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Rassembler les familles de nouveau et améliorer les résultats cliniques : pourquoi le personnel infirmier devrait encourager la levée des restrictions en matière de visites

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2023/08/28/bringing-families-back

Il est temps de reconnaître le rôle vital de l’engagement des familles dans les soins de santé

Par Laura-Lee Nuttall
28 août 2023
istockphoto.com/FrazaoStudio
Le coût indéniable de la fermeture des portes des services de santé aux familles durant la pandémie a mis en lumière la nécessité d’examiner d’un œil critique des décisions qui ont été prises, et qui continuent d’être prises, concernant les politiques de visites dans les hôpitaux.

Depuis l’éclosion de la COVID-19, les politiques en matière de visites dans les établissements de soins de santé ont évolué. Récemment, cependant, de nombreuses restrictions liées à la pandémie ont été levées, notamment les heures de visite limitées, les protocoles de dépistage, les exigences en matière de vaccination et les restrictions concernant les soignants désignés. Ces restrictions constituaient des obstacles entre les patients et les personnes qu’ils aiment. Dans cet article, je décris les bienfaits qu’apportent les membres de la famille, je passe en revue les effets que les restrictions ont eu et j’encourage le personnel infirmier à militer pour que les établissements de soins de santé adoptent une démarche éthique quant aux politiques en matière de visites familiales.

Les familles en tant que partenaires des soins de santé

Dans les années qui ont précédé la pandémie de COVID-19, on a assisté à un mouvement croissant en faveur d’une plus grande contribution des familles dans les établissements de soins de santé. Les recherches ont montré que la présence de la famille à l’hôpital se traduisait par de meilleurs résultats pour les patients (Dokken, Johnson et Markwell, 2021). La présence de la famille a été associée à une amélioration de la sécurité des patients, de la communication entre les patients et l’équipe soignante, de la satisfaction des patients et du bien-être émotionnel des soignants et des patients (Davidson et coll., 2017).

Gracieuseté de Laura-Lee Nuttall
« Les infirmières et infirmiers ont toujours pris la défense des intérêts de leurs patients. Dans un monde post-pandémique, il est essentiel de donner la priorité à l’inclusion des familles dans toute la mesure du possible », déclare Laura-Lee Nuttall.

En offrant un soutien émotionnel, en défendant les besoins de leur proche et en participant à leurs soins, les membres de la famille contribuent à combler le fossé entre la crise sanitaire actuelle de la patientèle et son état de santé. Lorsque les patients rentrent chez eux, ils ont souvent encore besoin d’aide pour leurs soins personnels. La famille est souvent appelée à combler le fossé entre l’hôpital et la vie autonome à la maison. La contribution de la famille tout au long du parcours de santé des patients permet une transition en douceur.

Inversement, l’interdiction de visites durant la pandémie a été associée à des effets néfastes sur les résultats cliniques.

Les données de recherche indiquent que l’isolement des patients était associé à une confusion accrue et au recours à des médicaments sédatifs (Abbasi, 2020). Pendant les confinements, les données ont révélé une augmentation des chutes et des septicémies (Silvera, Wolf, Stanowski et Studer, 2021). Les établissements de soins de longue durée (SLD) ont signalé que les résidents avaient perdu du poids et présentaient d’autres signes de détresse (Abbasi, 2020). Le choix de certains résidents d’établissements de SLD de solliciter l’aide médicale à mourir (AMM) plutôt que de rester isolés en est la preuve la plus flagrante. Nancy Russell, une résidente de 90 ans en SLD, a fait ce choix (Favaro, St. Philip et Jones, 2020). On décrivait Mme Russell comme une personne dynamique et sociale, curieuse de la vie et aimant socialiser avec les autres. Au cours de la première période de confinement, sa santé a commencé à décliner. À un moment donné, elle s’est isolée exclusivement dans sa chambre pendant deux semaines. Elle a dit à sa famille qu’elle ne voulait pas revivre cette expérience. Sa santé physique et mentale s’est dégradée et elle a été autorisée à suivre le processus d’AMM. Cette expérience a tellement affecté les résidents des établissements de SLD qu’elle a été baptisée « syndrome de confinement ». Une personne a déclaré : « Nous les sauvons de la mort » (Yanes, 2021), soulignant les effets néfastes d’un isolement prolongé sur le bien-être physique et émotionnel des résidents.

Il a été démontré que les restrictions liées à la COVID-19 causent des méfaits psychologiques dans diverses situations de soins aux patients au-delà des soins de longue durée, notamment chez les mères qui accouchent et qui éprouvent des difficultés à tisser des liens avec leur nourrisson dans l’unité de soins intensifs (USI) néonatals, ainsi que le traumatisme psychologique subi par les familles séparées de leur proche dans l’USI. Selon Montauk et Kuhl (2020), « l’impact psychologique de la séparation liée à la COVID-19 sur les familles des unités de soins intensifs se répercutera pendant des années et se traduira probablement par un grand nombre de personnes ayant besoin de services liés aux traumatismes » (p. 597). Il est difficile de mesurer pleinement l’ampleur de ces conséquences.

