https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2023/05/08/a-profession-at-the-crossroads
Le président de l’AIIC affirme qu’il est plus que temps de prendre soin du personnel infirmier qui veille constamment à la santé des Canadiens
Par Sylvain Brousseau
8 mai 2023
Avec l’aimable autorisation de Sylvain Brousseau
« Ensemble, nous devons continuer à travailler pour transformer l’image de la profession infirmière afin qu’elle soit pleinement reconnue comme une discipline unique et scientifique avec ses propres expertises et compétences », selon Sylvain Brousseau.
Je vous souhaite une magnifique Semaine nationale des soins infirmiers!
La profession infirmière du 21e siècle vit plusieurs défis, tels que la pénurie de ses professionnels et de nombreux autres professionnels de la santé, le vieillissement de la population, le nombre grandissant de personnes souffrant de maladies chroniques et bien d’autres, le tout exerçant une grande pression sur les dépenses en santé au Canada.
Après trois ans de pandémie, qui n’est d’ailleurs pas terminée, l’AIIC comme bien d’autres organisations soutient que les répercussions sur le système de santé canadien pourraient être dévastatrices. Cette crise sanitaire a mis à l’avant-scène la méconnaissance de l’expertise infirmière et de la sous-utilisation de leurs compétences.
Tout porte à croire que d’autres situations semblables se reproduiront au cours des prochaines décennies. Il faut donc, dès maintenant, travailler à maintenir en poste ces professionnels. Le système de santé et ses décideurs n’ont donc pas de temps à perdre. Il est plus que temps de prendre soin du personnel infirmier qui veille constamment à la santé des Canadiens. Cette crise sanitaire a fait ressortir la fragilité des systèmes de santé et a sensibilisé la population canadienne aux exigences, aux rôles et aux responsabilités liés à la profession infirmière.
L’AIIC poursuit son travail de représentation au sein de la Coalition d’action pour les travailleurs de la santé afin de proposer des solutions d’abord pour résoudre la crise d’embauche et de maintien en poste des infirmières et ensuite pour rehausser les multiples rôles des infirmières et infirmiers de famille ainsi que des praticiens et praticiennes en soins de santé primaires. Qui plus est, nous plaidons pour la mise en œuvre de nouveaux modèles d’organisation de soins innovants pour mieux arrimer les compétences infirmières et les besoins des patients et, ainsi, réduire les charges de travail excessives.
Nous militons aussi auprès des décideurs politiques canadiens pour que les organisations de soins de santé investissent davantage dans l’embauche de personnel administratif et la salubrité pour leur permettre d’exercer pleinement leurs compétences.
Je crois que les milieux de soins doivent offrir des moyens concrets pour prévenir l’épuisement professionnel, comme des horaires flexibles, des congés pour se ressourcer de même que du temps pour intégrer l’autogestion de la santé dans son horaire et faciliter l’accès aux services de santé mentale. De plus, la profession infirmière bénéficierait grandement de la mise en place d’un programme rémunéré de résidence qui faciliterait le maintien en emploi et une meilleure transition vers les milieux cliniques. Ainsi, la planification efficace et le mentorat de la relève s’avèrent essentiels pour assurer la pérennité des services de santé.
La profession d’infirmière en tant que force sociopolitique
Il ne fait aucun doute que les 460 000 infirmières et infirmiers au Canada constituent une force sociopolitique nationale qui possède le leadership nécessaire pour permettre de relever activement plusieurs de ces défis (gouvernance infirmière, optimisation du rôle infirmier, soutien clinique, maintien en poste du personnel et respect de la profession). Chaque infirmier et infirmière au Canada doit influencer et façonner les politiques et les décisions en matière de soins de santé et de services sociaux canadiens.
Tous ces professionnels doivent contribuer aux cibles nationales et prioritaires en matière de santé, notamment la protection de la couverture universelle des soins de santé au Canada, les déterminants sociaux de la santé, la santé mentale, les maladies non transmissibles, les maladies infectieuses (épidémies) et la préparation aux situations liées aux changements climatiques. Ainsi, ils agissent comme leaders en fonction de pratiques s’appuyant sur des résultats probants et des influenceurs et influenceuses compétents, humanistes, bien informés et responsables. D’un océan à l’autre et aux quatre coins du pays, le personnel infirmier joue un rôle crucial dans la prestation de soins sécuritaires et de qualité à toute la population canadienne, y compris les communautés autochtones, noires et 2ELGBTQI+ ainsi que les plus vulnérables.
L’AIIC constitue le seul réseau infirmier pancanadien intégrant tous ces professionnels pour engager ensemble le dialogue ainsi que prendre les décisions et les mesures nécessaires dans un contexte de changements, tant pour les soins de santé au Canada que pour l’avenir de notre profession. En effet, l’AIIC représente les infirmières et infirmiers syndiqués et non-syndiqués de toutes les catégories (les infirmières et infirmiers autorisés, praticiens, auxiliaires autorisés, psychiatriques autorisés, incluant les étudiants et les retraités). Ensemble nous devons participer activement aux dialogues, aux décisions et aux actions pour proposer des solutions. Les infirmières et infirmiers disposent de l'expertise nécessaire pour contribuer à l'élaboration et à la mise en œuvre de modèles de soins novateurs, ainsi qu'à la refonte de la gouvernance des systèmes publics de santé dans tout le pays. Par exemple, Les systèmes de santé actuels doivent urgemment repenser le modèle de gouvernance interprofessionnelle (Farchi et al., 2023) afin d’assurer un accès aux soins de santé en milieux urbains, ruraux et éloignés par une équipe clinique de professionnels de la santé en soins de santé primaires et en santé familiale de proximité.
