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août 20, 2020, Par: Abe Oudshoorn
(en anglais seulement)
Cet article est l’un des premiers qu’infirmière canadienne consacrera à la question du racisme – en particulier le racisme anti-Noirs – dans les soins de santé, y compris les soins infirmiers. Notre objectif est de faire entendre celles et ceux qui ont connu le racisme ou veulent le dénoncer.
Messages à retenir
- Les soins infirmiers sont trop blancs pour que notre profession excelle, trop blancs pour obtenir les meilleurs résultats pour les patients et les communautés.
- Si les efforts pour intégrer des concepts comme la sécurisation culturelle et la réconciliation dans les soins infirmiers sont louables, ils n’entraîneront rien de plus qu’une lente évolution vers une diversité accrue. Un tel résultat n’a rien à voir avec la justice, mais avec le temps qui passe.
- Il est temps de joindre le geste à la parole pour que la diversité devienne réalité.
J’ai été consterné à la lecture du message d’une infirmière canadienne, sur les réseaux sociaux, qui minimisait le rôle des manifestations Black Lives Matter (La vie des Noirs compte) au Canada en laissant entendre que ça ne rimait à rien « pour les Canadiens, de protester contre un problème américain ». La naïveté qu’il faut pour écrire un tel commentaire – j’espère que c’était de l’ignorance et non l’expression intentionnelle de ses préjugés – me porte à conclure qu’il nous reste encore beaucoup de travail à faire pour aider les infirmières et infirmiers blancs à voir le monde autrement. J’écris ce commentaire en réponse à l’appel des leaders de Black Lives Matter pour que « des Blancs parlent aux Blancs ». Je pars ici d’une idée de base très simple : non seulement les soins infirmiers sont très blancs au Canada, mais ils sont trop blancs. Trop blancs pour que notre profession excelle et trop blancs pour obtenir les meilleurs résultats pour les patients et les communautés que nous servons.
J’écris ce commentaire en réponse à l’appel des leaders de Black Lives Matter pour que « des Blancs parlent aux Blancs ».
Pour défendre mon idée de base, j’ai cherché des données. Avec mes 16 années d’expérience dans la profession, je pensais bien qu’une comparaison des données sur les effectifs avec les données de Statistique Canada montrerait une disparité claire entre notre profession et la population canadienne. J’ai cependant buté sur un obstacle inattendu. Les statistiques de l’Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario, de l’Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario, de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada et de l’Institut canadien d’information sur la santé manquent singulièrement d’information sur la race et l’origine ethnique dans la profession infirmière. Il me semble qu’une première étape simple pour comprendre nos difficultés actuelles en tant que profession serait de veiller à ce que ces données soient incluses dans tous les rapports sur les effectifs. Je base donc mes inquiétudes concernant la sous-représentation des personnes autochtones, noires et de couleur (PANDC) dans la profession sur mes opinions, qui sont subjectives. J’aimerais beaucoup que des statistiques viennent me contredire.
Donc, à titre de personne blanche, qu’est-ce que j’aimerais dire à une profession en grande majorité blanche? Pour créer un contexte où l’ignorance sera éradiquée, nous devons activement, réellement et délibérément changer le visage de notre profession. Je loue les efforts du milieu infirmier pour intégrer des concepts comme la sécurisation culturelle et la réconciliation. Il est important de le savoir et j’espère que cela mènera à l’enseignement de l’antiracisme et de la décolonisation. Modifier les programmes de formation ne suffira cependant pas pour faire activement de la place pour les PANDC dans nos écoles et pour assurer leur large représentation dans les échelons supérieurs de notre profession. Changer les programmes de formation est passif; l’heure est venue d’agir. Une lente évolution vers une diversité accrue qui est toujours en retard sur l’ensemble de la population n’a rien à voir avec la justice, mais avec temps qui passe. Par contre, c’est par le recrutement, la promotion, la mise en valeur, la célébration, l’écoute et le mentorat actifs des infirmières et infirmiers noirs, autochtones ou de couleur que nous pouvons faire en sorte que l’arc de l’univers moral tende plus vite vers la justice.
Il faut agir sans attendre, et ça ne devrait pas être à nos collègues noirs, autochtones ou de couleur de le faire.
Il y a beaucoup de choses à faire pour changer le visage des soins infirmiers, selon le contexte où l’on exerce, enseigne ou fait de la recherche. Il n’est cependant pas difficile de réfléchir aux façons dont vous ou votre milieu de travail pourriez soutenir activement le personnel infirmier noir, autochtone ou de couleur pour lui donner accès à de meilleurs débouchés ou dont vous pourriez l’accueillir en plus grands nombres dans la profession. Recrutez des PANDC comme étudiantes et étudiants; embauchez des PANDC comme infirmières et infirmiers; supprimez les obstacles à la qualification des infirmières et infirmiers formés à l’étranger; démissionnez des conseils d’administration infirmiers qui sont trop blancs et exigez qu’on vous remplace par une PANDC aux compétences infirmières; ne participez pas à des tribunes de discussion entièrement blanches dans les congrès; dénoncez le racisme et descendez dans la rue avec le mouvement Black Lives Matter. Il faut agir sans attendre, et ça ne devrait pas être à nos collègues noirs, autochtones ou de couleur de le faire. Il est grand temps que les infirmières et infirmiers blancs aident à remédier à l’insoutenable blancheur des soins infirmiers. L’antiracisme est une démarche active, et comme notre profession a fait montre de préjugés et d’exclusion, l’antiracisme implique que nous devons redoubler d’efforts pour la rendre meilleure.
En conclusion, à titre d’infirmier blanc qui s’adresse à des infirmières et infirmiers blancs, je voudrais dire qu’il est grand temps que nous passions de la parole aux actes pour faire de la diversité une réalité. Mes engagements, en tant qu’éducateur, sont entre autres de continuer à recruter des PANDC parmi mes étudiantes et étudiants à la maîtrise et au doctorat, de dénoncer le racisme quand j’en vois et de me retirer des postes d’autorité pour promouvoir plutôt des leaders noirs, autochtones ou de couleur. J’espère que vous prendrez vous aussi un engagement aujourd’hui, pour vous, pour la profession et pour la justice.
Abe Oudshoorn, inf. aut., Ph.D., est professeur adjoint à l’École de sciences infirmières Arthur Labatt Family, Université Western, à London (Ont.), et membre du Centre for Research on Health Equity and Social Inclusion.
#racisme#discrimination#opinions