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Jan 11, 2021, Par: Tasha Vandervliet, Selina Fleming, Melissa Rathwell
Messages à retenir :
- Il n’est pas rare que les établissements de santé reconnaissent tardivement la détérioration des patients; un outil comme le National Early Warning Score (NEWS) peut donc être utile.
- On encourage le personnel infirmier à ne pas se concentrer exclusivement sur un résultat du NEWS, mais à plutôt surveiller l’évolution du score et prendre en compte les évaluations pertinentes quand il prend des décisions.
- Les infirmières et infirmiers peu expérimentés ont trouvé que l’outil NEWS les aidait dans leurs décisions et dans leur planification des congés de l’hôpital.
Divers systèmes et scores de détection précoce (Early Warning Scores, ou EWS) ont été conçus pour aider le personnel soignant à repérer les patients risquant une détérioration, pour orienter les interventions et pour déclencher des communications rapides entre les membres de l’équipe de soins. Nous nous penchons ici sur la méthodologie que nous avons employée pour mettre un de ces systèmes en œuvre dans les quatre petits hôpitaux communautaires de notre alliance de soins de santé.
Enquête auprès du personnel infirmier et audits des dossiers
La principale impulsion pour la mise en œuvre d’un EWS à l’Alliance de soins de santé de Huron Perth remonte à des discussions sur les façons de réduire le nombre d’admissions non planifiées en soins intensifs de patients déjà hospitalisés dans d’autres services. Nous avons procédé à une enquête auprès du personnel infirmier et à des audits des dossiers de ces patients pour analyser les causes fondamentales.
Il ressort des réponses des infirmières et infirmiers qui ont participé à l’enquête, plus de 100 en tout, qu’ils n’ont pas toujours confiance dans leur capacité de reconnaître la détérioration aux stades les plus précoces, de réfléchir de façon critique pour planifier des interventions comme des évaluations répétées et de communiquer clairement leurs inquiétudes au médecin responsable en temps opportun.
Les audits menés sur les notes du personnel infirmier dans les dossiers des patients admis aux urgences sans que ce soit planifié ont montré que souvent, des signes précoces de détérioration – signes vitaux et autres données d’évaluations – n’étaient pas repérés ou étaient laissés sans suite. Il était nécessaire d’améliorer la manière dont le personnel infirmier consigne ses interventions pour refléter correctement les soins infirmiers administrés et les communications avec les médecins pour prévenir un apparent échec des secours.
Reconnaissance et prévention de la détérioration
Une analyse documentaire a montré qu’il n’est pas rare que d’autres établissements de santé reconnaissent tardivement la détérioration des patients. Nous avons donc vérifié auprès d’autres hôpitaux ontariens les solutions qu’ils avaient adoptées pour repérer la détérioration et prévenir sa progression. Beaucoup des grands centres qui ont répondu utilisent l’équivalent d’équipes mobiles de soins critiques quand l’état d’un patient semble se détériorer. Les plus petits hôpitaux communautaires, pour leur part, n’avaient pas encore trouvé de solution et manquaient de ressources pour soutenir ce type de programme mobile.
Pour trouver des réponses, nous avons dans un premier temps cherché des outils servant seulement à détecter la sepsie, car beaucoup d’admissions non planifiées en soins intensifs semblaient liées à une progression de la sepsie. Les recherches à l’appui du recours à un système EWS pour la détection et le traitement précoces de tous les types de détérioration étaient cependant convaincantes. Nous avons donc décidé de faire porter nos efforts sur la sélection d’un outil permettant de repérer les signes précoces de détérioration des patients, toutes causes confondues (pas seulement la sepsie) et aidant le personnel infirmier à planifier l’intensification des soins et à réviser leur fréquence, et à communiquer promptement et de façon concise avec le médecin.
En mettant en œuvre un système EWS, notre objectif n’était pas d’améliorer la compétence pour l’évaluation des patients, mais plutôt d’améliorer la réflexion critique dans l’interprétation des données d’évaluations des patients en conjonction avec les tendances indiquées par le système EWS. Nous espérions en outre améliorer la collaboration et la communication avec les médecins tout en réduisant l’apparence d’échec des secours, la durée des hospitalisations pour sepsie et les admissions non planifiées en soins intensifs.
