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Impuissantes face à un ouragan, des infirmières praticiennes de la Nouvelle-Écosse se joignent à une équipe de cliniques mobiles pour apporter des soins primaires à la population

  
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Sue Battersby-Campbell et Deborah Blois nous font part de leur « grand défi en soins infirmiers »

Par Laura Eggertson
31 mai 2023
Santé Nouvelle-Écosse
En septembre 2022, l’ouragan Fiona s’est abattu sur le nord-est de la Nouvelle-Écosse, causant des dommages considérables et des pannes d’électricité. La province a mis en place une clinique mobile dirigée par du personnel infirmier comprenant une caravane et des tentes événementielles, afin d’aider les patients à obtenir les soins dont ils avaient besoin de toute urgence.

Sue Battersby-Campbell rentrait chez elle à Sackville, en Nouvelle-Écosse, après une journée de travail bien remplie en tant qu’infirmière praticienne en soins palliatifs lorsque son téléphone portable a sonné.

Santé Nouvelle-Écosse
Deborah Blois et Sue Battersby-Campbell étaient les praticiennes principales de la clinique mobile.

Il s’agissait de Dawn Munroe, directrice des ressources humaines, de la recherche, de l’innovation et de la découverte du ministère de la Santé et du Mieux-être de la Nouvelle-Écosse, lui demandant si elle pouvait faire sa valise et se rendre à Sydney, au Cap-Breton, à quatre heures de route au Nord, pour pourvoir en personnel la clinique de santé mobile dont elles avaient parlé.

« Oui, absolument » a répondu Sue Battersby-Campbell.

C’était le 27 septembre 2022.

Trois jours plus tôt, l’ouragan Fiona avait fait rage sur le nord-est de la Nouvelle-Écosse, abattant des arbres et des lignes électriques, inondant des routes et laissant plus de 400 000 personnes dans l’obscurité au plus fort des pannes de courant.

La province envisageait depuis des mois de mettre en place une clinique de santé mobile supervisée par du personnel infirmier, afin de soulager les services d’urgence submergés par des cas de COVID-19, une saison grippale précoce et le virus respiratoire syncytial.

L’ouragan Fiona venait de créer une véritable tempête.

Un hôpital débordé

Au Cap-Breton, la région de la Nouvelle-Écosse la plus durement touchée par l’ouragan, les pharmacies, les cabinets médicaux et les cliniques étaient fermées. Non seulement l’électricité était coupée, mais il était évident qu’elle le serait pendant des jours, voire des semaines.

Les patients ayant besoin d’un traitement médical, notamment pour des blessures liées à la tempête, s’en remettaient à l’hôpital régional du Cap-Breton, qui était submergé. Les fils électriques sous tension et les arbres tombés rendaient aussi la conduite difficile, certaines routes étant même impraticables.

« Nous devions nous assurer que les gens avaient accès aux soins primaires », explique Gail Tomblin Murphy, infirmière en chef de Santé Nouvelle-Écosse et vice-présidente à la recherche, à l’innovation et à la découverte pour le ministère de la Santé et du Mieux-être.

Il était temps de mettre la clinique mobile à l’œuvre.

Sue Battersby-Campbell, infirmière praticienne de 55 ans ayant de l’expérience en soins d’urgence, en soins aigus et en soins palliatifs, était prête.

Rassemblant son stéthoscope, son ordinateur portable et quelques autres fournitures, elle a pris la route à 5 h du matin le lendemain.

Scrutant anxieusement son parcours à la recherche d’une station-service en mesure de pomper de l’essence, elle vérifiait également ses messages chaque fois qu’elle s’arrêtait.

Elle a appris que des collègues conduiraient une caravane à sellette attelée à une camionnette qui leur servirait de clinique dans un lotissement en construction de la Première nation Membertou à Sydney.

Deux heures plus au Nord, une autre infirmière praticienne d’expérience recevait un appel semblable. Deborah Blois, 69 ans, travaille à temps partiel dans un centre de soins d’urgence à Parrsboro, en Nouvelle-Écosse.

« Vous avez de la chance que j’aie le sens de l’aventure! » s’exclame-t-elle en acceptant d’apporter du renfort.

Santé Nouvelle-Écosse
Une salle de conférence située à l’avant de la caravane a été transformée en salle d’examen.

Caravane convertie en clinique

Les deux femmes seront les principales praticiennes de la clinique, épaulées par des ambulanciers, deux autres infirmières responsables des questions cliniques et organisationnelles, et une dizaine d’autres membres du personnel de la Régie de la santé de la Nouvelle-Écosse réaffectés.

Au cours des neuf jours suivants, les infirmières praticiennes ont reçu plus de 350 patients dans la caravane, qui était auparavant le centre mobile de communication en cas de catastrophe des services de santé d’urgence. La première tâche consistait à reconfigurer la caravane.

Une salle de conférence située à l’avant de la caravane est devenue une salle d’examen. Sue Battersby-Campbell, Deborah Blois et deux collègues ont transporté une civière d’hôpital sur un comptoir pour créer une table d’examen et ont apporté des chaises pour les patients.

Les infirmières ont organisé et rangé des boîtes de fournitures, notamment des brassards de tensiomètre, des otoscopes pour examiner les oreilles, des abaisse-langue, des bandages et des compresses, un défibrillateur portable et des insufflateurs manuels qu’elles espéraient ne pas avoir à utiliser (et ce ne fut pas le cas.)

À l’extérieur de la caravane, les membres de l’équipe ont installé des tentes pour le triage et le contrôle des infections.

Ils ont déplacé des pierres et installé des tapis en caoutchouc pour réduire le risque de glissades et de chutes.

