https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2022/05/30/9-strategies-for-increasing-diversity-and-inclusiv
Les dirigeants peuvent jouer un rôle de taille pour garantir la représentativité de l’effectif infirmier
Par Lauren Dobson
30 mai 2022
Messages à retenir
- La profession infirmière au Canada est homogène dans une grande mesure, ce qui ne permet pas de représenter la diversité démographique du pays.
- Pour que la profession infirmière représente mieux la population qu’elle sert, les dirigeants en soins infirmiers doivent reconnaître le manque de diversité et d’inclusion dans les programmes de formation en soins infirmiers.
- Les neuf stratégies offertes ici peuvent servir aux dirigeants en soins infirmiers pour renforcer la diversité et l’inclusion dans la formation en soins infirmiers.
Les infirmières et infirmiers prennent soin de patients dans leurs moments les plus vulnérables et les plus intimes. Tant les objectifs auxquels le personnel infirmier doit aspirer que la réglementation à laquelle il est soumis l’incitent à appuyer les gens pour qu’ils atteignent leur plus haut niveau possible de santé et de bien être (Association des infirmières et infirmiers du Canada, 2017). Cependant, l’atteinte de cet objectif est entravée par le fait que l’effectif infirmier ne rend pas compte de la démographie des patients recevant les soins. La diversité et l’inclusion sont des attributs que le personnel infirmier devrait s’efforcer d’atteindre, mais celui-ci reflète rarement la démographie du Canada, la majorité des membres du personnel infirmier de première ligne étant féminins, blancs et hétéronormatifs, surtout aux échelons de la direction et de la gestion (Merry, Vissandjée et Verville Provencher, 2021).
Les doyens des facultés de sciences infirmières doivent reconnaître l’homogénéité qui règne dans les programmes d’enseignement et prendre la responsabilité individuelle et collective de diversifier la profession. Le présent article a pour but d’explorer la nécessité d’accroître la diversité et l’inclusion dans les programmes de soins infirmiers réglementés et d’examiner comment la satisfaction de ce besoin pourrait faire avancer la profession. Nous nous intéresserons également, dans le cadre de cet article, aux façons dont les dirigeants en soins infirmiers peuvent jouer un rôle central pour renforcer l’inclusion et la diversité dans les programmes de soins infirmiers, et dont ils peuvent contribuer au recrutement et à la rétention d’étudiants représentatifs de la démographie du Canada.
Contexte
Par diversité, on entend « caractère de ce qui est divers, varié, différent; variété, pluralité » (Larousse). Dans le contexte du leadership infirmier, la diversité s’entend des divers sexes, races, cultures, religions, âges et capacités au sein de la profession (Chicca et Shellenbarger, 2020; LeBlanc et coll., 2020). Bien que l’importance de la diversité dans les soins infirmiers fasse consensus, on note un écart important entre l’intention et la mise en pratique (Chicca et Shellenbarger, 2020).
Les dirigeants en soins infirmiers jouent un rôle pour inciter les populations sous-représentées à faire carrière en soins infirmiers.
Malgré le fait que 50 % de la population canadienne est masculine et que 30 % de la population est autre que caucasienne, la profession reste majoritairement féminine, blanche et hétérosexuelle (Fontenot et McMurray, 2020; Jefferies, Tamlyn, Aston et Tomblin Murphy, 2019). En comparaison, dans les facultés de médecine canadiennes, pourtant traditionnellement dominées par les hommes, 56 % de la population étudiante est désormais composée de femmes, ce qui représente plus fidèlement la population canadienne en général (Association médicale canadienne, 2019).
Les hommes ne sont pas les seuls à être sous représentés dans les soins infirmiers; les personnes autres que caucasiennes le restent aussi grandement (Jefferies et coll., 2019; Morrison et coll., 2021). Selon l’Université de la Saskatchewan, « les Autochtones représentent 3 % de l’effectif infirmier autorisé, mais forment 4,9 % de la population canadienne globale » (Exner-Pirot, 2016). Depuis la publication de ces statistiques, en 2016, la représentation des Autochtones dans les soins infirmiers a augmenté, conformément à l’appel à l’action 23 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada de 2015 (Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada, 2019). Toutefois, on constate toujours un manque d’infirmières, d’infirmiers, de chercheurs et d’enseignants autochtones, et par conséquent, d’importantes valeurs et contributions sont laissées de côté dans le cadre de la formation (Brockie et coll., 2021). Premji et Etowa (2014) ont découvert que les groupes ethniques minoritaires « étaient sous représentés dans les postes de direction, et surreprésentés dans des postes subalternes » (Jefferies et coll., 2019). Une partie du problème réside dans le fait que les facultés de sciences infirmières recrutent moins d’étudiants issus de la diversité ou ne les retiennent pas, et que la santé des Autochtones n’est pas considérée comme une composante essentielle de certains programmes d’enseignement (Brockie et coll., 2021; Jefferies et coll., 2019).
