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Une pionnière blanche entreprend un parcours de 215 kilomètres pour honorer la vie d’enfants autochtones disparus
Par Joëlle Lachance-Artindale
4 juillet 2023
Je suis infirmière autorisée depuis 14 ans. J’aimerais vous faire part d’un changement de carrière que je n’aurais jamais anticipé. J’espère que mon histoire vous incitera à prendre conscience de la nécessité de connaître la vérité sur les peuples autochtones et du travail qui reste à accomplir pour parvenir à la réconciliation.
Tout a commencé lorsque ma candidature a été rejetée pour un poste d’enseignante à temps plein dans un programme de sciences infirmières qui, jusque-là, avait été mon objectif professionnel ultime. J’ai profité de l’occasion pour réfléchir à ma carrière. Je pratiquais en tant qu’infirmière en soins intensifs dans une unité de soins intensifs (USI) cardiaques et généraux dans deux hôpitaux différents et je consacrais une grande partie de mon temps à mon rôle de chargée de cours à temps partiel dans un programme de premier cycle de sciences infirmières.
Le début d’une série d’événements qui ont changé ma vie
À l’automne 2017, j’ai décidé de partir en quête d’un poste d’infirmière dans le Nord et j’ai été embauchée par une agence qui affectait du personnel infirmier dans des communautés éloignées des Premières Nations du nord de l’Ontario. Ma première affectation, qui a eu lieu pendant l’hiver 2018, consistait à travailler dans une communauté éloignée, accessible par avion, située à environ 1 800 kilomètres de ma ville natale. Je n’oublierai jamais ce dont j’ai été témoin à mon arrivée, ce qui a changé ma vie à jamais. Mes yeux se sont ouverts sur une réalité que je ne pouvais plus ignorer. Ce que j’ai vu était pour le moins étonnant, mais ce qui était encore plus choquant, c’est que cela se passait dans mon propre pays.
J’ai rapidement découvert que la façon dont les soins de santé sont offerts dans ces communautés est unique et rien n’aurait pu me préparer à l’expérience de travailler dans une communauté éloignée des Premières Nations. Depuis ma première expérience dans le Nord, j’ai lu de nombreux ouvrages, écouté de nombreux fichiers balados et visionné de nombreux documentaires pour mieux comprendre les peuples autochtones et leurs cultures. Je me suis vite aperçue que l’héritage historique et continu du colonialisme existe encore aujourd’hui et que le seul moyen d’avancer était d’apprendre la vérité et de me lancer dans le travail de réconciliation.
Avant d’entreprendre ma carrière d’infirmière dans le Nord, je savais très peu de choses sur les pensionnats ou la Loi sur les Indiens. J’ai vite compris que si je voulais poursuivre mon travail avec des patients autochtones, je devais être mieux informée pour pouvoir offrir des soins compétents, sûrs et adaptés sur le plan culturel. Même si j’ai terminé ma dernière affectation comme infirmière dans le Nord à l’automne 2019, j’ai réalisé que cette expérience avait éveillé en moi un désir ardent de continuer à en apprendre le plus possible sur les peuples autochtones et sur les luttes auxquelles ils font face.
Découverte des restes de 215 enfants
Transportons-nous à la fin du mois de mai 2021. Cette période sera à jamais connue comme l’une des plus sombres du Canada. Les restes de 215 enfants ont été découverts dans un ancien pensionnat de Kamloops, en Colombie-Britannique. Cette découverte, à mon avis, a changé à jamais notre pays. Après de nombreuses années et de nombreux rapports, nous avions maintenant la preuve que les tombes et les lieux d’inhumation anonymes étaient une réalité dans les pensionnats de l’Amérique du Nord.
Même si cette nouvelle était si troublante, certaines personnes se demandaient encore si elle était vraie. Après tout, comment les Canadiens ne pouvaient-ils pas le savoir? Qu’avons-nous manqué pendant toutes ces années? Comment pourrions-nous être mieux informés? Nous nous sommes retrouvés, moi et bon nombre de mes collègues, de membres de ma famille et d’amis, à nous poser ces questions et bien d’autres.
J’ai décidé qu’en tant que femme blanche, cisgenre et canadienne, je voulais faire quelque chose pour honorer la vie des enfants autochtones portés disparus. Je voulais également profiter de cette occasion pour faire ma part, non seulement en me renseignant, mais aussi en informant les autres Canadiens allochtones sur nos rôles et nos responsabilités en matière de réconciliation. La question était de savoir comment je pouvais m’y prendre pour apporter ma contribution.