Une réflexion collective sur l’avenir des soins infirmiers s’impose
L’avenir de notre association nationale et de notre profession est à la croisée des chemins. Nous devons donc continuer à accroitre collectivement notre pouvoir d’influence et démontrer nos compétences politiques infirmières pour mener les changements qui s’imposent. Ensemble, nous devons continuer à travailler pour transformer l’image de la profession infirmière afin qu’elle soit pleinement reconnue comme une discipline unique et scientifique avec ses propres expertises et compétences comprenant de multiples possibilités.
En effet, la crise sanitaire a également mis à l’avant-scène la méconnaissance généralisée de l’expertise infirmière et de sa contribution à l’ensemble des besoins en soins de santé. C’est pourquoi il est grand temps de rehausser notre visibilité et de prendre la place qui nous revient dans l’arène des débats publics et politiques qui touchent notre profession. Il faut prendre la parole sur plusieurs enjeux sociétaux, notamment le racisme et la violence dans les milieux de soins. Comme je l’ai mentionné à Québec Science, « présentement, les autres décident pour nous, alors que ce devrait être le contraire. On ne nous écoute pas et cela peut devenir coûteux pour l’ensemble de la société canadienne ».
Nous devons tous prendre position et agir directement sur les déterminants sociaux de la santé et sur les enjeux socio-économiques. L’action politique infirmière s’avère une condition essentielle à la pleine reconnaissance de notre profession ainsi que de notre rôle sociétal. L’AIIC est la seule organisation nationale représentant toutes les catégories d’infirmières et infirmiers œuvrant dans les domaines de la pratique clinique, de la formation, de l’éducation, de la recherche et de l’élaboration de politiques. L’AIIC possède le leadership, la crédibilité, les connaissances, l’expertise et les compétences nécessaires pour proposer des solutions durables et innovatrices qui optimiseront toutes les formes de la pratique infirmière en toute autonomie professionnelle dans l’ensemble du pays. C’est d’ailleurs pour ces raisons que l’AIIC poursuit son travail remarquable d’influence à l’égard de l’accessibilité et de l’amélioration des services en intervenant directement au niveau des politiques du gouvernement fédéral en matière de soins de santé.
Je vous demande personnellement de travailler ensemble et plus fort pour recruter de nouveaux membres afin qu’ils adhèrent et participent au renforcement de notre association nationale. Ils doivent tous impérativement joindre l’AIIC pour participer à la transformation et au repositionnement des soins infirmiers, afin d’être mieux outillés pour affronter les enjeux en santé et services sociaux à l’échelle canadienne. Il ne fait aucun doute que le personnel infirmier est prêt à participer activement aux diverses tables décisionnelles pour veiller à l’apport des compétences et de la vision infirmière dans l’amélioration de nos systèmes de santé. La perspective et l’expertise infirmière s’avèrent indispensables à la vision d’ensemble pour assurer la pérennité et l’excellence des soins de santé au Canada. Considérant l’état de la crise actuelle, je pense que nous devons, en tant que membres de la profession, nous réunir et réfléchir collectivement à l’avenir des soins infirmiers et proposer des solutions audacieuses pour relever les nombreux défis qui nous attendent.
Comme le soulignent plusieurs chefs de file infirmiers au pays, et dans le monde, une approche collaborative et inclusive, humaniste et de caring doit guider nos efforts de concertation avec nos partenaires en santé, les associations nationales infirmières et les divers ordres de gouvernement, en vue de la résolution des problèmes complexes en soins infirmiers, de même que s’attaquer aux enjeux et aux défis contemporains en matière d’accès aux soins de santé au Canada. C’est ensemble que nous pouvons faire une grande différence et mener à terme les transformations nécessaires en santé.
En conclusion, au nom de l’AIIC et en mon nom personnel, nous ne pouvons pas passer sous silence le travail formidable de tout le personnel infirmier qui travaille au quotidien en ces temps difficiles et nous tenons à vous remercier pour votre engagement professionnel remarquable et votre leadership exceptionnel.
Le Congrès du Conseil international des infirmiers et infirmières approche à grands pas!
Ne manquez pas l’occasion unique de participer au Congrès du CII, qui se tiendra à Montréal du 1er au 5 juillet 2023. Nous invitons les infirmières et infirmiers à s’inscrire dès maintenant pour apprendre de leurs 5 000 collègues provenant de plus de 120 pays et discuter avec eux des défis en soins infirmiers, de la santé mondiale et bien plus encore. Au plaisir de vous rencontrer et de discuter avec vous!
Référence
Farchi, T., Dopson, S., & Ferlie, E. (2023). Do we still need professional boundaries? The multiple influences of boundaries on interprofessional collaboration. Organization Studies, 44(2), 277-298. https://doi.org/10.1177/01708406221074146
Sylvain Brousseau, inf. aut., Ph. D., FFNMRCSI, est président de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada (2022-2024) et professeur agrégé en sciences infirmières au campus Saint-Jérôme de l’Université du Québec en Outaouais.
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