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Cinq questions à poser pour s’assurer que les soins de fin de vie sont culturellement appropriés

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2024/03/04/5-questions-end-of-life-care

Les rituels coutumiers peuvent apporter un grand réconfort à la personne mourante et à sa famille

Par Donna M. Wilson, Brooklyn A. Grainger, & Jean A. C. Triscott
4 mars 2024
istockphoto.com/FatCamera
À l’approche de la fin de vie, les coutumes culturelles sont extrêmement importantes. Des rituels, des activités et des comportements distincts sont souvent mis en œuvre au cours de la trajectoire de la mort et du deuil. Ces rituels sont réconfortants non seulement pour la personne mourante, mais aussi pour sa famille.

De nombreux pays développés, dont le Canada, accueillent aujourd’hui un nombre croissant d’immigrants. Le recensement de 2021 a révélé que 23 % des citoyens canadiens étaient nés dans un autre pays, et cette proportion devrait bientôt atteindre une personne sur trois (Statistique Canada, 2022). Les personnes qui immigrent arrivent souvent à l’âge adulte et restent généralement dans leur pays d’adoption jusqu’à la fin de leur vie. Bien que les immigrants s’installent dans leur nouveau pays, ils ont tendance à conserver les coutumes sociales de leur pays d’origine (Liu et coll., 2022).

À l’approche de la fin de vie, les coutumes culturelles sont extrêmement importantes. Des rituels, des activités et des comportements distincts sont souvent mis en œuvre au cours de la trajectoire de la mort et du deuil. Ces rituels sont réconfortants non seulement pour la personne mourante, mais aussi pour sa famille. Ils constituent un guide à un moment où les gens ont besoin de savoir ce qui va se passer ou ce qui devrait se passer (Liu et coll., 2022).

Une « bonne mort » facilite le deuil

Nous savons qu’une « bonne mort » est extrêmement importante pour la personne mourante, mais c’est aussi très important pour sa famille. Certaines recherches sur les soins palliatifs ont révélé que le deuil est plus long et plus difficile lorsque la famille croit que l’être cher n’a pas eu une bonne mort (Wilson et coll., 2019). Des soins de fin de vie culturellement appropriés ou inappropriés peuvent être un facteur clé pour le deuil qui suit un décès.

Nous avons procédé à un important examen de la littérature sur les renseignements publiés et non publiés pour en savoir plus sur les coutumes en fin de vie parmi les 10 groupes les plus courants de nouveaux immigrants au Canada. Ces groupes sont originaires de pays africains et asiatiques, surtout des Philippines, de l’Inde, de la Chine ou de Hong Kong, du Pakistan, du Vietnam, du Mexique, de la Corée, du Nigéria, de l’Éthiopie et du Liban. Dans le cadre de ce projet, nous avons appris pour chacun des 10 groupes d’immigrants ce qu’ils s’attendaient à voir se produire et ne pas voir se produire à trois moments distincts : 1) à l’approche de la mort; 2) au moment de la mort; et 3) dans la phase qui suit immédiatement la mort, lorsque la dépouille doit être prise en charge et que d’autres activités sont nécessaires en dépit du deuil profond de la famille.

Après l’analyse de la littérature, où tous les résultats de la recherche et de la littérature n’ayant pas fait l’objet de recherches ont été examinés pour obtenir de l’information, nous avons résumé les résultats pour chaque groupe culturel, puis avons examiné ces résultats avec des chefs culturels au Canada pour les vérifier ou les corriger, et pour acquérir des connaissances supplémentaires sur les coutumes de fin de vie propres à chaque culture.

Nous avons appris que les coutumes liées à la fin de vie varient considérablement parmi les 10 groupes culturels. Ce qui est normal pour un groupe peut être insignifiant, voire inapproprié, pour un autre groupe. Par exemple, les adultes originaires de Chine ou Hong Kong et du Vietnam préfèrent qu’on leur administre des traitements essentiels au maintien de la vie dynamiques et qu’on maintienne leurs fonctions vitales jusqu’à la mort (Duke, 2013; Reese, Chan, Chan et Wiersgalla, 2010). En revanche, les personnes originaires de Corée, d’Inde et du Pakistan souhaitent souvent que l’on cesse tous les traitements essentiels au maintien de la vie lorsque la mort est imminente et que l’on mette fin au maintien des fonctions vitales dans le cas de maladies irréversibles, car ces mesures sont susceptibles de prolonger la souffrance (Ivo et coll., 2012; Stanford Medicine, 2019).

