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Les premiers jours où la COVID-19 a fait rage ont été consacrés à se réorganiser en équipe pour sauver la vie des patients
Par Laura Eggertson
19 juin 2023
Valérie Gagnon a largement puisé dans ses réserves d’adrénaline.
Plus de deux ans après le début de la pandémie de COVID-19, la cogestionnaire des soins intensifs au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) peut enfin reprendre possession de ses espaces de travail après des mois auprès de son équipe.
Comme cogestionnaire clinico-administrative, accompagnée du médecin-chef des soins intensifs d’une des plus grande unité de soins intensifs (USI) au Canada, Valérie Gagnon consacrait la plus grande partie de son travail prépandémique à la gestion d’une équipe de 500 professionnels de la santé. En plus des secteurs de soins intensifs, elle est également responsable d’une unité de neuf lits dédiés aux soins des grands brûlés ainsi que de deux unités d’hémodialyse (hospitalière et ambulatoire).
Avant la COVID-19, elle travaillait sur différents projets de gestion concernant le maintien de la formation continue, le recrutement du personnel infirmier, en plus de répondre aux exigences relatives à différentes missions.
Puis, la pandémie est arrivée.
Outre ses responsabilités administratives, Valérie Gagnon, infirmière autorisée (IA) depuis près de 25 ans, s’est rendue sur place, sur l’unité afin de soutenir ses équipes dans certaines responsabilités et tâches.
« J’enfilait mon uniforme et je me rendais sur les unités avec mes équipes. Au petit matin ou en soirée, dans la mesure du possible, parce qu’ils avaient besoin de soutien pour mettre en œuvre tous les changements et toutes les directives quotidiennes que nous recevions de la part de la direction », explique Valérie Gagnon.
Des semaines de 60 heures et plus se sont enchaînées, pendant les vacances de Noël ainsi que durant les jours fériés, toujours dans un flot constant d’adrénaline. Valérie Gagnon transmettait à ses équipes la nouvelle information, qui semblait arriver toutes les heures, en relevant de grands défis médicaux, mais aussi des défis au niveau de la mobilisation et de la gestion du personnel qui découlaient de la COVID-19.
Une zone de guerre
« C’était comme une zone de guerre, dit-elle. Nous devions intervenir et prendre des décisions. »
L’une des premières mesures prises par Valérie Gagnon et son équipe a été de fermer l’unité des soins aux grands brûlés. L’idée étant de redéployer ses infirmières dans l’USI, qui contenait à la fois des patients se rétablissant d’une chirurgie et des patients atteints du virus SARS-CoV-2, dans deux ailes distinctes de l’étage.
Des patients succombaient à la COVID-19, mais il fallait pourtant ouvrir plus de lits, car la population continuait d’être malade.
Au cours des premiers mois de la pandémie, des membres d’une même famille, une mère et sa fille sont arrivées séparément à l’hôpital. L’équipe de Valérie Gagnon ne savait pas qu’elles étaient parentes. Ces femmes n’ont pas survécu à la COVID.
Lorsqu’une infirmière a téléphoné à la personne à contacter en cas d’urgence pour signaler le décès de la jeune fille, ce n’est qu’à ce moment que l’hôpital a appris, lorsque le père a répondu au téléphone cellulaire de sa femme, que la mère de la patiente était également hospitalisée dans une autre unité de soins en raison de la COVID.
La mère est décédée quelques jours après sa fille.
« C’est le cas dont je me souviens le plus, celui de la mère et de la fille, s’attriste Valérie Gagnon. Cette nuit-là a été très difficile pour tous. »
Intuber les patients gravement malades pour les placer sous ventilation assistée était une pratique courante au cours des premiers mois, de nombreuses personnes n’étant jamais parvenues à être sevrées des ventilateurs.
Valérie Gagnon et son équipe, qui scrutaient fébrilement les reportages et les revues médicales, étaient en quête d’une meilleure solution, d’une meilleure pratique pour garder les patients en vie.
À la suite de leurs recherches, ils ont appris que certains hôpitaux réduisaient le nombre de décès en plaçant les patients atteints de la COVID en position ventrale. Cette pratique, qui augmente le volume et la circulation de l’oxygène et du dioxyde de carbone dans les poumons, permettait souvent d’éviter l’intubation et la ventilation assistée.
Création de l’équipe d’intervention d’urgence
Une équipe d’intervention d’urgence à la COVID a été mise sur pied rapidement. Composée de la cogestionnaire des soins intensifs, d’une équipe spécialisée dans la formation du personnel infirmier ainsi que des membres de l’équipe médicale, cette équipe d’intervention devait s’assurer que chacun des membres de l’équipe était en sécurité et que le patient ayant besoin d’un lit en obtenait un. Des simulations ont été effectuées où toute l’équipe multidisciplinaire pouvait pratiquer des interventions de manière sécuritaire.
Rapidement, nous avons réévalué la possibilité de réouverture de l’unité des grands brûlés. Le nombre de décès diminuait, la pénurie de personnel infirmier étant un peu plus maîtrisée à ce moment-là.
Au cours des dernières années, en collaboration avec les dirigeants de l’établissement, il avait été décidé de réduire l’accès à l’unité des grands brûlés en raison du manque de ressources formées à cette spécialité. La situation a changé depuis.
