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« Il ne s’agit pas une étude. C’est ma vie. » Les derniers mots d’une étudiante en sciences infirmières à la profession (partie 3)

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2023/03/29/this-is-not-a-study-this-is-my-life-3

Alysha Ramus a obtenu son diplôme avant de succomber au cancer en 2020

Par Alysha Ramus
29 mars 2023
Gracieuseté de la famille Ramus
« Retenez-vous de présumer quoi que ce soit sur l’âge. Parfois, j’avais l’impression que les infirmières ne me prenaient pas au sérieux. En raison de mes antécédents médicaux, il était très décourageant d’être ignorée ou de ne pas être prise au mot. L’âge n’est qu’un chiffre, et l’opinion de vos patients est très importante et peut vous en apprendre beaucoup sur les soins et ce dont ils pourraient avoir besoin », a écrit Alysha Ramus dans sa dissertation finale.
Note de la rédaction : Alysha Ramus était étudiante en sciences infirmières à l’Université de Lethbridge lorsqu’elle a reçu un diagnostic de cancer à l’âge de 25 ans. Elle a rempli ses obligations universitaires, y compris la soumission de cette dissertation finale et a reçu son diplôme en mars 2020 lors d’une cérémonie en convocation spéciale à l’hôpital. Alysha a perdu son combat contre le cancer le 15 juillet 2020. Sa famille a autorisé infirmière canadienne à publier sa dissertation. Il s’agit de la troisième partie d’une série de 3 La première partie a été publiée le 20 mars et la deuxième, le 27 mars.

L'équipe du système de soins de santé

LES MÉDECINS

Lorsque j’ai rencontré mon oncologue pour la première fois, il m’a dit qu’il avait trois personnalités : l’optimiste, le pessimiste et le réaliste. Ces trois personnalités travaillent toutes ensemble en équilibre, pouvant se comprendre, mais sans trop s’en remettre à une perspective plutôt qu’à une autre. Au début, je percevais l’optimiste. Il débordait d’espoir et agissait comme si nous avions le temps et que nous pouvions surmonter cette situation avec une conclusion positive.

J’ai rencontré le pessimiste lorsque mon cancer a déjoué le traitement, la tumeur au cœur augmentant rapidement de taille et de nouvelles tumeurs se propageant à d’autres organes. Le paclitaxel ne fonctionnait plus. Mon médecin a exprimé un sentiment d’urgence; il voulait que je termine cette dissertation afin de pouvoir remplir les conditions d’obtention de mon diplôme. Son côté réaliste insistait pour que je sois convoquée et donnait l’impression que nous vivions en sursis. C’est comme si l’espoir s’était évaporé. C’est à ce moment-là que j’ai su que j’allais mourir bien plus tôt que je ne le pensais. Je n’allais pas vivre jusqu’à 80 ans. Je succomberais jeune à la maladie.


« J’espère que vous aurez tous l’occasion de lire mon article, peu importe où il aboutit », a déclaré Alysha en acceptant son diplôme en sciences infirmières. Écoutez Alysha prononcer son discours (avec transcription).


Gracieuseté de la famille Ramus
Alysha Ramus à la remise des diplômes.

LES INFIRMIÈRES ET INFIRMIERS

J’aimerais parler un peu de la douleur. J’ai eu une mauvaise expérience avec une douleur non traitée, en tant que patiente cancéreuse souffrant d’une douleur non traitée. La douleur s’est manifestée au milieu de la nuit et s’est un peu atténuée avec les médicaments, de façon à ce que je puisse aller à mon rendez-vous avec mon médecin habituel. En rentrant chez moi, la douleur n’a cessé de s’aggraver. J’espérais qu’elle disparaîtrait, car je n’aime pas aller à l’urgence. Comme la douleur a continué à s’intensifier, je n’ai pas eu d’autre choix que de m’y rendre.

Lorsque je suis arrivée à l’hôpital, je souffrais terriblement. Pendant deux heures, on ne m’a rien proposé pour calmer la douleur avant que je sois transférée dans une salle. Le temps d’être installée dans une salle, je pleurais et gémissais dans une douleur atroce. Je suis certaine que cela a perturbé les autres. Les infirmières ont dû organiser l’accès à mon dossier de chimiothérapie et décider qui y aurait accès afin d’administrer les médicaments. Il leur a fallu environ une heure, alors que j’étais en proie à une telle douleur, pour finalement me connecter et m’administrer des analgésiques.

