https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2024/03/25/safe-and-effective-use-of-antiseptic-agents
Alcool et chlorhexidine : conseils pratiques pour les travailleurs de la santé
Par Ali Bayrouti
25 mars 2024
Messages à retenir
- L’hygiène systématique des mains est primordiale pour prévenir les infections associées aux soins de santé. Les désinfectants pour les mains à base d’alcool (DMBA) sont efficaces et constituent une option pratique pour l’hygiène des mains dans les contextes de soins de santé lorsque 3 ml sont utilisés pendant au moins 15 secondes (85 % poids/poids). Le lavage traditionnel des mains à l’eau et au savon reste indiqué lorsque les mains sont visiblement sales.
- Les membres du personnel infirmier peuvent réduire de façon importante la propagation des infections, améliorer les résultats et promouvoir la sécurité des soins aux patients en utilisant les antiseptiques de manière appropriée. Le respect des concentrations, des temps de contact et des méthodes d’application recommandés par le fabricant est le meilleur moyen de soutenir une pratique fondée sur des données probantes.
- Les antiseptiques à base d’alcool peuvent être utilisés pour l’hygiène des mains et la préparation de la peau avant les interventions invasives. Il faut garder à l’esprit qu’une utilisation répétée peut provoquer un dessèchement de la peau, une irritation, voire une dermatite. Des crèmes hydratantes peuvent aider à prévenir les lésions cutanées.
- La chlorhexidine est efficace pour la préparation des sites chirurgicaux ainsi que pour l’insertion de cathéters centraux et les soins bucco-dentaires, à des concentrations variables. Elle a un effet résiduel prolongé et est moins susceptible de causer une irritation cutanée. À utiliser avec précaution chez les patients présentant des allergies ou des sensibilités cutanées connues.
L’alcool et la chlorhexidine sont des antiseptiques couramment utilisés qui ciblent les agents pathogènes et réduisent le risque d’infection. Bien que ces deux substances ciblent et réduisent efficacement les micro-organismes, leurs mécanismes et leurs propriétés diffèrent. Les infirmières et infirmiers doivent être conscients de ces différences pour orienter leur pratique clinique, car les deux agents sont facilement disponibles dans la pratique. Les membres du personnel infirmier sont idéalement positionnés pour appliquer ces connaissances de manière appropriée afin d’améliorer les résultats pour les patients et de réduire la propagation des infections dans les établissements de soins de santé.
L’objectif de cet article est d’informer les praticiens sous forme de résumé facile à comprendre et de soutenir la prise de décision fondée sur des données probantes dans la pratique clinique afin de garantir la sécurité des soins prodigués aux patients. Cet article examine les deux antiseptiques, passe en revue les recherches existantes sur leurs profils et leur efficacité, et présente les faits essentiels concernant l’utilisation des deux produits dans les environnements cliniques. Il examine les indications d’utilisation, les concentrations optimales et certaines méthodes d’application qui, lorsqu’elles sont utilisées correctement, contribuent toutes à améliorer la sécurité.
Alcool
Sujet |
Points essentiels |
Vue d’ensemble |
• Les antiseptiques à base d’alcool contiennent principalement de l’isopropanol, de l’éthanol, du n propanol, ou une combinaison de ces substances comme ingrédient actif. • Ils sont couramment utilisés en raison de leur accessibilité, de leur rapidité d’action et de leur abordabilité.. • Des concentrations plus élevées que celles recommandées peuvent être moins puissantes, car l’eau est nécessaire pour dénaturer les protéines. • Les produits contenant de 60 à 95 % d’alcool sont acceptables. Les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) recommandent des formulations renfermant un volume de 80 % d’éthanol pour un volume de 75 % d’alcool isopropylique
(Gold, Mirza et Avva, 2022) |
Mécanisme d’action |
• Dénature et coagule les protéines, perturbant la membrane cellulaire des microbes et affectant leur viabilité.
(CDC, 2002, 2008) |
Désinfectants pour les mains à base d’alcool (DMBA) |
• Les désinfectants sont définis comme des préparations contenant de l’alcool pour la désinfection des mains, facilement disponibles et réduisant le risque de transmission d’agents pathogènes et d’infections associées aux soins de santé (IAS).
(Pires, Soule, Bellissimo-Rodrigues, Gayet-Ageron et Pittet, 2017) |
Efficacité contre les micro-organismes |
• Efficace contre une large gamme de bactéries à Gram positif et à Gram négatif, certains virus et champignons. • Efficace contre Staphylococcus aureus couramment rencontré et résistant à la méthicilline, le colibacille et les entérocoques résistants à la vancomycine.
