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juil. 05, 2021, Par: Jessy Dame
Alors que la recherche continue de s’orienter vers un fondement axé sur les forces, qui met l’accent sur la valeur, les compétences et les connaissances inhérentes des personnes et des collectivités, il est clair que le modèle de recherche actuel et encore le plus répandu, qui se concentre sur le risque et le déficit, est dépassé. Ce modèle peut s’avérer problématique, car l’utilisation d’une terminologie qui s’attache aux vulnérabilités risque de stigmatiser davantage les populations.
Bien qu’il soit nécessaire de déterminer le contexte des obstacles sociétaux et structurels et les facteurs qui y contribuent, nous devons également nous pencher sur la façon dont la langue utilisée dans les sondages, les examens et autres tests fondés sur des questions peut en fait perpétuer la stigmatisation des communautés autochtones. Les chercheurs doivent se pencher sur les questions posées aux membres des communautés autochtones et réfléchir à ce qu’on demande à ces communautés et au cadre fondamental sur lequel reposent ces questions.
À titre d’exemple, voici une question que l’on m’a posée dans le cadre d’une demande de subvention : « Selon vous, que doit il se passer dans les années à venir pour favoriser la résurgence de la réussite sociale, politique, culturelle, linguistique et économique des Autochtones, et quelles sont les difficultés qui empêchent les communautés autochtones d’y parvenir? ». J’estime que poser une question de cette manière a non seulement pour effet de stigmatiser davantage les communautés autochtones comme étant en difficulté, mais elle fait aussi porter le blâme à la communauté, comme si elle était responsable de ne pas avoir réussi à atteindre ses objectifs. Dans ce même ordre d’idée, j’ai ainsi répondu à cette question : « Rien ne nous retient; nous allons de l’avant, mais dans les limites que nous impose l’état actuel de la société. »
Le fait de formuler une question du point de vue des « entraves » continue à entretenir la notion que les peuples autochtones peuvent être freinés. Cette notion est fondamentalement fausse. Nous sommes là et nous survivons.
Mais en reformulant la question ainsi : « Quelles sont les politiques systémiques et raciales en place qui limitent la capacité des communautés autochtones à s’épanouir? », on redirige le blâme là où il doit l’être, soit sur le système plutôt que sur la communauté.
Trop longtemps, les recherches et les rapports ont rejeté la responsabilité des inégalités actuelles sur les communautés autochtones. La recherche actuelle semble mettre en évidence les communautés d’une façon qui met en avant leurs « facteurs de risque » et leurs « entraves », alors qu’en réalité, elles surmontent ces obstacles et elles se créent des facteurs de protection.
Mais « Comment changer le système? » est une question qui revient souvent dans mon parcours universitaire. J’en suis venu à la conclusion que cette question n’est plus celle que l’on doit se poser.
À mon avis, nous devons en tant qu’Autochtones reconnaître que la force qui nous définit à titre individuel est le facteur le plus important dans notre résurgence.
D’une manière ou d’une autre, la société semble en être venue à croire que la seule réponse à cette question consiste à changer l’ensemble du système, plutôt que de s’examiner elle même. Nous avons perdu de vue bon nombre d’aspects individuels associés à un changement du système à un niveau fonctionnel. « Comment nous changer nous mêmes? » est la question que nous devons nous poser. Si nous apportons des changements sur le plan individuel, le système se modifiera en conséquence.
La perspective individuelle s’est perdue en chemin parce que les grands systèmes ont fait en sorte que les Autochtones se sentent réduits au silence, mais nous ne pouvons pas rester silencieux. Nous ne pouvons pas cesser de nous exprimer, et nous ne pouvons pas rester en plan. L’histoire nous le montre. Je ramène donc la conversation à la question du début : « Selon vous, que doit il se passer dans les années à venir pour favoriser la résurgence de la réussite sociale, politique, culturelle, linguistique et économique des Autochtones, et quelles sont les difficultés qui empêchent les communautés autochtones d’y parvenir? ».
À mon avis, nous devons en tant qu’Autochtones reconnaître que la force qui nous définit à titre individuel est le facteur le plus important dans notre résurgence. Le fait d’être bruyant, fier et intolérant à l’égard de l’intolérance n’est ni mauvais ni négatif, mais plutôt protecteur, et c’est une voie à suivre.
Rien n’empêche les communautés autochtones d’aller de l’avant. C’est plutôt le système qui bloque notre évolution et qui nous persuade de voir ce blocage comme issu de notre communauté.
Ce qui nous retient le plus, ce sont les questions préjudiciables qui sont imposées comme base de notre recherche.
Je m’appelle Jessy Dame, et je suis très fier d’être infirmier autorisé certifié, métis et bispirituel. Mes parents sont originaires du Manitoba, plus particulièrement des territoires visés par le Traité 1 et le Traité 2. Je salue ma mère, qui a élevé trois enfants en tant que mère célibataire. Si ce n’était de son dévouement et de son amour, je n’aurais pas parcouru tout ce chemin à ce jour.
J’ai travaillé dans le domaine de la santé néonatale et postnatale, ainsi que dans les collectivités éloignées de la côte ouest et du nord de la Colombie Britannique. Je travaille actuellement comme infirmier en santé sexuelle dans une clinique de santé sexuelle desservant une clientèle queer. Je viens également de terminer ma maîtrise en sciences infirmières, et ma thèse portait sur l’étude des facteurs de protection chez les hommes gais et bispirituels qui s’identifient comme tels et qui ont fait des tentatives de suicide. En rédigeant cet article d’opinion, j’estimais d’une extrême importance le fait de fournir un aperçu d’autosituation pour permettre au lecteur de comprendre l’état d’esprit et les perspectives que j’apporte à ce travail.
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