https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2023/04/26/nursing-a-role-that-needs-to-be-promoted
L’autonomisation et la valorisation du rôle du personnel infirmier sont essentielles pour maintenir l’effectif en poste en cette période difficile
Par Elizabeth Arpin
26 avril 2023
Encore trop souvent aujourd’hui on me parle de la pénurie de l’effectif infirmier, alors qu’au Québec, il y a plus d’infirmières et infirmiers par habitant que n’importe où au Canada. De fait, le Québec peut compter sur 7,62 infirmières et infirmiers autorisés en soins directs par 1 000 habitants, comparativement à 7,02 dans le reste du Canada (OIIQ, 2021). Par ailleurs, l’effectif ne cesse d’augmenter. Alors qu’en est-il de cette crise qui perdure depuis 25 ans? Les causes sont multifactorielles, allant des conditions de travail à la formation, en passant par l’organisation des soins et la gouvernance. Je préfère donc parler de manque de disponibilité ou d’utilisation sous-optimale de notre effectif.
Ainsi, un aspect fondamental demeure : savez-vous ce que fait une infirmière ou un infirmier?
Tout récemment, des études (Déry 2021) et données provenant du terrain nous démontraient que nos infirmières et infirmiers n’occupaient pas leur champ d’exercice à leurs pleines capacités et passaient notamment près de la moitié de leur temps dans des tâches administratives consistant, par exemple, à remplir des requêtes ou à retranscrire des données. Aussi, notre effectif infirmier consacre encore beaucoup de son temps en soins d’assistance, comme l’aide à l’alimentation, l’hygiène, la prise de médicaments, plus particulièrement dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée. Ces exemples témoignent d’une utilisation sous-optimale des activités réservées aux infirmières et infirmiers autorisés qui contribue à une multiplication infondée des besoins de l’effectif, alors que de nombreux rapports nous confrontent à des besoins et à une complexité des soins grandissants. Le rôle est d’autant plus méconnu qu’il persiste une image publique des infirmières et infirmiers qui aident et qui soutiennent, plutôt qu’une image de professionnels qui évaluent, traitent, enseignent et coordonnent les soins.
Les infirmières et infirmiers occupent le champ d’exercice le plus vaste après les médecins. Leur formation axée sur les sciences biopsychosociales les prépare à de grandes responsabilités, telles l’évaluation et la surveillance de la condition physique et mentale, l’initiation et la réalisation d’examens diagnostiques invasifs, le suivi, les activités de prévention de la maladie, la promotion de la santé dont l’enseignement des autosoins, et j’en passe. Ces activités sont bien souvent réduites, voire occultées par des besoins d’interventions ou des tâches pouvant être effectuées par d’autres professionnels ou employés de soutien. Cette dichotomie entre les compétences acquises en cours de formation initiale et le vécu du rôle dans les milieux de soins entraîne un absentéisme ainsi qu’un certain exode de la profession, bouclant ainsi le cercle vicieux dans lequel se sont enlisés nos établissements de santé.
À une époque où la pénurie d’infirmières et infirmiers est au cœur des préoccupations et fait régulièrement la manchette, la solution ne réside pas dans l’ajout d’incitatifs financiers ou, pire encore, dans un abaissement du niveau de compétences exigé pour soigner notre population vieillissante et dont les besoins cliniques sont en constante évolution. Une réponse à multiples facettes s’impose, dont la nécessité de réorganiser le travail en profondeur, afin que nos professionnels soient affectés à des actes pour lesquels ils ont été précisément formés, et ainsi s’assurer d’une adéquation optimale entre les besoins des patients et les soins infirmiers offerts. La valorisation de leur rôle est un élément essentiel à la rétention de nos infirmières et infirmiers au sein d’un système de santé qui se veut accessible à tous.
Redonnons aux infirmières et aux infirmiers leur place, cessons de les éparpiller et de diluer leurs compétences. Donnons-leur une voix pour exposer leurs connaissances. Dans le contexte actuel où les besoins sont grands, l’expertise et la contribution optimale de nos professionnels sont centraux; assurons-nous de faire appel à leur savoir-faire et de promouvoir leur rôle à bon escient!
Références
Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ). « Rapport statistique sur l’effectif infirmier et la relève infirmière du Québec 2020-2021 », 2021. Disponible à https://www.oiiq.org/en/rapport-statistique-sur-l-effectif-infirmier-et-la-releve-infirmiere-du-quebec-2020-2021?inheritRedirect=true
Déry, J., Paquet, M., Boyer, L., Dubois, S., Lavigne, G., Lavoie-Tremblay, M. « Optimizing nurses’ enacted scope of practice to its full potential as an integrated strategy for the continuous improvement of clinical performance: A multicentre descriptive analysis », Journal of Nursing Management, 30(1), 2021. Disponible à https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/jonm.13473
Elizabeth Arpin, inf. aut., M. Sc., est directrice nationale des soins et services infirmiers, au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Elle détient une maîtrise en sciences infirmières, un fellowship FORCES de la Fondation canadienne pour l’amélioration des services de santé et complète actuellement une deuxième maîtrise en administration publique. Elle a débuté ses fonctions de directrice nationale des soins et services infirmiers au cours de la première vague de la pandémie à titre intérimaire et a été officiellement nommée en août 2020.
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