Cette expérience a dû être l’une des pires que j’ai vécues.

Je comprends qu’il y a des politiques à suivre – en tant qu’infirmière, je le savais pertinemment – mais quand quelqu’un d’autre souffre autant, il serait important de faire avancer les choses plus rapidement ou de trouver une thérapie de rechange qui permettrait d’atténuer la douleur. La prise en charge de la douleur est incroyablement importante dans les soins aux patients. J’ai vraiment senti que j’étais restée en plan à ce moment, car ma douleur n'a pas été prise en charge pendant tout ce temps. Mes autres expériences de traitement de la douleur se sont bien passées. Ma douleur a été bien prise en charge, et je n’ai pas été trop sous sédation.

Le personnel infirmier doit tenir compte de la raison pour laquelle une personne se retrouve dans le service et s’assurer que tous les bilans systématiques réguliers et les exigences sont des éléments qui doivent être réalisés pour le patient en question. Lorsque j’ai été admise au service de gynécologie oncologique, le personnel infirmier a vérifié mon « flux ». Dans ce service, lorsqu’une patiente a un problème ou une intervention gynécologique, on vérifie son flux menstruel. En tant que patiente atteinte d’un cancer, souffrant de douleurs et de fièvre, mon « flux » n’a été d’aucun intérêt. Les membres du personnel infirmier pourraient faire mieux en se demandant simplement s’il s’agit d’un point qui pourrait être retiré des ordonnances pour la patiente en question. Le cancer se trouvait sur mon coeur, pas dans mon utérus ni dans mon vagin. N’oubliez pas que le patient est toujours une personne et pas seulement la maladie pour laquelle il est hospitalisé.

J’étais dans un service de cardiologie lorsque j’ai reçu le diagnostic de cancer. C’était tout comme si les infirmières ou infirmiers m’évitaient. Ils ne savaient plus quoi dire ou quoi faire. Ils semblaient aussi très pressés par le temps, ce qui pouvait être attribuable à un manque de personnel. Au service de cardiologie, on ne reçoit pas souvent des personnes atteintes de cancer, mais cela ne signifie pas qu’en tant que membres du personnel infirmier, on ne doit pas s’adapter. Vous devriez être en mesure d’être présent pour votre patient, même dans une moindre capacité –lui offrir une boisson ou écouter ce qu’il a à dire. Quelques infirmières l’ont fait pour moi. Elles étaient là, peu importe ce dont j’avais besoin. C’était tout le soutien dont j’avais besoin.

Retenez-vous de présumer quoi que ce soit sur l’âge. Parfois, j’avais l’impression que les infirmières et infirmiers ne me prenaient pas au sérieux. En raison de mes antécédents médicaux, il était très décourageant d’être ignorée ou de ne pas être prise au mot. L’âge n’est qu’un chiffre, et l’opinion de vos patients est très importante et peut vous en apprendre beaucoup sur les soins et ce dont ils pourraient avoir besoin.

La différence entre les infirmières et infirmiers de Lethbridge et ceux de Calgary était notable. À Lethbridge, les membres du personnel infirmier étaient hors pair. Ils étaient gentils, bienveillants et à l’écoute de mes besoins. Une infirmière a plaidé en ma faveur pour que j’obtienne un laissez-passer de jour pour voir mon chien. Une autre s’est organisée pour que je ne reçoive pas d’injection, car je n’aime pas les aiguilles.

En revanche, j’ai vécu une expérience à l’hôpital de Calgary qui me préoccupe. En tant que patients, nous avons le droit de refuser des soins, des médicaments, des interventions et tout ce qui se passe à l’hôpital. Avant de commencer ma carrière d’infirmière, je n’aurais jamais pu me défendre et refuser quoi que ce soit que je ne voulais pas, que je savais ne pas avoir besoin. Grâce à ma formation, je savais que j’avais mon mot à dire sur mon traitement. Selon la politique, les infirmières et infirmiers sont tenus d’administrer une injection d’héparine aux patients dont la mobilité est réduite. Comme ma mobilité n’était pas réduite, j’ai refusé l’injection. L’héparine brûle quand on l’injecte sous la peau, et je n’aime pas les aiguilles. Comme j’étais mobile, ce n’était pas quelque chose dont j’avais besoin.