Notre objectif était d’améliorer la réflexion critique dans l’interprétation des données d’évaluations des patients en conjonction avec les tendances indiquées par le système EWS.
Mise en œuvre du National Early Warning Score
En décembre 2016, après que l’idée ait été bien accueillie par nos champions du corps médical et par la direction de l’alliance, nous avons commencé à planifier l’intégration du National Early Warning Score (NEWS) au flux de travail de nos infirmières et infirmiers cliniciens. NEWS est un outil validé conçu au Royaume-Uni. Au moyen de sept paramètres physiologiques que les infirmières et infirmiers évaluent déjà régulièrement dans le cadre des soins aux patients, il repère les premiers signes de détérioration et déclenche les réactions nécessaires.
Un score de 0 à 3 est donné pour chacun des sept paramètres en fonction du résultat de l’évaluation et de leur écart avec les valeurs « normales ». Plus le score NEWS est élevé, plus la possibilité de détérioration est grande. Pour que les valeurs « normales » pour chacun des patients soient prises en compte, on encourage le personnel infirmier à surveiller l’évolution des scores et à tenir en compte les données des autres évaluations pertinentes à la prise de décision, au lieu de se concentrer sur un résultat isolé de NEWS.
Lorsque des infirmières et infirmiers auxiliaires autorisés (IAP) s’occupent de patients dont le score NEWS commence à augmenter, ils doivent consulter l’infirmière ou l’infirmier chef ou d’autres infirmières et infirmiers autorisés expérimentés pour discuter des mesures à prendre et déterminer si certains soins, ou tous, devraient être transférés au personnel infirmier autorisé. Soulignons par ailleurs que nous avons demandé aux infirmières et infirmiers d’ajouter un bref commentaire à l’écran documentant les réactions aux signes vitaux pour indiquer en détail quelles réactions ils prévoyaient au vu du score, ou pourquoi ils ne jugeaient pas nécessaire de faire un suivi.
Dans plusieurs articles sur l’utilisation du EWS, les auteurs mentionnent que des erreurs dans l’obtention d’un score sont plus probables quand les infirmières et infirmiers le calculent eux-mêmes. Pour que le score soit correctement calculé, nous avons travaillé en étroite collaboration avec nos collègues en technologie de l’information (TI), qui se sont assurés que le champ NEWS du système de documentation électronique Meditech soit rempli automatiquement une fois que les infirmières et infirmiers ont entré les données d’évaluation pour chacun des sept paramètres physiologiques. Par ailleurs, l’équipe de TI a conçu un message d’alerte automatique avec, selon le score, des recommandations pour les réactions, une invitation à communiquer avec les autres membres de l’équipe de soins et des suggestions pour modifier la fréquence des réévaluations.
Méthode d’apprentissage mixte
Nous avons élaboré une méthode d’apprentissage mixte pour former le personnel infirmier avant la mise en œuvre de NEWS. Les apprenants ont commencé par suivre une formation en ligne qui présentait en détail la pathophysiologie de la sepsie, l’outil NEWS et les sept paramètres physiologiques mesurés pour obtenir un score. Après cette formation en ligne, les apprenants ont assisté à une séance en présentiel de deux heures, rémunérée, pour améliorer leur réflexion critique et leur interprétation des totaux de NEWS.
En utilisant des scénarios réalistes, les infirmières et infirmiers ont pu s’entraîner à utiliser les résultats des évaluations cliniques et l’évolution des scores totaux NEWS pour planifier l’intensification des soins, les interventions et les réévaluations. Point intéressant, nombre d’entre eux ont confié qu’ils étaient sceptiques quant aux avantages de NEWS avant de participer aux séances de formation en classe et de s’entraîner à utiliser NEWS dans le cadre de scénarios réels. Pour soutenir le personnel infirmier après la mise en œuvre, nous avons placé de la documentation plastifiée au chevet de tous les patients. Pendant les premières semaines qui ont suivi le déploiement, nous avons fourni des conseils et du soutien en temps réel aux infirmières et infirmiers.
Les infirmières et infirmiers chefs ont appuyé la mise en œuvre en obtenant de l’argent de la fondation des hôpitaux pour couvrir la rémunération pendant la formation requise et en assurant la présence du personnel aux séances de formation. On les a aussi chargés de faire le suivi pour les questions de conformité au processus, à la demande, après la mise en œuvre.
