https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2021/11/22/weve-lost-sight-of-the-ongoing-substance-use-crisi
La COVID 19 révèle une disparité frappante dans la réponse de la santé publique
nov. 22, 2021, By: Michelle Danda
La crise des opioïdes est une épidémie sanitaire mondiale qui survivra à la crise de la COVID-19. Sa gravité était évidente lorsque le ministre de la Santé de la Colombie Britannique a déclaré une urgence de santé publique le 15 avril 2016, il y a plus de cinq ans. Bien que des mesures aient été prises à l’échelle provinciale et nationale pour répondre à la hausse de la mortalité chez les consommateurs de substances, ces mesures font piètre figure devant la rapidité avec laquelle on a élaboré et mobilisé des stratégies pour s’attaquer à la pandémie de COVID-19.
En tant que membres du personnel infirmier, nous devons nous demander pourquoi les tentatives en vue de surmonter chaque crise sont si différentes (Stirley et Hoeflich, 2021). La réponse la plus claire est peut être la perception tenace que la consommation de substances est un choix personnel par lequel les consommateurs acceptent le risque et, en fin de compte, en subissent les conséquences (Farkas, 2016). Cependant, comme les résultats de recherche montrent le bienfait de stratégies telles que la réduction des méfaits (y compris la légalisation d’un approvisionnement sûr), les répercussions des déterminants sociaux de la santé (comme la pauvreté et le racisme) et l’importance de réfléchir aux préjugés inconscients (Livingston, 2021), le personnel infirmier doit jouer un plus grand rôle dans la promotion des changements systémiques nécessaires pour répondre adéquatement à la hausse des décès et à la stigmatisation continue des consommateurs de substances.
Dissiper les mythes sur la consommation de substances
Le personnel infirmier joue un rôle de premier plan dans l’offre de soins aux consommateurs de substances. Mais la population infirmière n’est pas elle non plus à l’abri des problèmes de consommation dans le cadre de sa pratique active (Kunyk, 2015). Bien que la consommation de substances soit un choix individuel, elle est influencée par de nombreux facteurs contextuels, notamment par les pairs, l’âge, la culture, le statut socio-économique et l’état de santé. La toxicomanie, c’est tout autre chose : la toxicomanie n’est pas un choix individuel, mais plutôt le résultat problématique de multiples facteurs, comme une douleur et des traumatismes non traités ou mal gérés.
Perpétuer le message selon lequel la toxicomanie est un choix va à l’encontre d’une grande partie des données mondiales fondées sur la recherche. Le personnel infirmier doit mener les efforts de sensibilisation et de plaidoyer afin de dissiper les mythes sur l’approvisionnement sûr en substances, dont l’idée qu’il entraîne de mauvais choix de vie. Les infirmières et infirmiers doivent également diffuser le message que les initiatives d’approvisionnement sûr en substances réduisent la propagation des maladies infectieuses, préviennent les décès par surdose et améliorent le taux de guérison de la dépendance aux substances illicites.
Le personnel infirmier doit jouer un rôle de premier plan dans la remise en question de la notion selon laquelle toute consommation de substances est problématique et oublier l’idée qu’une vie exemplaire doit être exempte de substances.
Prendre les devants pour changer le système
En Colombie Britannique, des centaines de citoyens d’âges, d’ethnies, de cultures et de statuts économiques différents perdent la vie chaque mois en raison d’une intoxication aux opiacés. Les services en aval comme les traitements forcés, les programmes de rétablissement et les services de toxicomanie ne suffisent pas. Nous devons cesser de critiquer les consommateurs de substances et mettre fin aux campagnes qui misent sur le renoncement pur et simple. Les médias abondent en mythes selon lesquels la consommation de substances entraîne la dépendance, la perte d’emploi, l’itinérance et, éventuellement, la mort. La dépendance peut être un problème pour certains, mais la plupart des gens qui consomment des substances ne se situent pas à cette extrémité du spectre. Le personnel infirmier doit prendre part à un dialogue qui va au delà des interventions individuelles pour plutôt concevoir des stratégies qui modifient le système. Le changement systémique met en jeu des stratégies qui ciblent les politiques, la législation et le marketing et qui visent à modifier les comportements. De telles stratégies peuvent agir sur les attitudes, les préjugés et la discrimination afin de réduire l’autostigmatisation et l’isolement social.