Les patients et leurs familles ne sont pas les seuls à être affectés par les restrictions imposées aux visiteurs. Le personnel soignant a également fait état de difficultés découlant de ces restrictions (Azoulay et coll., 2020). Ces difficultés oscillent entre la tentative de comprendre des politiques en constante évolution et la détresse éthique en matière de soins de fin de vie. Les professionnels de la santé ont exprimé leur regret et leur malaise d’être les substituts de la famille pendant les derniers moments des patients (Najeeb, 2020). Les derniers moments de la vie des patients sont profondément personnels et intimes.

Les familles ont souvent le fort désir d’être présentes pendant cette période, de faire leurs derniers adieux, de partager leurs pensées intimes et d’apporter un peu de réconfort. Ces petits gestes, comme tenir une main ou effleurer une joue, prennent une signification profonde lorsqu’il est clair que les membres de la famille n’auront pas d’autres occasions de le faire. Ces moments sacrés ne se transmettent pas bien à travers un écran. Zoom ne peut tout simplement pas remplacer la présence de la famille auprès des patients. Malgré tous les efforts du personnel infirmier pour combler le vide laissé par l’absence des membres de la famille, il est impossible de combler totalement ce vide, ce qui peut leur donner un sentiment d’inadéquation et de détresse.

Obstacles aux visites

Le coût indéniable de la fermeture des portes des services de santé aux familles durant la pandémie a mis en lumière la nécessité d’examiner d’un œil critique les décisions qui ont été prises, et qui continuent d’être prises, concernant les politiques de visites dans les hôpitaux. Très tôt, le risque de transmission de ce nouveau virus a semblé l’emporter sur les avantages possibles que les visiteurs pouvaient apporter. La sécurité a logiquement pris le dessus, et les hôpitaux et les résidences de soins ont fermé leurs portes. Toutefois, la fermeture des établissements de SLD n’a tragiquement pas permis d’empêcher la transmission du virus par ces populations vulnérables.

Des recherches antérieures dans ce domaine ont révélé que les principales sources d’infections contractées dans les hôpitaux ne sont pas les visiteurs (Bishop et Walker, 2013; Fumagalli et coll., 2006), mais les fournisseurs de soins de santé qui ne respectent pas les procédures établies de contrôle des infections, comme le lavage des mains et d’autres lignes directrices (Dokken et coll., 2021).

Mais en serait-il autrement d’un virus aéroporté comme la COVID-19? Les familles présenteraient-elles un risque inacceptable de transmission d’infections dans les hôpitaux? De nouvelles recherches indiquent que la présence de familles dans les hôpitaux et les établissements de SLD n’est pas associée à une propagation accrue de la COVID-19 (Verbeek et coll., 2020). « À l’heure actuelle, il existe peu de preuves à l’appui d’un rôle important des visiteurs dans la transmission de la COVID-19 en milieu hospitalier » (Munshi, Evans et Razak, 2021).

Après plus de trois ans suivant l’éclosion de la COVID-19, il est évident que la société ne sera probablement jamais débarrassée de ce virus. De nouvelles méthodes doivent être acquises pour s’adapter à cette menace. En se tournant vers l’avenir, il est important de ne pas oublier les batailles durement gagnées en matière de défense des intérêts des patients et des familles durant la pandémie. Les familles sont d’une grande valeur pour le milieu des soins de santé et doivent être considérées pour ce qu’elles sont : des partenaires vitaux des soins de santé.

Votre rôle en défense des intérêts

Vous pouvez poser de nombreux gestes pour plaider en faveur de changements dans l’intérêt des patients :

  • en vous renseignant sur le rôle que jouent les familles dans l’évolution de l’état de santé des patients. De nombreuses recherches à ce sujet sont disponibles en ligne gratuitement. Des fondations telles qu’Excellence en santé Canada proposent aussi des ressources pédagogiques aux professionnels de la santé.
  • en vous informant sur les méfaits de l’isolement et de la séparation. L’Institute for Patient- and Family-Centered Care propose de nombreux articles sur le sujet.
  • en engageant le dialogue avec les administrateurs et les directeurs d’hôpitaux, ainsi qu’avec d’autres décideurs politiques.
  • en faisant contribuer les familles dans la défense des intérêts en leur demandant leur avis et en tenant compte de leurs perspectives uniques. Laura Braun l’a souligné avec détermination dans son article publié dans infirmière canadienne du 21 septembre 2020.
  • en collaborant avec vos collègues pour discuter et élaborer d’autres stratégies de défense des intérêts.