Un manque de diversité perpétue aussi la discrimination dans la profession infirmière, et mène indirectement à un environnement exclusif où les groupes minoritaires ont signalé avoir l’impression de ne pas être à leur place ou d’être oubliés (Metzger, Dowling, Guinn et Wilson, 2020). Pour y remédier, la profession infirmière doit évoluer vers une culture qui favorise l’inclusivité, c’est-à-dire « l’incorporation intentionnelle de stratégies et de pratiques qui favorisent un sentiment d’appartenance en faisant la promotion d’interactions positives entre des personnes et des groupes représentant différents traits, perceptions et expériences » (Metzger et coll., 2020). L’inclusion est impérative dans la communauté infirmière pour favoriser la diversité et ainsi éliminer les disparités et améliorer les résultats en matière de santé (Chicca et Shellenbarger, 2020).
Lien avec le leadership infirmier
Le système de soins de santé a besoin d’infirmières et d’infirmiers réglementés qui sont prêts à fournir des soins dans une variété de contextes et à une population diversifiée (Chicca et Shellenbarger, 2020). Si l’effectif infirmier ne reflète pas le profil démographique du pays, on risque d’approfondir les disparités qui existent en matière de santé parmi les groupes majoritaires et minoritaires (Cary, Randolph, Broome et Carter, 2020). La formation infirmière peut jouer un rôle central dans la promotion d’une inclusion et d’une appartenance accrues (Metzger et coll., 2020). Les dirigeants en soins infirmiers sont les mieux placés pour attirer une population étudiante mixte, qui contribuera en fin de compte à la diversité et à l’inclusion dans la main d’œuvre (Gates, 2018; Morrison et coll., 2021). Les dirigeants qui adoptent l’inclusivité exploitent le potentiel de nouer des relations, de susciter la mobilisation et l’adhésion du personnel, d’augmenter le rendement et d’entraîner des résultats positifs pour la santé, ainsi qu’une expérience positive pour le personnel et les patients (Morrison et coll., 2021). Les dirigeants en soins infirmiers agissent comme des champions du changement en promouvant la valeur personnelle, l’appartenance et l’équité (Morrison et coll., 2021). Grâce à un leadership judicieux, les infirmières et infirmiers se sentiront habilités à aider les populations minoritaires que le système de soins de santé réduit au silence.
Stratégies d’amélioration
De nombreux chercheurs reconnaissent la nécessité d’attirer et de retenir des étudiants de sexe, d’orientation sexuelle, de race, de culture, de religion, d’âge et d’aptitudes variés (Anthony, 2004; Cary et coll., 2020; Gates, 2018; Jefferies et coll., 2019; Merry et coll., 2021; Morrison et coll., 2021). Les dirigeants en soins infirmiers jouent un rôle pour inciter les populations sous-représentées à faire carrière en soins infirmiers (Kearns et Mahon, 2021; Morrison et coll., 2021). Les dirigeants qui cherchent à renforcer la diversité et l’inclusivité dans la formation infirmière devraient envisager les stratégies suivantes, identifiées dans la littérature actuelle :
- veiller à ce que les contextes d’apprentissage cliniques soient diversifiés et incluent des patients aux caractéristiques démographiques variées (Chicca et Shellenbarger, 2020);
- atténuer les obstacles financiers que subissent les groupes minoritaires (Cary et coll., 2020; Jefferies et coll., 2019; Gates, 2018);
- exposer des jeunes d’origines diverses à des expériences en soins infirmiers (Jefferies et coll., 2019);
- faciliter l’intégration d’infirmières et infirmiers formés à l’étranger (Jefferies et coll., 2019);
- fournir du soutien social et du mentorat à des étudiants issus de la diversité afin de promouvoir leur réussite (Cary et coll., 2020; Jefferies et coll., 2019);
- embaucher un responsable de la diversité au sein des ressources humaines et du bureau des admissions pour se porter à la défense des groupes minoritaires (Jefferies et coll., 2019);
- remettre en question les stéréotypes en renforçant la visibilité des groupes sous représentés dans des postes de première ligne et de direction (Jefferies et coll., 2019);
- envisager des options flexibles et pratiques, comme proposer des cours en ligne et en soirée, afin d’accueillir une population étudiante plus vaste (Gates, 2018);
- abolir les politiques d’admission et de recrutement désuètes qui pourraient faciliter une plus grande homogénéité dans les soins infirmiers (Fontenot et McMurray, 2020).