J’ai essayé d’expliquer ce raisonnement à mon infirmière lorsque je suis arrivée à Calgary, mais en vain. Après une longue journée pénible, l’infirmière est venue m’administrer une injection d’héparine. Je lui ai demandé ce qu’était cette injection et j’ai refusé lorsque j’ai appris que c’était de l’héparine. Elle est ensuite revenue et m’a dit que le médecin l’avait ordonné et qu’elle faisait partie de mon plan de soins. J’étais épuisée. Trop fatiguée pour discuter, je l’ai laissée faire pour pouvoir dormir. Le lendemain matin, j’ai fait part de cette expérience à mon médecin qui m’a dit que j’avais le droit de refuser l’héparine et qu’elle ne faisait pas partie de mon plan de soins.

Parfois, en tant que membres du personnel infirmier, nous nous concentrons trop sur les médicaments et nous oublions que le patient est une personne et qu’il a le droit d’avoir une opinion et de s’exprimer sur ses soins.

LES SPÉCIALISTES

Il ne s’agit que de mon expérience, et je sais qu’il n’en est toujours pas ainsi pour tous les médecins et spécialistes.

Les oncologues :

  • Bienveillance — Ils comprennent que je ne suis pas seulement un diagnostic; je suis aussi une personne et mes besoins en tant que personne sont importants. Ce que je ressens est tout aussi important, sinon plus, que mon cancer.
  • Défense des intérêts — Mon oncologue a fait de ma sortie de l’hôpital et de mon retour à la maison une priorité. Il s’est surpassé et m’a même aidé à obtenir mon diplôme, même si j’ai des sentiments mitigés à cet effet. Pendant toutes les études en sciences infirmières, on vous enseigne à défendre les intérêts des patients. On vous apprend qu’il faut avoir la force de défendre ce qui est juste et ce dont vos patients ont besoin. Lorsque j’ai reçu mon diagnostic, j’ai pris du temps pour l’assimiler, puis j’ai réalisé que je devais défendre mes intérêts et ma capacité à terminer mon semestre. En tant que personne et étudiante en sciences infirmières, je suis responsable de défendre ce qui est juste pour moi et ce dont j’ai besoin. Dans un élan de détermination, j’ai envoyé un courriel exposant mon cas à l’université, mais j’ai d’abord essuyé un refus. Il m’a semblé très décourageant que la défense des intérêts soit l'un des principaux aspects sur lesquels la faculté des sciences infirmières insiste, mais que ce ne soit pas quelque chose qu’elle soutienne. Des mois plus tard, mon oncologue m’a demandé à quel point je tenais à mon diplôme. Je l’ai regardé droit dans les yeux et lui ai dit que je n’avais pas dépensé 40 000 $ pour ne pas obtenir au moins un bout de papier. Je ne sais pas si c’est à cause de la personne à qui il a parlé ou de l’effet de bénéficier du soutien d’un oncologue, mais dans tous les cas, je me suis sentie attristée de constater que la défense de mes propres intérêts n’était pas suffisante, mais qu’un médecin masculin est arrivé à le faire en mon nom.

Les cardiologues :

  • Connaissances — Désireux d’en savoir plus (mon cas est unique et les cardiologues ne feront face qu’à un seul cas comme le mien, si un tel cas se présente à eux)
Gracieuseté de la famille Ramus
Alysha Ramus et son chien, Ellie.

Autres aspects du système de soins de santé

LES MÉDICAMENTS

Pourquoi n’y a-t-il pas de mesures incitant les gens à rapporter les médicaments périmés ou inutilisés à la pharmacie?

Il est difficile d’essayer de me souvenir de prendre tous mes médicaments à temps et de m’assurer que je prends le bon. Il est difficile de me rappeler de faire renouveler mes médicaments à la pharmacie ou d’obtenir une ordonnance de mes médecins. Il est encore plus ardu de me rappeler d’aller chercher mes médicaments.

Saviez-vous que la constipation est un problème important découlant de la prise de médicaments? C’est terrible d’être constipé, et avec la chimiothérapie, il peut être difficile de trouver un équilibre entre des selles très dures et des selles très molles. La constipation, « c’est de la merde »! C’est douloureux et ça rend la vie encore plus misérable. Vider mes intestins semblait si simple jusqu’à ce que je n’y arrive plus. Devoir prendre en compte mes selles quotidiennes n’est qu’un stress de plus dans ma vie, une vie qui est déjà stressante.