En tant que fournisseurs de soins de santé, les infirmières et infirmiers ont toujours pris la défense des intérêts de leurs patients. Dans un monde post-pandémique, il est essentiel de donner la priorité à l’inclusion des familles dans toute la mesure du possible. Les familles ne sont pas de simples visiteurs, elles font partie intégrante des soins et du rétablissement de chaque patiente et patient. En reconnaissant et en relevant les défis des politiques de visites fermées et en plaidant pour une démarche plus compatissante et éthique en ce qui concerne la présence des familles, les infirmières et infirmiers peuvent soutenir les patients et leurs proches pendant les moments les plus vulnérables de leur vie.

Références

Abbasi, J. « Social isolation—The other COVID-19 threat in nursing homes », JAMA324(7), 2020, p. 619–620. doi:10.1001/jama.2020.13484

Azoulay, E., Cariou, A., Bruneel, F., Demoule, A., Kouatchet, A., Reuter, D., ... et Kentish-Barnes, N.« Symptoms of anxiety, depression, and peritraumatic dissociation in critical care clinicians managing patients with COVID-19. A cross-sectional study », American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine202(10), 2020, p. 1388–1398. doi:10.1164/rccm.202006-2568OC

Bishop, S. M., Walker, M. D. et Spivak, M. « Family presence in the adult burn intensive care unit during dressing changes », Critical Care Nurse, 33(1), 2013, p. 14-24. https://doi.org/10.4037/ ccn2013116

Davidson, J. E., Aslakson, R. A., Long, A. C., Puntillo, K. A., Kross, E. K., Hart, J., . . . Curtis, J. R. « Guidelines for family-centered care in the neonatal, pediatric, and adult ICU », Critical Care Medicine, 45(1), 2017, p. 103–128. doi:10.1097/ CCM.0000000000002169

Dokken, D. L., Johnson, B. H et Markwell, H. J. Family presence during a pandemic: Guidance for decision-making, Institute for Patient- and Family-Centered Care, 2021. Tiré de https://www.ipfcc.org/bestpractices/covid-19/IPFCC_Family_Presence.pdf

Favaro, A., St. Philip, E. et Jones, A. M. Facing another retirement home lockdown, 90-year-old chooses medically assisted death, CTV News, 19 novembre 2020. Tiré de https://www.ctvnews.ca/health/facing-another-retirement-home-lockdown-90-year-old-chooses-medically-assisted-death-1.5197140?cache=mgxrihoykb%3Fot%3DAjaxLayout

Fumagalli, S., Boncinelli, L., Lo Nostro, A., Valoti, P., Baldereschi, G., Di Bari, M., Ungar, A., Baldasseroni, S., Geppetti, P., Masotti, G., Pini, R. et Marchionni, N. « Reduced cardiocirculatory complications with unrestricted visiting policy in an intensive care unit: Results from a pilot, randomized trial », Circulation, 113, 2006, p. 946-952. https://doi.org/10.1161/ CIRCULATIONAHA.105.572537

Montauk, T. R. et Kuhl, E. A. « COVID-related family separation and trauma in the intensive care unit », Trauma Psychology, 12(S1), 2020, S96–S97. doi:10.1037/tra0000839

Munshi, L., Evans, G. et Razak, F. (2021). « The case for relaxing no-visitor policies in hospitals during the ongoing COVID-19 pandemic », CMAJ, 193(4), 2021, E135–E137. doi:10.1503/cmaj.202636

Najeeb, U. « COVID-19, reflections: Phone call [blog] », CMAJ, 3 juillet 2020. Tiré de https://cmajblogs.com/phone-call/

Silvera, G. A., Wolf, J. A., Stanowski, A. et Studer, Q. « The influence of COVID-19 visitation restrictions on patient experience and safety outcomes: A critical role for subjective advocates », Patient Experience Journal8(1), 2021, p. 30–39.

Verbeek, H., Gerritsen, D. L., Backhaus, R., de Boer, B. S., Koopmans, R. T. C. M. et Hamers, J. P. H. « Allowing visitors back in the nursing home during the COVID-19 crisis: A Dutch national study into first experiences and impact on well-being », Journal of the American Medical Directors Association21(7), 2020, p. 900–904. doi:10.1016/j.jamda.2020.06.020

Yanes, N. ‘Saving them to death’: Legislation filed to prevent isolation in nursing homes amid lockdowns, Click Orlando, 23 décembre 2021. Tiré de https://www.clickorlando.com/news/local/2021/12/23/saving-them-to-death-legislation-filed-to-prevent-isolation-in-nursing-homes-amid-lockdowns/


Laura-Lee Nuttall, inf. aut., B. Sc. inf., est infirmière en soins intensifs comptant 19 ans d’expérience. Elle a travaillé à l’unité des soins intensifs en Ontario durant la pandémie de COVID-19.

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