Comprendre la légalisation et l’approvisionnement sûr
La compréhension de ce en quoi consistent un approvisionnement sûr et la légalisation est un aspect important du travail de plaidoyer. Ce n’est pas la substance en soi qui entraîne des conséquences négatives, mais plutôt l’injustice des structures du système, comme le racisme, la discrimination fondée sur la capacité physique et le sexisme systémiques. Le personnel infirmier doit jouer un rôle de premier plan dans la remise en question de la notion selon laquelle toute consommation de substances est problématique et oublier l’idée qu’une vie exemplaire doit être exempte de substances. Le saut est plus facile à faire lorsqu’on envisage la consommation d’alcool (et plus récemment de cannabis). La même perspective doit cependant s’appliquer aux substances actuellement illégales : il importe de reconnaître que ce n’est pas la substance en soi qui cause les méfaits, mais les facteurs associés à l’illégalité, comme un mauvais contrôle de la qualité, un approvisionnement en substances contaminées et les procédures de justice pénale qui mènent à l’incarcération plutôt qu’à une démarche de santé publique.
Que peut faire le personnel infirmier?
Les infirmières et infirmiers sont des professionnels de la santé compétents qui inspirent confiance et qui occupent divers rôles de premier plan au sein du système de soins de santé, notamment dans les soins directs et les postes de direction et de décision. Des organisations comme l’Association des infirmiers et infirmières en réduction des méfaits et la Fédération canadienne des infirmières et infirmiers en santé mentale permettent au personnel infirmier canadien de se renseigner sur les stratégies et les compétences particulières qui peuvent s’intégrer à la pratique infirmière quotidienne et à promouvoir des changements organisationnels. Les infirmières et infirmiers de toutes les sphères doivent non seulement adhérer à la philosophie sous jacente de la réduction des méfaits, mais aussi s’engager activement dans le travail de sensibilisation à la consommation de substances. Ainsi, ils contribueront à modifier la perception du public à l’égard de la consommation de substances, notamment en atténuant les préjugés envers les consommateurs de substances, et à modifier les systèmes globaux qui perpétuent la dichotomie santé-maladie qui oppose renoncement aux substances et consommation.
Références
Farkas, K. J. Substance use and abuse: Everything matters, Toronto: Canadian Scholars’ Press, 2016.
Kunyk, D. (2015). « Substance use disorders among registered nurses: Prevalence, risks and perceptions in a disciplinary jurisdiction », Journal of Nursing Management, 23(1), 2015, p. 54-64. doi:10.1111/jonm.12081.
Livingston, J. D. Un cadre pour évaluer la stigmatisation culturelle dans le contexte des soins de santé pour les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et de consommation de substances. https://www.mentalhealthcommission.ca/wp-content/uploads/drupal/2021-05/Structural_Stigma_Assessment_Report_fr.pdf
Striley, C. W., et Hoeflich, C. C. « Converging public health crises: Substance use during the coronavirus disease 2019 pandemic », Current Opinion in Psychiatry, 34(4), 2021, p. 325-331. doi:10.1097/YCO.0000000000000722
Michelle Danda, inf. aut., M. Sc. inf., M. Sc. inf. (Psychiatrie), CSPSM(C), est diplômée du programme accéléré de baccalauréat en sciences infirmières de l’Université de Calgary (2008). Elle est infirmière spécialisée en informatique et exerce en soins infirmiers en santé mentale à l’Hôpital Lion’s Gate à North Vancouver, en Colombie Britannique. Elle vit à New Westminster et y élève ses quatre beaux enfants avec son conjoint, qui est aussi infirmier spécialisé en informatique et en santé mentale. Michelle Danda est également étudiante à temps plein au doctorat en sciences infirmières de l’Université de l’Alberta, et sa thèse porte sur l’histoire de l’enseignement en sciences infirmières psychiatriques en Colombie Britannique.
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