Nous avons aussi appris, en discutant de nos résultats avec les chefs culturels,que les coutumes sociales évoluent au fil du temps. Ce qui était une coutume sociale dans un pays d’origine peut ne plus exister dans ce pays, mais la personne mourante ou sa famille au Canada peut encore s’en remettre à l’ancienne coutume. Par exemple, les décès à domicile n’étaient pas acceptables il y a quelques années en Chine, car la mort était un sujet tabou, mais ils sont maintenant courants (Cai, Zhao et Coyte, 2017). Par ailleurs, les immigrants et les membres de leur famille de première ou deuxième génération peuvent accepter les coutumes sociales de leur pays d’adoption au fur et à mesure qu’ils s’y installent et utiliser ce qui est pratique ou possible dans le nouveau pays.

Les familles doivent être mises à contribution

Il est donc impossible de créer un tableau des pratiques à faire et à ne pas faire à l’intention des soignants officiels afin qu’ils connaissent les coutumes de fin de vie propres à chaque groupe culturel. Cependant, le fait que les membres de la famille tiennent à être présents et à prendre part directement aux soins de fin de vie et à la prise de décision, quel que soit l’endroit où ces soins sont offerts, ressort comme étant extrêmement important pour chacun des groupes.

Il est également important de savoir que certaines coutumes culturelles en matière de fin de vie seront très différentes de ce qui est « normal » pour une infirmière ou un infirmier, un médecin, une travailleuse ou un travailleur social ou un autre fournisseur de soins au Canada, dont la plupart sont nés au Canada et sont donc habitués à une certaine façon de faire les choses. Ces pratiques courantes sont souvent considérées comme étant « justes » d’un point de vue éthique ou moral. Au Canada, seulement 8,9 % des infirmières et infirmiers réglementés en 2021 avaient reçu une formation internationale (Gouvernement du Canada, 2021).

Nous espérons que les membres du personnel infirmier et les autres fournisseurs de soins officiels prendront conscience de l’importance des attentes culturelles en ce qui a trait à la fin de vie. Tous les fournisseurs de soins doivent anticiper les différences en ce qui concerne les attentes d’une famille à l’autre et être ouverts aux demandes de fin de vie fondées sur la culture.

Cinq questions que les fournisseurs de soins devraient poser

Comme il est très difficile de savoir exactement comment intervenir pour chaque groupe culturel, ainsi que pour chaque personne mourante et sa famille, nous conseillons de poser cinq questions à un proche abordable (dans cet ordre et peut-être aussi au fil de l’évolution de la maladie en phase terminale) :

  1. Puis-je vous poser des questions sur les coutumes de fin de vie de votre famille? Justification : Notre étude a montré que certains groupes culturels ne veulent pas savoir que la mort est imminente. Une autorisation est donc nécessaire pour parler ouvertement de la planification de la fin de vie. En outre, certains groupes culturels s’attendent à ce que seules certaines personnes de la famille participent à ces discussions importantes. Il est donc aussi important de déterminer la bonne personne (ou les bonnes personnes) à qui parler.
  2. Où est né votre proche? Justification : Le lieu de naissance d’une personne n’est normalement consigné nulle part, mais il s’agit d’une information très importante pour aider à prévoir les différentes attentes culturelles quant à ce qui doit se passer avant la mort, au moment de la mort et peu de temps après la mort.
  3. Existe-t-il des attentes culturelles quant à ce qui devrait se passer maintenant dans cette période de soins de fin de vie? Justification : De nombreuses différences parmi les groupes culturels ont été décelées pour cette période, au cours de laquelle la mort survient.
  4. Existe-t-il des attentes culturelles quant à ce qui devrait se passer au moment de la mort? Justification : De nombreuses différences parmi les groupes culturels ont été décelées en ce qui concerne les activités ou les rituels censés se dérouler au moment de la mort.
  5. Existe-t-il des attentes culturelles quant à ce qui devrait se passer peu après la mort, y compris la façon dont la dépouille doit être prise en charge? Justification : De nombreuses différences parmi les groupes culturels ont été décelées pour cette période d’activités post-mortem immédiate.