Les dirigeants en soins infirmiers doivent comprendre que le recrutement doit explicitement s’attaquer à l’invisibilité et à la sous représentation à laquelle font face certains groupes en soins infirmiers, p. ex. les hommes et les Autochtones (Jefferies, et coll., 2019). Toutefois, il est essentiel de reconnaître que certaines difficultés en matière de diversité échappent au contrôle du leadership infirmier (Gates, 2018). Par exemple, certains étudiants peuvent être mal préparés aux rigueurs des facultés de sciences infirmières en raison d’une scolarité préparatoire inadéquate (Gates, 2018). Ou encore, puisque les facultés se font concurrence pour attirer leur clientèle, les étudiants issus de minorités peuvent être attirés par un autre établissement d’enseignement pour des raisons sans lien avec les soins infirmiers (Gates, 2018). Ces raisons peuvent inclure des obstacles, tels que l’emplacement et le coût, et d’autres facteurs qui peuvent faire en sorte que les étudiants minoritaires se tournent vers d’autres types de formation professionnelle.
Conclusion
Le personnel infirmier est fier de prendre soin de tout le monde, sans égard à l’âge, au sexe, à la race, au diagnostic, à la religion, à la culture et à la langue, entre autres. Cependant, au Canada, les infirmières et infirmiers réglementés ne reflètent pas la diversité de la population dont ils prennent soin, la profession étant en grande majorité caucasienne et féminine. Les dirigeants en soins infirmiers ont le pouvoir de changer cette situation en s’efforçant d’accroître la diversité et l’inclusion au sein des facultés de sciences infirmières, ce qui permettra de générer une main d’œuvre diversifiée pour l’avenir. Il est essentiel que les dirigeants attirent et retiennent des populations d’étudiants diversifiées, y compris des hommes et des Autochtones. L’effort en vaut la peine, car la littérature révèle que la diversité et l’inclusion rehaussent non seulement la satisfaction, les résultats et l’observance thérapeutique chez les patients, mais aussi la communication, la mobilisation et la réussite au sein du personnel infirmier. Une diversité et une inclusion accrues favorisent donc la sécurité culturelle et les soins offerts par des professionnels compétents, augmentant ainsi l’accessibilité des soins de santé à l’intention des patients marginalisés.
Références
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Association médicale canadienne. Données au sujet des médecins, 2019. Consulté sur www.cma.ca/fr/donnees-au-sujet-des-medecins.
Brockie, T., Clark, T. C., Best, O., Power, T., Bourque Bearskin, L.., Kurtz, D. L. M., … Wilson, D. « Indigenous social exclusion to inclusion: Case studies on Indigenous nursing leadership in four high income countries », Journal of Clinical Nursing, 2021. doi:10.1111/jocn.15801
Cary, M. P., Randolph, S. D., Broome, M. E. et Carter, B. M. « Creating a culture that values diversity and inclusion: An action-oriented framework for schools of nursing », Nursing Forum, 55(4), 2020, p. 687-694. doi:10.1111/nuf.12485
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Exner-Pirot, H. (2016). Aboriginal RN workforce factsheet. Outreach and Indigenous Engagement College of Nursing, University of Saskatchewan. Consulté sur http://indigenousnurses.ca/resources/publications/2018-university-saskatchewan-cinas-fact-sheet-aboriginal-nursing-canada
Fontenot, J. et McMurray, P. « Decolonizing entry to practice: Reconceptualizing methods to facilitate diversity in nursing programs », Teaching and Learning in Nursing, 15(4), 2020, p. 272 279. doi:10.1016/j.teln.2020.07.002
Gates, S. A. « What works in promoting and maintaining diversity in nursing programs », Nursing Forum, 53(2), 2018, p. 190-196. doi:10.1111/nuf.12242
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Kearns, T. et Mahon, P. « How to attain gender equality in nursing—An essay », BMJ, 2021, p. 373. doi:10.1136/bmj.n1232
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Lauren Dobson est étudiante de quatrième année au baccalauréat en sciences infirmières avec spécialisation, à la Faculté des sciences infirmières de l’Université de l’Alberta.
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