Blog Viewer

« Il ne s’agit pas une étude. C’est ma vie. » Les derniers mots d’une étudiante en sciences infirmières à la profession (partie 1)

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2023/03/20/this-is-not-a-study-this-is-my-life-1

Alysha Ramus a obtenu son diplôme avant de succomber au cancer en 2020

Par Alysha Ramus
20 mars 2023
Gracieuseté de la famille Ramus
« Le fait d’être atteinte du cancer a changé ma perspective à bien des égards. L’une de mes plus grandes constatations est de réaliser que des gens oublient de vivre le moment présent, de chérir les gens les entourant et le temps qu’ils passent avec eux. […] Le temps est vraiment précieux. Nous ne savons pas combien nous en aurons et le tenons souvent pour acquis. C’était le cas pour moi lorsque je pensais avoir beaucoup de temps », a écrit Alysha Ramus dans sa dissertation finale.
Note de la rédaction : Alysha Ramus était étudiante en sciences infirmières à l’Université de Lethbridge lorsqu’elle a reçu un diagnostic de cancer à l’âge de 25 ans. Elle a rempli ses obligations universitaires, y compris la soumission de cette dissertation finale et a reçu son diplôme en mars 2020 lors d’une cérémonie en convocation spéciale à l’hôpital. Alysha a perdu son combat contre le cancer le 15 juillet 2020. Sa famille a autorisé infirmière canadienne à publier sa dissertation. Il s’agit de la première partie d’une série de 3. La deuxième partie sera publiée le 27 mars et la troisième, le 29 mars.

Introduction

Dans le présent article, je détaillerai mon expérience en tant qu’étudiante de quatrième année au baccalauréat en sciences infirmières, ayant reçu un diagnostic d’angiosarcome à l’âge de 25 ans. Je partagerai ce que l’on ressent en recevant un tel diagnostic et les questions qui ont envahi mon esprit. Je détaillerai mon parcours, de la lutte que j’ai menée pour déterminer ce qui me rendait malade jusqu’à mes expériences en ce qui concerne les processus et les professionnels du système de soins de santé.

Le but de cet article est de souligner les forces, les faiblesses, le soutien et la douleur que j’ai ressentis de mon point de vue d’étudiante en sciences infirmières ayant reçu un diagnostic d’un cancer extrêmement rare. L’aspect humain du cancer, c’est moi. Il ne s’agit pas d’une étude. Il ne s’agit pas d’une épreuve. C’est ma vie, et chaque seconde précieuse et parfaite qui la compose. Elle a été rendue infernale par des principes bureaucratiques peu consciencieux, en faisant primer la politique au détriment des patients.

En découvrant certaines des situations impossibles que j’ai vécues, les lecteurs peuvent s’efforcer de créer des expériences positives pour les patients et d’améliorer les domaines de surveillance. Je vais partager le coût émotionnel de l’évolution d’un cancer extrêmement rare pour lequel il y avait peu d’options de traitement concluantes. Mes expériences intérieures sont en italique, mon récit étant divisé par situation et par professionnels.


« J’espère que vous aurez tous l’occasion de lire mon article, peu importe où il aboutit », a déclaré Alysha en acceptant son diplôme en sciences infirmières. Écoutez Alysha prononcer son discours (avec transcription).


Mon expérience intérieure

LES NOUVELLES

Je n’arrive pas à me défaire du sentiment constant que tout est faux. J’ai l’impression de rêver et qu’à un moment donné, je me réveillerai et que je n’aurai pas le cancer. Ce sera tout simplement une erreur grossière. Je ne suis pas malade et je ne vais pas mourir. Mais ce n’est pas le cas.

Les questionnements, les suppositions et les critiques :

  • Pourquoi moi?
  • Et si les médecins en avaient fait plus?
  • Pourquoi n’ont-ils pas cherché plus loin? J’étais en bonne santé. J’étais jeune.
  • Pourquoi les médecins ne m’ont-ils pas fait subir plus de tests?
  • Pourquoi les médecins ne se sont-ils pas battus pour moi?
  • Pourquoi les médecins n’ont-ils pas exigé une IRM cardiaque?
  • Pourquoi les médecins n’ont-ils pas voulu en savoir plus lorsque j’avais des épanchements?
  • Et s’ils avaient trouvé ma tumeur en mars 2019?
    • Une chirurgie aurait-elle été suffisante?
    • Ma vie aurait-elle pu reprendre son cours?
    • Aurais-je été en mesure de vivre plus longtemps?
  • Et si je m’étais rendue à Calgary plus tôt pour obtenir un autre avis?
  • Le fait de rester à Lethbridge a-t-il aggravé la situation?
  • Pourquoi est-ce tombé sur moi et pas sur quelqu’un d’autre, quelqu’un de plus âgé?
  • Qu’ai-je fait pour mériter cela? Ai-je fait quelque chose de mal?