Il s’agit de cinq questions importantes destinées à recueillir les renseignements nécessaires pour que les membres du personnel infirmier et les autres soignants officiels puissent agir en connaissance de cause. Ces questions peuvent aider à établir une relation entre les infirmières et infirmiers et les membres de la famille en détresse. Elles peuvent contribuer à éviter les conflits, qui sont fréquents en fin de vie (Wilson et coll., 2022), et montrer que le personnel infirmier a à cœur ce qui se passe et est déterminé à fournir des soins adaptés à la culture.

Ce projet a été rendu possible grâce à une subvention du Northern Alberta Academic Family Medicine Fund (21 juin 2021).

Références

Cai, J., Zhao, H. et Coyte, P. C. « Socioeconomic differences and trends in the place of death among elderly people in China », International Journal of Environmental Research and Public Health, 14(10), 2017, p. 1210. doi:10.3390/ijerph14101210

Duke, G. « Attitudes regarding life-sustaining measures in people born in Japan, China, and Vietnam and living in Texas », International Journal of Palliative Nursing, 19(2), 2013, p. 76–83. doi:10.12968/ijpn.2013.19.2.76

Gouvernement of Canada. Le gouvernement du Canada aide les infirmiers formés à l’étranger à faire reconnaître leurs titres de compétences et à trouver des emplois de qualité, 12 mai 2021. Tiré de https://www.newswire.ca/fr/news-releases/le-gouvernement-du-canada-aide-les-infirmiers-formes-a-l-etranger-a-faire-reconnaitre-leurs-titres-de-competences-et-a-trouver-des-emplois-de-qualite-872656219.html

Ivo, K., Younsuck, K., Ho, Y. Y., Sang-Yeon, S., Seog, H. D., Hyunah, B.,… Xiaomei, Z. « A survey of the perspectives of patients who are seriously ill regarding end-of-life decisions in some medical institutions of Korea, China and Japan », Journal of Medical Ethics, 38(5), 2012, p. 310–316. doi:10.1136/medethics-2011-100153

Liu, R. W., Lapinski, M. K., Kerr, J. M., Zhao, J., Bum, T. et Lu, Z. « Culture and social norms: Development and application of a model for culturally contextualized communication measurement (MC3M) », Frontiers in Communication, 6-2021, 2022. doi:10.3389/fcomm.2021.770513

Reese, D. J., Chan, C.  L. W., Chan, W. C. H. et Wiersgalla, D. « A cross-national comparison of Hong Kong and U.S. student beliefs and preferences in end-of-life care: Implications for social work education and hospice practice », Journal of Social Work in End-of-Life & Palliative Care, 6(3–4), 2010, p. 205–235. doi:10.1080/15524256.2010.529021

Stanford Medicine. Advance directives/end-of-life issues, 2019. Tiré de https://geriatrics.stanford.edu/ethnomed/pakistani/delivery/advance_directives.html

Statistique Canada. Série « Perspective géographique », Recensement de la population de 2021, 2022.Tiré de https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2021/as-sa/fogs-spg/page.cfm?Lang=F&topic=9&dguid=2021A000011124

Wilson, D. M., Bykowski, K. A., Banamwana, G., Bryenton, F. M., Dou, Q. et Errasti-Ibarrondo, B. « Intra-family end-of-life conflict: Findings of a research investigation to identify its incidence, cause, and impact », OMEGA, Journal of Death and Dying, 2022. 302228221133504, doi:10.1177/00302228221133504

Wilson, D. M., Cohen, J., Eliason, C., Deliens, L., MacLeod, R., Hewitt, J. A. et Houttekier, D. « Is the bereavement grief intensity of survivors linked with their perception of death quality? », International Journal of Palliative Nursing, 25(8), 2019, p. 398–405. doi:10.12968/ijpn.2019.25.8.398


Donna M. Wilson, inf. aut., Ph. D., est professeure émérite à l’Université de l’Alberta.
Brooklyn A. Grainger, inf. aut., B. Sc. inf., travaille comme infirmière dans un hôpital à Fort Saskatchewan, en Alberta.
Jean A. C. Triscott, BED/AD, M.D., CCFP(COE), FAAFP, FCFP, est professeure et directrice de la Division des soins aux personnes âgées, Département de médecine familiale et de médecine dentaire de l’Université de l’Alberta à Edmonton.

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