(CDC, 2002) |
Efficacité contre les virus |
• L’éthanol et le propanol sont des agents efficaces contre certains virus, y compris le coronavirus.
(Kampf, Todt, Pfaender, et Steinmann, 2020) |
Utilisation recommandée dans les contextes de soins de santé |
• Les DMBA ne remplacent pas le lavage des mains, mais offrent une option efficace pour une hygiène des mains pratiques. • Facile à utiliser, disponible et d’une efficacité éprouvée. Utilisé pour l’hygiène des mains et la préparation de la peau avant les injections, les cathétérismes et les interventions chirurgicales.
(CDC, 2016; Organisation mondiale de la Santé, 2009) |
Concentration recommandée pour la désinfection des mains |
• Les CDC recommandent, au minimum, une solution à 60 % d’alcool lorsque le lavage traditionnel des mains n’est pas possible.
(CDC, 2023) |
Quantité de DMBA à appliquer |
• 3 ml de DMBA sont généralement recommandés; toutefois, la quantité requise pour une hygiène des mains efficace est corrélée à la taille des mains, les mains plus grandes nécessitant plus de désinfectant.
(CDC, 2002; Voniatis, Bánsághi, Ferencz, et Haidegger, 2021) |
Limites de l’alcool en tant qu’antiseptique |
• L’utilisation répétée peut provoquer un dessèchement, une irritation et une dermatite de la peau. • L’alcool n’est pas recommandé pour la stérilisation des instruments médicaux ou chirurgicaux, car il ne présente pas d’activité sporicide.
(CDC, 2002, 2008) |
Promouvoir l’observance et prévenir les lésions cutanées |
• Temps de contact minimum de 15 secondes • Laisser la solution sécher complètement • Les crèmes hydratantes peuvent prévenir les lésions cutanées et les irritations et favoriser l’observance de l’hygiène des mains.
(Harnoss et coll., 2020; Pires et coll., 2017) |
Chlorhexidine
Sujet |
Points essentiels |
Chlorhexidine |
• Antiseptique et désinfectant à large spectre avec un effet résiduel prolongé. • Perturbe la membrane cellulaire des micro-organismes. • Efficace contre les différentes bactéries, champignons et virus.
(Buxser, 2021; Rutter et Macinga, 2013) |
Tolérance cutanée |
• Peut être utilisée en toute sécurité sur une peau intacte. • Une dermatite de contact peut survenir. • Réactions allergiques locales et anaphylaxie rares. Prudence chez les patients ayant des antécédents d’allergies ou des sensibilités cutanées documentées.
(CDC, 2002; Mimoz et coll., 2015) |
Insertion du cathéter central |
• L’utilisation de la chlorhexidine à base d’alcool offre une meilleure protection et réduit le risque d’infections sanguines à court terme liées au cathéter. • Les CDC recommandent l’utilisation d’un antiseptique à base de chlorhexidine pour la préparation de la peau avant l’insertion.
(CDC, 2011; Huang et coll., 2013; Mimoz et coll., 2015) |
Soins bucco-dentaires chez les patients gravement malades |
• Réduit l’incidence de la pneumonie associée à la ventilation. • Les CDC recommandent un rince-bouche à la chlorhexidine à 0,12 % pour les soins bucco-dentaires chez les patients sous ventilation mécanique. Les soins bucco-dentaires à la chlorhexidine peuvent réduire la colonisation microbienne dans cette population.
(Kes et coll., 2021; Labeau, Van de Vyver, Brusselaers, Vogelaers et Blot, 2011) |
Discussion
La chlorhexedine et l’alcool sont couramment utilisés dans les contextes de soins de santé, individuellement ou en combinaison, pour réduire efficacement le risque d’infection et de transmission des agents pathogènes. Le choix et l’utilisation appropriés dépendent de multiples facteurs. Le tableau suivant compare les deux antiseptiques.
Alcool |
Chlorhexidine |
Mécanisme d’action |
Dénature les protéines de la membrane cellulaire des micro-organismes.
(CDC, 2002) |
Perturbe les membranes cellulaires microbiennes.
(Buxser, 2021) |
Efficacité |
Certaines formulations peuvent être moins puissantes à des concentrations plus élevées. Efficace contre une large gamme de bactéries à Gram positif et à Gram négatif, certains virus et champignons.
(CDC, 2002; Gold et coll., 2022) |
Offre une activité antimicrobienne à large spectre. Efficace contre différentes bactéries, certains champignons et virus.
(Buxser, 2021; Rutter et Macinga, 2013) |
Effet résiduel |
Effet résiduel faible à nul.
(CDC, 2002) |
Effet résiduel prolongé.
