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oct. 09, 2020, Par: Kylie Teggart
(en anglais seulement)
Messages à retenir
- C’est vraiment chez eux que beaucoup de nos patients atteints de maladies chroniques multiples sont le mieux. C’est un cadeau dont tout le monde devrait pouvoir profiter vers la fin de sa vie.
- Le personnel infirmier de soins à domicile est très compétent pour évaluer les patients de façon critique et plaider leur cause, même sans ressources ou technologie.
- Des investissements supplémentaires sont nécessaires pour optimiser le rôle des infirmières et infirmiers communautaires afin qu’ils puissent fournir des soins intégrés de qualité supérieure.
« Beaucoup de gens, dont des infirmières et des infirmiers, ne savent même pas ce que sont les soins à domicile avant d’en avoir besoin – et ils découvrent alors combien le système est inadéquat. [TRADUCTION] » (Shamian, 2014).
Un après-midi pluvieux, après un quart de nuit, j’ai reçu un appel de ma famille. Mon grand-père, un homme extraordinaire de 87 ans qui gérait depuis plusieurs années de multiples maladies chroniques avec l’aide de sa femme, Debbie, était sorti de l’hôpital et renvoyé chez lui pour des soins palliatifs.
Les médecins s’étaient pliés au souhait de mon grand-père d’être chez lui, si sa famille pouvait s’occuper de ses besoins complexes. Étant la seule infirmière de la famille et les contacts rapprochés devant être limités à cause de la COVID-19, je me suis proposée pour cette tâche sans hésitation. Fournir des soins à domicile à un unique patient ne pouvait pas être si difficile, me suis-je dit.
Quelle surprise pour l’infirmière de soins intensifs que je suis d’assister au chamboulement de mes façons de penser! La première chose qui m’a sauté aux yeux quand j’ai vu, en une seule journée, après que mon grand-père ait retrouvé son univers personnel, se dissiper le delirium dont il était pourtant atteint à l’hôpital, c’est que c’est vraiment chez eux que beaucoup de nos patients atteints de multiples maladies chroniques sont le mieux.
Le voir accomplir des tâches qui comptaient pour lui, profiter de ses après-midi au soleil, dehors, et passer du temps avec ses amis et sa famille était un vrai cadeau. Dans ce cas, pourquoi plus de nos patients ne peuvent-ils pas recevoir le même cadeau à la fin de leur vie? Et qu’advient-il des personnes qui ne peuvent pas être aidées ainsi par leur famille?
Proches aidants
Pour parler franchement, avant de devenir proche aidante, je ne n’avais jamais pleinement pris la mesure de ce que cela signifie.
Pour parler franchement, avant de devenir proche aidante, je ne n’avais jamais pleinement pris la mesure de ce que cela signifie. Pendant le mois où j’ai vécu avec mes grands-parents, la plus grande différence que j’ai remarquée entre les soins infirmiers et l’aide à domicile est que les collègues du quart de nuit ne venaient pas me libérer à 19 heures.
En plus des soins infirmiers requis, on cuisine tous les repas, coordonne les multiples rendez-vous, organise les livraisons d’équipement et de fournitures et interagit, chaque jour, avec toutes sortes de fournisseurs de soins de santé. Et tout cela avec très peu de sommeil, tout en essayant de maintenir une relation personnelle avec le patient.
Je trouve très troublant qu’on s’attende à ce que les familles fassent tout ça 24 heures sur 24, jour après jour, souvent pendant de longues périodes, avec aussi peu de soutien. Malgré l’expérience de Debbie comme proche aidante de mon grand-père et ma connaissance du système de soins de santé de l’intérieur en tant qu’infirmière, nous nous sentions par moments perdues en mer. Je me posais sans cesse la même question : qui est à la barre de ce navire?
Les proches aidants sont indéniablement les meilleurs défenseurs de la cause de nos patients; nous ne pouvons cependant pas nous attendre à ce qu’ils deviennent quasiment du jour au lendemain des spécialistes de la coordination des soins et des méandres du système de santé.
Voués à l’échec?
Tout au long de cette expérience, j’ai pu observer de nombreux membres formidables du personnel soignant : infirmières et infirmiers, aide-soignants, médecins et autres alliés. Il est manifeste qu’ils essayent tous de faire de leur mieux dans un système qui semble déterminé à les laisser, ainsi que leurs patients, peiner ou même échouer.
