpital Lion’s Gate à North Vancouver (C.-B.). C’est là qu’elle vit et élève ses quatre beaux enfants avec son partenaire, qui est aussi infirmier en santé mentale. Elle est également étudiante à temps plein dans le programme de doctorat en sciences infirmières de l’Université de l’Alberta.

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