En août 2018, nous avons mis NEWS à l’essai pendant un mois, avec succès, dans l’une des unités de soins aux patients hospitalisés, puis nous avons continué la mise en œuvre, une unité à la fois tous les quelques mois. En juin 2019, NEWS était en place dans toutes les unités de patients hospitalisés où nous voulions l’utiliser dans les quatre hôpitaux.
Évaluation du programme
Pour évaluer la réussite du programme et cerner les points à améliorer, nous avons mobilisé les départements d’aide à la décision et d’amélioration de la qualité pour collecter des données quantitatives significatives comme les taux de sepsie, la durée des hospitalisations et le nombre d’admissions non planifiées en soins intensifs.
Il a été compliqué de démontrer l’effet global de NEWS sur la durée d’hospitalisation des patients atteints de sepsie à cause de quelques cas où les patients souffrant de comorbidités importantes doivent séjourner à l’hôpital pendant un mois ou plus. Nous avons néanmoins pu montrer qu’après la mise en œuvre de NEWS, le nombre moyen d’admissions non planifiées en soins intensifs (2019-2020) était passé de 5,2 à 4,3. L’audit des dossiers individuels nous a permis de voir que la détérioration de ces patients avait été soudaine, sans qu’il y ait d’augmentation préalable de leur score NEWS; la détection et les interventions précoces n’auraient donc pas été possibles.
Un certain nombre d’infirmières et infirmiers peu expérimentés ont rapporté, subjectivement, que NEWS avait renforcé leur confiance dans leur capacité de détecter et gérer les signes précoces de détérioration des patients. Nous avons également constaté que le personnel infirmier documentait beaucoup plus rapidement et beaucoup mieux ses interventions dans les cas de détérioration réelle ou potentielle des patients, ce qui a atténué les craintes d’échec apparent des secours. Les chefs d’équipe de l’unité ont dit que le système les a aidés dans la prise de décisions sur l’affectation des patients et la planification des congés de l’hôpital, car ils peuvent voir l’ensemble des totaux NEWS actuels pour chacun des patients de l’unité.
Pendant les premières semaines qui ont suivi le déploiement, nous avons fourni des conseils et du soutien en temps réel aux infirmières et aux infirmiers.
Réceptivité du corps médical et incidence sur les soins aux patients
Bien que nous ayons largement mobilisé les groupes de médecins avant et pendant la mise en œuvre, ils ont adopté un rôle passif pour le déploiement, et nous avons découvert que tous ne souhaitaient pas être informés des scores NEWS des patients. Pour certains, l’outil sert aux soins infirmiers, et il revient au personnel infirmier d’utiliser NEWS pour déterminer quand informer le médecin de l’état des patients. Qui plus est, connaître le score n’aurait pas forcément d’incidence sur leurs décisions personnelles pour le traitement.
Puisque NEWS a été bénéfique pour les soins aux patients, nous comptons continuer à l’utiliser. Pour assurer la durabilité de cette mesure, nous avons intégré la formation sur NEWS à l’orientation des nouvelles recrues en soins infirmiers; de nouveaux fonds ne seront donc pas nécessaires.
Nous continuons de collecter des données sur les mesures des résultats et avons transmis le plan de mise en œuvre, le matériel de formation et le compte rendu de notre expérience aux dirigeants de plusieurs hôpitaux de tailles diverses aux prises avec des situations similaires. À l’avenir, nous étudierons peut-être des façons de mettre NEWS en œuvre aux urgences et dans les services de maternité et de pédiatrie.
Remerciements
Les auteures remercient les groupes suivants pour leur contribution à la réussite de NEWS : nos champions du corps médical, les Drs Haffner et Narayan; nos anciens collègues et étudiants au département d’éducation, entre autres Catherine Walsh, Crystal Turner et Leah McKay; les départements de technologie de l’information, d’aide à la décision et d’amélioration de la qualité de l’Alliance de soins de santé de Huron Perth.
Tasha Vandervliet, B. Sc inf., inf. aut., Selina Fleming, M. Sc. inf., B. Sc. inf., inf. aut., et Melissa Rathwell, B. Sc. inf., inf. aut., sont infirmières cliniciennes enseignantes à l’Alliance de soins de santé de Huron Perth Healthcare Alliance.
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