À la suite de la pandémie, en un an, la rétention et le maintien des compétences du personnel infirmier ont permis de rouvrir plus de 50 lits en soins intensifs et ce, malgré la crise sanitaire.
Ces mêmes compétences de gestion ont permis à Valérie Gagnon de garder son équipe concentrée et motivée même pendant les jours les plus difficiles de la pandémie.
« Elle est reconnue pour sortir des sentiers battus et pour remettre constamment en question le statu quo de toute situation afin d’améliorer de façon proactive la qualité des soins offerts par son équipe et de créer délibérément un environnement où les compétences de son personnel se développent », affirme Renée Descôteaux, directrice des soins infirmiers au CHUM.
Un important programme de développement des aptitudes et des compétences, ainsi qu’un système d’horaires atypiques qui donne entre autres aux infirmières et infirmiers deux fins de semaine de congé sur trois, et des blocs de six jours de travail et de huit jours de congé figurent parmi les secrets de la réussite de Valérie Gagnon, dit-elle.
« Cette stratégie permet aux employés de passer plus de temps en famille, dit-elle. Nous maintenons les membres du personnel infirmier en poste, car ils ont de meilleures conditions de travail. Dans d’autres hôpitaux, les infirmières et infirmiers doivent faire des heures supplémentaires obligatoires, ce n’est pas le cas ici, car nous avons fait ce choix. Nous sommes conscients de notre chance et c’est de cette façon que nous sommes en mesure de pourvoir tous nos postes », dit-elle.
Embauche d’infirmières et d’infirmiers auxiliaires
Durant la pandémie, Valérie Gagnon a dû adopter une démarche quelque peu différente.
Après avoir fait des recherches sur le rôle des infirmières et infirmiers auxiliaires, elle a convaincu ses supérieurs de lui permettre d’en embaucher 12. En cinq semaines, avec l’aide du médecin-chef du service des soins intensifs et d’une équipe multidisciplinaire, la nouvelle équipe a formé le personnel infirmier auxiliaire aux soins des grands brûlés.
En raison de cette nouvelle pratique, elle a dû également travailler auprès d’infirmières expertes afin de les persuader de déléguer des soins et de faire confiance au personnel infirmier auxiliaire.
« Même si nous pensions que ce n’était pas une solution, Valérie nous a prouvé le contraire, déclare Renée Descôteaux.
Elle a réussi à intégrer des infirmières et infirmiers auxiliaires et à améliorer la qualité des soins, ce qui a permis au personnel infirmier en place l’utilisation de la pleine étendue de leur champ d’exercices ».
L’hôpital a retrouvé une accessibilité complète de ses lits de l’unité de soins aux grands brûlés, où les infirmières et infirmiers auxiliaires collaborent aux meilleurs soins offerts à la clientèle. Ils ont contribué à alléger la pression sur cette équipe de soins intensifs et ont partagé le suivi des plans de soins.
« Tout a très très bien fonctionné, affirme Valérie Gagnon. Je suis vraiment fière de l’engagement de l’ensemble de nos équipes ».
Elle soutient maintenant tous ces infirmiers et infirmières auxiliaires qui veulent retourner aux études pour devenir IA en adaptant leurs horaires à leur programme d’étude individuel.
Faire ses preuves
Pour Valérie Gagnon, qui a commencé sa carrière en tant qu’étudiante, en travaillant dans les cuisines et la buanderie d’un hôpital et qui est la première de sa famille immédiate à avoir fréquenté l’université, sa capacité à innover et à diriger lui apporte une grande satisfaction. Elle persévère malgré la fatigue attribuable à la pandémie.
Pour se ressourcer, elle se rend à son chalet avec son mari Steve et leurs fils, Alex et Zacharie. C’est un lieu de ressourcement familial où l’on se permet de voir des amis, où l’on partage de bons repas et du temps de qualité. La randonnée, le vélo et la lecture sont des activités réconfortantes pour elle.
Valérie Gagnon ne s’est pas contentée de se reposer entre les vagues de COVID-19. À l’été 2022, elle a participé à l’élaboration d’un projet de mentorat qui place des infirmières et infirmiers en soins intensifs dans des unités générales pour soutenir leurs collègues comptant moins de deux ans d’expérience de pratique.
« À ce jour, 500 activités de mentorat ont eu lieu, à la grande satisfaction des deux groupes, indique Renée Descôteaux. Ce projet permet au personnel infirmier de l’USI de se rapprocher des unités générales et favorise le transfert de connaissances et la collaboration entre les deux groupes. »
Les réalisations de Valérie Gagnon viennent, en partie, de son besoin de faire sans cesse ses preuves.
« Je ne viens pas d’une famille riche, et j’ai dû travailler dur pour avoir ce que j’ai maintenant. Je ne tiens rien pour acquis, déclare-t-elle.
Le personnel infirmier en général doit prouver sa valeur au système de soins de santé.
Je crois en la profession infirmière et je veux transmettre aux autres infirmières et infirmiers le fait que si on y croit, on peut y arriver.
Pour moi il est important d’offrir la même qualité de soins que celle à laquelle je m’attendrais. »
Laura Eggertson est journaliste indépendante à Wolfville, en Nouvelle-Écosse.
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