J’ai cessé de me poser la plupart de ces questions. La question primordiale demeure : « Et si les médecins étaient allés plus loin, avaient cherché plus attentivement et posé plus de questions lorsque j’ai été hospitalisée à plusieurs reprises pour des épanchements péricardiaques? » Mes médecins auraient dû vouloir trouver une réponse. Ils n’auraient pas dû se contenter de dire : « Ce doit être un virus » parce que tous les tests restaient muets. Je me suis sentie abandonnée par le même médecin à plusieurs reprises. Peut-être que le fait d’avoir reçu un diagnostic plus tôt aurait pu faire la différence entre le statut de phase terminale et une vie plus longue. Je me suis sentie abandonnée par le système et le professionnel qui étaient censés être là pour moi, prendre soin de moi et m’aider à comprendre ce qui n’allait pas. Je comptais sur mon médecin pour prendre des décisions pertinentes liées à mon cas. Ce dont j’avais besoin, et qui devrait être la norme pour tous les patients, c’est que mon médecin défende mes intérêts et trouve rapidement des réponses.

Idées et pensées aléatoires

Le cancer n’est pas une punition. Je n’en suis pas affligée à cause de ce que j’ai fait. C’est aléatoire et, parfois, ça arrive comme ça; certaines personnes en souffrent. J’envoie promener toutes les personnes qui m’ont dit que tout arrive pour une raison. Ce n’est pas une chose à dire à une personne qui a le cancer.

Le fait d’être atteinte du cancer a changé ma perspective à bien des égards. L’une de mes plus grandes constatations est de réaliser que des gens oublient de vivre le moment présent, de chérir les gens les entourant et le temps qu’ils passent avec eux. Qu’est-il arrivé aux gens? Qu’est-ce qui a mal tourné? Pourquoi sommes-nous préoccupés par l’argent, le prestige et la téléréalité? Que s’est-il passé pour que le matériel prenne le dessus sur les gens qui font partie de notre vie? Le temps est vraiment précieux. Nous ne savons pas combien nous en aurons et le tenons souvent pour acquis. C’était le cas pour moi lorsque je pensais avoir beaucoup de temps.

Parfois, on a l’impression que le cancer prend le dessus et de ne plus être humain.

Je ressens la perte de contrôle. Je ne me sens plus forte. Je suis physiquement faible et je dois compter sur d’autres personnes. Je n’ai jamais eu à le faire. Je me suis toujours débrouillée par moi-même et je me suis battue pour tout ce que j’ai eu, et tout m’a filé entre les mains. Je ne me sens plus moi-même. J’ai perdu tout sens de l’identité et j’ai eu besoin de me réinventer et d’apprendre à être bien avec ce nouveau moi.

Sentiment d’être prise au piège

  • J’ai l’impression d’être une impostrice dans mon propre corps.
  • J’ai l’impression que ce corps n’est plus le mien, qu’il appartient à quelqu’un d’autre et que je ne suis qu’une observatrice interne.
  • J’ai l’impression que mon corps m’a trahi, que je ne le comprends plus et que je n’ai plus l’impression qu’il me protégera ou me gardera en sécurité – comme s’il m’avait laissé tomber et ne pouvait plus faire plus ce qu’il devrait.

Pendant les premiers temps, l’un des pires aspects de mon diagnostic était le fait que je n’avais pas l’air malade ni ne me sentais malade. J’avais l’impression que je n’étais pas vraiment en train de mourir, comme si j’allais vivre encore 50 ans. Mais ce n’est pas si simple, car je suis en train de mourir et de perdre la vie.

Avant le diagnostic

Voici une liste qui ressemble peut-être aussi à la vôtre. C’était la mienne avant qu’une tumeur ne se manifeste dans mon cœur.

  • Je menais une vie normale.
  • J’élaborais des projets.
  • J’avais une espérance de vie de 70 ans et plus.
  • Je terminais mon diplôme en sciences infirmières.
  • J’avais un emploi d’aide-soignante.
  • J’avais de nombreux amis.
  • Je faisais de l’exercice physique.
  • Je menais une vie active avec mon chien.
  • Je buvais à peine de l’alcool.
  • Je n’ai jamais consommé de drogue.
  • Je n’ai jamais fait de mal à personne et j’étais bienveillante avec tout le monde.
  • Je me souciais des autres.
  • J’entretenais des relations (un petit ami, des amis, des collègues)

J’ai toujours eu l’habitude de plaisanter en disant que j’étais la fille qui avait une chance sur un million, mais pas dans le bon sens! Il s’avère que c’est extrêmement vrai! Je suis un des 50 cas documentés dans le monde à avoir reçu un diagnostic d’angiosarcome cardiaque. Les probabilités de gagner à la loterie sont meilleures que celles de contracter ce type de cancer. Mais j’en suis là, avec cette probabilité improbable.