Le 29 septembre en début de journée, les infirmières praticiennes ont commencé à recevoir des patients. Attirés par le bouche-à-oreille et les messages sur les médias sociaux de la Régie de la santé de la Nouvelle-Écosse, les gens se sont présentés avec des maladies respiratoires, des exacerbations de maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) et d’asthme, des migraines, des lésions musculosquelettiques et la COVID. Certains avaient besoin d’un renouvellement urgent de leur ordonnance.

Les ambulanciers ont pris les signes vitaux et procédé au triage des patients. Des infirmières de santé publique ont procédé au dépistage de la COVID et effectué des tests rapides.

Ruptures de tympans, blessures à la scie à chaîne

Deborah Blois a procédé à des points de suture sur deux patients, dont un blessé par scie à chaîne qu’il utilisait pour nettoyer des arbres tombés. Sue Battersby-Campbell a soigné cinq personnes pour des ruptures de tympans attribuables aux changements de pression barométrique provoqués par l’ouragan.

« Ce n’est plus que ce que j’ai jamais vu dans toute ma carrière », constate-t-elle.

Les infirmières ont vu des personnes âgées et d’autres qui avaient de la difficulté à marcher, dans leur véhicule. Elles ont orienté les patients vers l’hôpital, les membres de l’équipe organisant une ambulance ou un autre moyen de transport, au besoin.

Elles ont mis en lien les patients qui n’avaient pas de médecin de famille avec le système de soins virtuels de la province. Tous les patients sont repartis avec un plan de transfert.

Ils sont aussi repartis après avoir raconté leur histoire aux infirmières qui ont pris soin d’eux.

Sue Battersby-Campbell a posé la même question à tous les patients qu’elle a rencontrée : « Comment vous en êtes-vous tiré pendant la tempête? »

Certains ont tout perdu, leur maison et leurs biens. D’autres avaient des trous dans leur toit ou avaient été emportés par les ondes de tempête et les inondations. Bon nombre des patients qui se sont présentés n’avaient pas grand-chose au départ, même avant que l’ouragan Fiona fasse rage.

« Certains, surtout des personnes âgées, n’avaient pas d’assurance pour leur maison », explique Sue Battersby-Campbell.

Malgré la nécessité de travailler de longues heures loin de chez elles, alors que leurs propres familles devaient faire face à des pannes d’électricité, les infirmières praticiennes ont un sentiment de contrôle en servant les patients dans une situation par ailleurs vulnérable.

« Je ne pouvais empêcher la catastrophe naturelle de se produire, je n’ai pas pu rétablir l’électricité et il y a beaucoup de choses que je ne pouvais pas faire », relate Sue Battersby-Campbell.

Santé Nouvelle-Écosse
Personne ne s’est plaint de l’attente ou du caractère improvisé de la clinique. Les patients ont dit aux infirmières : « Dieu merci, vous êtes là! et ont répété : Merci pour le renfort! ».

La résilience, une leçon d’humilité

Mais Sue Battersby-Campbell a pu apporter son aide à la clinique mobile. Ce travail lui a donné à la fois un sentiment de pouvoir et de privilège, dit-elle.

« J’ai ressenti une grande humilité face aux patients, à leurs histoires et à leur résilience. Je ne suis pas sûre que j’aurais pu faire face à la situation aussi bien qu’eux. C’était plus qu’inspirant. »

Deborah Blois applaudit le « merveilleux » travail d’équipe et la satisfaction de laisser aller ses patients avec le sentiment qu’ils ont été bien soignés et soutenus.

« Je suis très satisfaite du travail accompli. C’était toute une aventure. » déclare Deborah Blois, qui décrit la clinique comme un « grand défi en soins infirmiers assumé avec fierté et privilège ».

Personne ne s’est plaint de l’attente ou du caractère improvisé de la clinique. Les patients ont dit aux infirmières : « Dieu merci, vous êtes là! et ont répété : Merci pour le renfort! ».

« Les patients étaient tellement reconnaissants. Comment ne pas se réjouir d’un tel accueil de la part de la communauté? », déclare Sue Battersby-Campbell.

Bien que Sue Battersby-Campbell ait déjà un emploi à temps plein dans le domaine des soins palliatifs et qu’elle « n’aime pas faire des heures supplémentaires », elle proposerait « sans détour » ses services pour travailler à nouveau dans la clinique mobile, étant donné son rôle dans l’aide aux personnes ayant des difficultés à accéder aux soins primaires, ainsi qu’à ses collègues surchargés de travail.

« Collectivement, en tant que groupe allant bien au-delà du devoir, nous avons agi concrètement pour offrir des soins, » dit-elle.

Depuis le passage de l’ouragan Fiona, la province a poursuivi le déploiement de la caravane mobile. Elle utilise également le modèle des cliniques mobiles, dont le personnel est essentiellement composé d’infirmières et d’infirmiers praticiens, dans des espaces intérieurs, les fins de semaine et dans des espaces où les soins primaires ne seraient pas disponibles autrement.

« Je suis infirmière depuis 36 ans, et le travail dans cette clinique mobile a sans contredit été le point culminant de ma carrière », déclare Shelley Orr, une autre infirmière autorisée et responsable de la pratique professionnelle qui a travaillé dans la clinique mobile de Sydney et dans des cliniques mobiles ailleurs en Nouvelle-Écosse.

« Le personnel est heureux. Les patients sont heureux. Que peut-on vouloir de plus? Nous protégeons la population, nous la servons et nous lui donnons les meilleurs soins possibles alors qu’elle essaie de naviguer dans notre système de santé. C’est très valorisant. »


Laura Eggertson est journaliste indépendante à Wolfville, en Nouvelle-Écosse.

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