J’ai acquis le plus grand respect pour les infirmières et infirmiers qui travaillent en soins à domicile. Faire tant avec si peu est réellement un art. Par exemple, trouver l’insaisissable scanneur de vessie est un problème fréquent aux soins intensifs, mais à domicile, la tâche est d’autant plus compliquée qu’il n’y en a tout simplement pas.
Le personnel infirmier de soins à domicile est très compétent pour faire des évaluations critiques de ses patients et plaider leur cause, même sans ressources ou technologie. Malheureusement, des problèmes persistants en ce qui concerne les horaires, la dotation en personnel et la gestion, qui souffrent également d’un manque de ressources, nuisent à la continuité des soins qu’il s’efforce d’assurer. Puisque, souvent, des infirmières et infirmiers différents effectuaient la courte visite quotidienne, je ne pouvais que remarquer constamment l’absence flagrante de ceux qui auraient été en mesure de fixer le cap de ce navire sur lequel nous étions embarqués.
Vivement du personnel infirmier en pratique avancée
En fin de compte, ce sont les patients qui souffrent le plus des faiblesses systémiques actuelles dans les soins à domicile et dans la communauté.
Je suis d’avis que les infirmières et infirmiers en pratique avancée sont parfaitement placés pour prendre la barre. On a clairement besoin, de toute urgence, d’avoir plus de personnel infirmier clinicien spécialisé en soins palliatifs dans la communauté, de combler les lacunes qui minent les communications et de remédier à la compartimentation dangereuse qui existe actuellement dans la prestation des soins.
Je suis en outre d’avis qu’il serait très opportun que les infirmières et infirmiers patriciens interviennent davantage en soins à domicile, surtout dans nos communautés rurales. On supprimerait ainsi les visites inutiles (et coûteuses) aux urgences et on réduirait le nombre d’hospitalisations non souhaitées pour nos patients en phase palliative.
Des faiblesses systémiques
En fin de compte, ce sont les patients qui souffrent le plus des faiblesses systémiques actuelles dans les soins à domicile et dans la communauté. Ils reçoivent des soins sous-optimaux d’infirmières et infirmiers en soins à domicile, qui jonglent avec trop de balles et doivent participer à une réunion de travail par téléconférence tout en soignant une plaie.
Face aux attentes déraisonnables, les proches aidants risquent l’épuisement et la dégradation des relations. Passer des heures aux urgences, simplement parce que personne ne peut venir évaluer l’état de leur proche et lui prescrire à domicile les médicaments qui conviennent, est pénible et déplacé en fin de vie.
Investir dans des soins de qualité supérieure
Que les gens souhaitent finir leur vie chez eux n’est pas une surprise. Les chefs de file en soins infirmiers nous disent depuis des années que nous devons optimiser le rôle du personnel infirmier communautaire pour offrir des soins intégrés de qualité supérieure. Pourtant, souvent, ce n’est que quand nous nous trouvons personnellement dans ces situations que nous sommes obligés de regarder à la loupe les problèmes manifestes qui existent actuellement en soins à domicile.
C’est donc par nécessité que j’écris cette réflexion : pour essayer de trouver un sens à ce que vis, mais aussi pour ajouter ma voix à l’appel à investir dans le secteur des soins à domicile et dans la communauté. C’est un secteur qui a besoin de plus d’attention et d’investissements si on veut avoir des soins centrés sur le patient et sur la famille, éviter les soins coûteux en établissement, promouvoir le recrutement et le maintien en poste de personnel de santé hautement qualifié et, en fin de compte, améliorer la prestation des soins de fin de vie.
Nos patients et leurs proches aidants comptent sur nous pour redresser le cap.
Références
Shamian, J. Foreword. Dans T. Shalof, Bringing it home: A nurse discovers health care beyond the hospital. Toronto: McClelland & Stewart, 2014.
Kylie Teggart, inf. aut., B. Sc. inf., CSIO(C), est doctorante à l’Aging, Community and Health Research Unit (ACHRU), École de sciences infirmières de l’Université McMaster, Hamilton (Ont.).
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