Gracieuseté de la famille Ramus
« La famille a toujours été très importante pour Alysha », explique sa mère Michelle Ramus. Sur cette photo de famille figurent son frère Zachery (derrière); sa sœur Paige, son père Ken, sa mère Michelle et Alysha (rangée du milieu); sa nièce Kennedy, son neveu Keegan et sa nièce Raelynn (rangée devant).

Après le diagnostic

J’ai l’impression que chaque fois que je me fais des illusions parce que quelque chose va bien, le tapis de l’espoir se dérobe sous mes pieds et me fait tomber. Plus je me fais de faux espoirs, plus je tombe de haut. J’espérais que ce n’était pas le cancer, mais c’en était bien un. J’espérais que ce serait facile, mais ce ne l’était pas. J’espérais que le cancer diminuerait, ce qui me donnait l’espoir qu’il pourrait être contenu, mais il s’est ensuite propagé. J’apprends qu’il est parfois plus facile de mettre l’espoir en veilleuse, de vivre et d’être reconnaissante pour tout ce qui se présente. C’est trop douloureux lorsque l’espoir nous file entre les doigts autant de fois.

Il est très difficile de composer avec la perte de ma vie entière et de vivre cette nouvelle réalité. Ce n’est pas facile de savoir que lorsque je vois tous les gens qui faisaient partie de ma « vie avant le cancer », ils se tournent vers une époque et une vie complètement différentes. Ils ont toujours la vie que j’avais.

Lorsqu’on m’a dit que j’avais le cancer, je me suis dit : « Bon, je suppose que je vais perdre mes cheveux. Ce n’est pas grave, ils vont repousser. » C’était une position facile à adopter jusqu’à ce que je commence à les perdre. Ils ont commencé à tomber tout simplement lorsque je les touchais. Lorsque je me passais les doigts dans les cheveux, ils se détachaient par poignée. J’étais vraiment bouleversée de perdre mes cheveux. En sortant de la douche, je m’asseyais couverte de mes propres cheveux et je pleurais parce que je ne pouvais plus les brosser sans avoir l’impression de perdre une partie importante de moi-même. Je n’ai jamais pensé que la perte de mes cheveux m’affecterait autant, car ce ne sont après tout que des cheveux. Mais, ce n’est pas le cas. Pendant 25 ans, j’ai eu une épaisse crinière brune, qui faisait partie de qui j’étais. J’avais un sentiment d’aisance à les porter chaque jour. C’était comme une couverture, et même lors des mauvaises journées, une belle chevelure servait mes intérêts. J’ai eu beaucoup de chance d’être dotée d’une épaisse chevelure. Beaucoup de gens ne constatent pas que je les perds, mais il m’arrive de pleurer plusieurs fois par jour parce que je perds quelque chose d’aussi courant pour tout le monde. La plupart des femmes sont fières de leur chevelure, aussi leur perte peut-elle être une expérience particulièrement difficile. Dans mon cas, les cheveux qui me permettaient autrefois de me sentir bien dans ma peau et de me sentir normale sont en train de m’échapper, et bientôt je ne ressentirai plus que de la vulnérabilité. Je ne suis pas prête, mais je n’ai pas non plus le choix. J’ai 25 ans et je serai chauve. Non seulement je perdrai mes cheveux, mais probablement aussi mes sourcils et mes cils. Il ne s’agit pas seulement de pilosité : c’est mon visage, mon identité et une partie de celle-ci qui m’est dérobée.

J’ai toute une armée d’alliés, et j’en suis incroyablement reconnaissante. Aucun mot ne pourra jamais décrire à quel point je suis reconnaissante envers chacun d’eux! Ces perles se sont rasé la tête en signe de soutien à mon égard, mais ils en ont fait le choix. C’est une décision très noble, mais pour moi, la partie noble est que tous ceux qui sont maintenant chauves devront se mettre à ma place pendant quelques semaines. Eux aussi se sentiront vulnérables. Ils auront l’impression d’être toujours observés. Ils se sentiront jugés et auront peut-être envie de pleurer. N’oubliez pas que vous aurez toujours vos sourcils. Avec un peu de chance, je pourrai apprendre à en dessiner des symétriques, ce qui ne sera pas facile! Pour tous les autres qui liront mon message, la prochaine fois que vous apercevrez quelqu’un sans cheveux, peut-être serez-vous moins portés à juger parce que vous n’avez aucune idée de la raison pour laquelle cette personne n’a pas de cheveux. En fin de compte, il ne s’agit pas « seulement » de cheveux.


Il s’agit de la première partie d’une série de 3. La deuxième partie sera publiée le 27 mars et la troisième, le 29 mars.


Infirmière canadienne remercie la famille d’Alysha Ramus de lui avoir donné l’autorisation de publier sa dissertation. Pour en savoir plus sur Alysha Ramus, vous pouvez visionner ce reportage de Global News.

#opinions 
#pratiqueclinique 
#relationpersonnelinfirmier-patients 
#pratiqueinfirmière 
#soinsauxpatients 
#expériencedespatients 

0 comments
176 views

Connectez-vous pour laisser un commentaire