Analyses en laboratoire

Rien ne décrit mieux les analyses en laboratoire que l’adjectif « infernales ».

Je déteste les aiguilles! J’ai dû m’y désensibiliser très vite, car je devais me soumettre à des prises de sang toutes les semaines lors de la première chimiothérapie. Maintenant, c’est une fois toutes les trois semaines. Lorsque j’étais à l’hôpital pour recevoir mon diagnostic, on m’a utilisée comme une pelote à épingles. Lorsqu’on m’a interrogée sur mes antécédents et qu’on m’a demandé si j’avais consommé de la drogue par voie intraveineuse, je n’en étais plus certaine! Je n’ai jamais consommé ou abusé des drogues dans ma vie. Le personnel avait prélevé tellement de sang que mes veines s’en sont lassées.

Autre chose dont je dois me souvenir est de prendre mes rendez-vous réguliers au laboratoire. Prendre rendez-vous pour mes analyses de sang pendant les Fêtes est ce que j’ai eu de plus difficile à faire. Heureusement, lorsque j’ai appelé, je suis tombée sur une dame compréhensive qui m’a écouté décrire ma situation et a pu me dénicher un rendez-vous dans l’un des deux laboratoires qui étaient ouverts pendant les Fêtes. J’ai quand même dû faire la queue, une queue composée de personnes malades et de moi dont le système immunitaire était compromis! Pourquoi n’y a-t-il pas de laboratoire réservé aux patients cancéreux? J’ai tenté d’éviter toute personne susceptible d’être malade et j’ai utilisé tellement de désinfectant pour les mains que j’en avais la peau à vif.

ChIMIothÉRAPIE

Ce n’est pas un appareil de torture barbare comme je le pensais au départ! La salle est bien éclairée et des oeuvres d’art sont installées aux murs. Les chaises sont confortables, et il y a des couvertures chaudes. Un groupe de bénévoles des plus gentils sont venus me servir du café, du thé ou du jus dans de jolis gobelets et m’ont donné un paquet de biscuits. Je ne suis pas folle des biscuits Oreo, mais j’attends avec impatience mes biscuits OREO de chimiothérapie (je dois trouver de la joie dans les petites choses, sinon les mauvaises peuvent être écrasantes). Les infirmières et infirmiers sont incroyablement gentils et compréhensifs. Ils se soucient vraiment de moi. Ils me voient et me donnent ce sentiment de sécurité.

Mon cancer a survécu à ma première chimiothérapie. Il s’est rapidement adapté et a continué à proliférer et à se propager. Un nouveau traitement a été mis en place de toute urgence. Avec cette nouvelle chimiothérapie, j’ai peur d’y aller parce que je sais qu’elle me dérobera tout ce que j’ai et m’instillera un sentiment de désespoir. J’ai quasiment l’impression que mourir serait beaucoup plus facile. Après trois à cinq jours, la désolation et l’épuisement passent, et je profite du temps dont je dispose pour me sentir bien et faire fi de la maladie.

Conclusion

Les soins de santé que j’ai reçus ont été positifs et attentionnés, et à la fois impersonnels et cruellement douloureux. La forme de mon cancer est rare, mais moi aussi je suis extrêmement unique. Je suis la seule Alysha Ramus.

Il est essentiel qu’on écoute les patients et que la douleur soit prise en charge. Il est crucial que les plans de traitement correspondent au diagnostic particulier de chaque personne, et non au service où ils se trouvent. Ce qui doit changer est le processus des analyses en laboratoire pour les patients cancéreux et l’emplacement physique. Il est de la plus haute importance d’améliorer la formation des médecins en ce qui concerne les problèmes cardiaques et le dépistage de l’angiosarcome.

Mon intention, en rédigeant cet article, est de donner un aperçu de mon expérience et d’entamer des conversations malaisantes. Chérissez les personnes qui font partie de votre vie et ne tenez pas le temps pour acquis.


Il s’agit de la troisième partie d’une série de 3. La première partie a été publiée le 20 mars et la deuxième, le 27 mars.


Infirmière canadienne remercie la famille d’Alysha Ramus de lui avoir donné l’autorisation de publier sa dissertation. Pour en savoir plus sur Alysha Ramus, vous pouvez visionner ce reportage de Global News.

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