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Faire abstraction du « je » en résolution de conflits : ce que le traitement des plaintes m’a appris sur mes propres luttes

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2023/08/21/the-i-in-conflict

Pourquoi la formation à la médiation des conflits devrait-elle être essentielle dans la formation des professionnels de la santé

Par Sanda S.
21 août 2023
istockphoto.com/asiseeit
Notre première réaction lorsque quelqu’un est en colère et exprime une opinion négative ou demande à « parler au gestionnaire » est de nous mettre sur la défensive et de le prendre personnellement. Mais il peut être plus avantageux de créer un espace pour que chacun puisse exprimer son opinion, même hors limites et sans jugement, en étant pleinement présent sans être en cause.

« Je ne serais jamais capable de faire votre travail! » est le principal commentaire que l’on me fait lorsque l’on me parle de mon travail. Mon titre est « consultante en matière de préoccupations des patients », ce qui veut dire que je dois traiter les plaintes des patients et de leurs familles toute la journée, chaque jour. J’occupe ce poste depuis sept ans (déjà sept ans!) et j’ai traité des milliers de plaintes. On pourrait considérer comme un compliment la réaction générale de ceux qui en entendent parler. Mais c’est aussi la preuve d’une réalité plus amère : beaucoup d’entre nous ne sont pas équipés pour gérer les conflits au travail.
Voici ce que j’ai appris jusqu’à présent de ce poste difficile, mais combien valorisant.

Il ne s’agit pas du travail que vous faites, mais bien de ce que le travail fait pour vous

J’avais l’habitude de penser en fonction d’objectifs quinquennaux, de progression de carrière et de réalisations des objectifs (diplômes, certificats, etc.). J’ai réalisé que bien que tous ces éléments soient utiles et valides, c’est en faisant le contraire que j’ai le plus évolué : en étant pleinement présente dans les bons et les mauvais moments, en trouvant un sens à ce qui n’en a pas et en déconstruisant mon ego. Traiter des plaines tous les jours n’était pas quelque chose que j’aspirais à poursuivre (ni personne d’autre). Il m’a fallu des années pour reconnaître à sa juste valeur l’occasion constante que m’offre ce poste : la possibilité d’évaluer mes propres préjugés, d’éviter les jugements et d’être bienveillante! J’encourage tout le monde à explorer plus intuitivement sa voie et à suivre le flot de sa propre carrière. Demandez-vous : « Qu’est-ce que ce travail m’apprend? Qu’est-ce qu’il m’enseigne? En quoi fait-il de moi une meilleure personne? »

Il n’y a pas de résolution de conflits, il n’y a que la transformation de conflits

Cette affirmation est issue de ma propre expérience professionnelle. Le conflit est comme une plante d’humeur changeante qui suit son propre cours. S’il est fertilisé, il peut prendre des proportions démesurées (c’est-à-dire s’intensifier); il peut aussi s’étioler et mourir à petit feu, pour servir de matière à réflexion pour l’avenir (Matière à plus de plaintes? Ou matière à plus d’espoir?). Je n’ai jamais entendu aucun plaignant dire : « Ce problème est maintenant résolu ». J’ai plutôt entendu : « C’est mieux que rien », ou « C’est bon pour l’instant. ». Ce qui indique que le processus n’est pas aussi linéaire qu’on le voudrait et que la qualité des soins de santé dépend à la fois de la perception subjective et des données objectives. Comme l’a mentionné Albert Einstein : « Ce qui compte ne peut pas toujours être compté, et ce qui peut être compté ne compte pas forcément! »

Pour transformer un conflit, il faut être conscient de la place du « je » dans le conflit

Notre première réaction lorsque quelqu’un est en colère et exprime une opinion négative ou demande à « parler au gestionnaire » est de nous mettre sur la défensive et de le prendre personnellement. Mais que se passerait-il si vous faisiez le contraire? J’ai fait les deux dans mon travail et je peux dire avec certitude que le fait d’éliminer le « je » de l’équation est vraiment utile! Il s’agit de créer un espace pour que chacun puisse exprimer son opinion, même hors limites et sans jugement, en étant pleinement présent sans être en cause (par opposition à « mis à l’écart »). Il s’agit d’offrir un terrain ferme et une stabilité à une situation instable. Si je n’ai pas les pieds sur terre, le processus ne servira à rien. J’ai donc appris à écouter d’abord ce que le plaignant ou la plaignante a à dire. Ensuite, si possible, résister à l’envie d’avoir une conversation difficile; plutôt la repousser pour retrouver son calme. (Et on peut assurément le faire partout, pas seulement dans un bureau, mais aussi à l’étage de l’unité.)

La communication est la raison principale pour laquelle les gens se plaignent

C’est un fait, confirmé par un nouveau corpus de recherches sur les données relatives aux plaintes des patients. Le problème, c’est que nous nous croyons experts en communication ou, au contraire, nous négligeons cette question, pensant que ce n’est que du « vent ». Après des années de formation en soins infirmiers et au cycle supérieur, je n’ai pas eu un seul cours ou module qui m’ait enseigné des compétences pratiques sur la façon de résoudre les conflits. Et c’est évident. L’infirmière aux yeux écarquillés qui commence sa garde dans un service d’urgence très fréquenté risque fort de perdre l’étincelle après de nombreux épisodes d’agression, peut devenir désenchantée ou, pire encore, devenir une constante source de plaintes.

J’ai appris à aborder les conflits grâce à l’autoapprentissage et à mon expérience professionnelle réelle, mais je pense que nous pouvons tous faire mieux. Aujourd’hui, pour une infirmière ou un infirmier, quels que soient sa spécialité et son lieu de travail, savoir réagir et désamorcer le conflit est une compétence essentielle. Je suis fermement convaincue qu’une formation pratique aux conflits pour les professionnels de la santé n’est pas seulement bénéfique, mais qu’elle est indispensable en 2023.

Mon travail actuel a été extrêmement difficile au début. Il l’est toujours, et la beauté de la chose est qu’il offre des angles différents, des défis différents, chaque jour. Est-ce que je vis des jours difficiles? Oui. Suis-je toujours en mesure de me souvenir de mes propres mots? Non. Mais j’apprends chaque jour à être plus attentive et consciente de mon propre rôle dans la médiation des conflits.

En faisant abstraction du « je » dans le conflit, j'ai découvert qu'une chose inattendue peut se produire : quelqu’un trouve un espace où s’ancrer, et il n’y a pas de « moi » ou de « eux ». Il n’y a que « nous ».


Sanda S., inf. aut., M. Sc. Qualité de la santé, a travaillé en tant qu’infirmière dans plusieurs milieux de pratique avant de devenir consultante en matière de préoccupations des patients en Alberta. Pour en savoir plus sur son travail et sur la façon dont vous pouvez vous améliorer en médiation des conflits, consultez le site www.peaceandpatient.com (en anglais seulement).

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