Un voyage à l’appui des appels à l’action
Avec l’aide et le soutien de mon mari, j’ai décidé de marcher un total de 215 kilomètres en l’honneur de chaque enfant qui avait été retrouvé enterré à Kamloops. Cette distance était énorme, mais aussi réalisable. J’ai invité d’autres personnes à se joindre à moi, soit en me suivant sur Facebook ou en m’accompagnant dans mes courses ou mes marches quotidiennes.
Il était important que je profite de cette occasion pour sensibiliser les gens à l’héritage historique et actuel du colonialisme et aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation (CVR). J’ai décidé qu’un moyen efficace de faire passer mon message était d’utiliser les médias sociaux. Mon objectif était de faire connaître à mes sympathisants les 94 appels à l’action dans le rapport de la CVR.
J’ai décidé de marcher ou de courir 2,15 km par jour et j’ai créé un défi en ligne invitant les autres coureurs à se joindre à moi. Chaque matin, je mettais aussi en ligne un nouveau message sur Instagram et Facebook sur un appel à l’action. J’y incluais de l’information et un commentaire sur la façon dont nous pouvons appuyer et améliorer le rôle du gouvernement dans l’appel à l’action de cette journée particulière. Une fois que j’avais terminé ma marche ou ma course quotidienne, j’affichais une photo de moi accompagnée d’une capture d’écran d’une carte qui indiquait ma progression.
J’ai utilisé la publication de mes messages quotidiens pour parler de ce que j’avais fait pour appuyer cet appel à l’action. Par exemple, j’ai parlé d’un fichier balado, d’un documentaire, de ma participation à un cours en ligne, d’un livre ou de l’achat d’une œuvre d’art autochtone. J’ai également fourni des liens et des renseignements sur la manière dont mes sympathisants sur les médias sociaux pouvaient accéder à des ressources supplémentaires.
En 96 jours, j’ai réussi à marcher ou à courir un total de 249,7 km et à recueillir 1 000 $, qui ont été versés à Wiidokaaziwin (« The Gathering Place ») au Cambrian College. Cet espace a été inauguré le 10 novembre 2022, et les fonds serviront à rémunérer un artiste autochtone de la région de Sudbury pour y peindre une murale.
Ce que j’ai appris
Je suis fière de mon parcours parce qu’il m’a beaucoup appris. Il m’a donné l’occasion d’avoir des conversations ouvertes et honnêtes avec de nombreuses personnes sur un sujet important et pourtant si peu exploré.
À ma grande surprise et à ma grande satisfaction, j’ai découvert que certains de mes jeunes neveux et nièces semblaient en savoir beaucoup plus que la plupart des adultes avec lesquels j’avais discuté.
Je me suis retrouvée à avoir des conversations productives, mais parfois difficiles, avec certains de mes collègues du domaine de la santé qui avaient des opinions divergentes sur les expériences vécues par les peuples autochtones au sein de notre système de santé occidental. Cette expérience a exigé de moi de la vulnérabilité et de la patience envers les autres.
En fin de compte, mon parcours m’a non seulement appris beaucoup de choses, mais il a aussi renforcé l’importance pour les Canadiens allochtones d’être mieux informés; nous devons tous faire notre part pour exposer la vérité et œuvrer à la réconciliation.
En quoi ce défi m’a-t-il changé? Je continue à marcher ou à courir presque tous les jours pour les quelque 5 000 enfants qui ne sont jamais rentrés des pensionnats. Depuis le début de ce défi en juin 2021, j’ai parcouru plus de 2 300 kilomètres. J’ai beaucoup appris de mon cheminement. Les peuples autochtones ont à cœur la terre et les liens les connectant à elle. J’ai découvert que je me sens au sommet de ma forme lorsque je fais quelque chose qui me relie à la terre. En tant que pionnière blanche et privilégiée, je me considère chanceuse de pouvoir vivre, travailler et me divertir sur le territoire ancestral des Atikameksheng Anishnawbek, et je reconnais que Sudbury comprend également les terres ancestrales de la Première Nation Wahnapitae.
Je m’engage à travailler en étroite collaboration avec les Autochtones de ma communauté et à combler les lacunes qui existent dans la formation des fournisseurs de soins de santé. Je continuerai à participer à des activités qui me permettront de grandir et d’apprendre, car je reconnais que je ne suis pas et que je ne serai jamais une experte en matière de peuples autochtones. Je m’engage à poursuivre ce cheminement et à continuer d’apprendre.
Joëlle Lachance-Artindale, inf. aut., CSI(C), M. Sc. inf., est la directrice de la gestion clinique auprès de Bayshore Home Care Solutions North East (Sudbury, Timmins et Sault Ste. Marie) et infirmière autorisée occasionnelle à l’unité des soins intensifs cardiovasculaires et thoraciques à Horizon Santé-Nord à Sudbury.
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