(Buxser, 2021) |
Les fournisseurs de soins de santé doivent s’assurer qu’ils choisissent l’antiseptique et la concentration appropriés à l’usage prévu et respecter le temps de contact recommandé pour chaque produit, conformément aux lignes directrices en vigueur.
En ce qui concerne la désinfection avec des solutions à base d’alcool, les CDC (2002) recommandent un temps de contact de 30 secondes ou plus pour que la solution soit efficace contre un large éventail de micro-organismes. Pires et coll. (2017) ont mené une étude expérimentale afin de découvrir les effets de la durée de la friction des mains sur la réduction de la charge bactérienne chez les travailleurs de la santé. Les durées étudiées variaient entre 10 à 60 secondes, et la réduction de la charge bactérienne pour chaque durée a été évaluée. Les chercheurs ont constaté que la friction des mains pendant 15 secondes n’était pas considérablement différente ou inférieure à celle de 30 secondes pour ce qui est de la réduction du nombre de bactéries. Les durées plus longues n’ont pas apporté d’avantages supplémentaires quant à la réduction de la charge bactérienne. Des résultats semblables ont été établis par Harnoss et coll. (2020). Ces données laissent entendre que 15 secondes de friction des mains avec des DMBA peuvent suffire à garantir une hygiène des mains efficace.
Conclusion
L’alcool et la chlorhexidine sont facilement accessibles dans la plupart des environnements de soins de santé. Bien qu’ils contribuent tous deux à la lutte contre les infections, ils diffèrent par leurs utilisations prévues, leurs mécanismes d’action, leur spectre d’activité, leur effet résiduel et leurs effets indésirables potentiels. L’utilisation et la concentration appropriés de chacun dépendent de la situation clinique et de l’état de la patientèle.
En examinant l’information contenue dans cet article, les infirmières et infirmiers peuvent améliorer leurs connaissances de chaque produit et améliorer les résultats en matière de soins de santé, y compris la sécurité des patients, tout en atténuant le risque d’infection.
Déclarations
L’auteur affirme n’avoir aucun conflit d’intérêts à divulguer et qu’il n’a obtenu aucun financement pour soutenir cet article.
Références
Buxser, S. « Has resistance to chlorhexidine increased among clinically-relevant bacteria? A systematic review of time course and subpopulation data », PLOS One, 16(8), 2021, e0256336. doi:10.1371/journal.pone.0256336
Centers for Disease Control and Prevention [CDC]. « Guideline for hand hygiene in health-care settings », Morbidity and Mortality Weekly Report, 51(RR-16), 2002. Tiré de https://www.cdc.gov/mmwr/PDF/rr/rr5116.pdf
CDC. Chemical disinfectants: Guideline for disinfection and sterilization in healthcare facilities, 2008. Tiré de https://www.cdc.gov/infectioncontrol/guidelines/disinfection/disinfection-methods/chemical.html
CDC. Summary of recommendations: Guidelines for the prevention of intravascular catheter-related infections, 2011. Tiré de https://www.cdc.gov/infectioncontrol/guidelines/bsi/recommendations.html
CDC. Guide to infection prevention for outpatient settings: Minimum expectations for safe care, Septembre 2016. Tiré de https://www.cdc.gov/infectioncontrol/pdf/outpatient/guide.pdf
CDC. Show me the science – When & how to use hand sanitizer in community settings, 4 mai 2023. Tiré dehttps://www.cdc.gov/handwashing/show-me-the-science-hand-sanitizer.html#:~:text=CDC%20recommends%20washing%20hands%20with,and%20spreading%20germs%20to%20others
Gold, N. A., Mirza, T. M. et Avva, U. Alcohol sanitizer, Treasure Island, FL: StatPearls Publishing, 2022.
Harnoss, J. C., Dancer, S. J., Kaden, C. F., Baguhl, R., Kohlmann, T., Papke, R., … Kramer, A. « Hand antisepsis without decreasing efficacy by shortening the rub-in time of alcohol-based handrubs to 15 seconds », Journal of Hospital Infection, 104(4), 2020, P419–P424. doi:10.1016/j.jhin.2019.09.004
Huang, S. S., Septimus, E., Kleinman, K., Moody, J., Hickok, J., Avery, T. R., ... et Platt, R. « Targeted versus universal decolonization to prevent ICU infection », New England Journal of Medicine, 368(24), 2013, p. 2255–2265. doi:10.1056/NEJMoa1207290
Kampf, G., Todt, D., Pfaender, S. et Steinmann, E. « Persistence of coronaviruses on inanimate surfaces and their inactivation with biocidal agents », Journal of Hospital Infection, 104(3), 2020, P246–P251. doi:10.1016/j.jhin.2020.01.022
Kes, D., Yildirim, T. A., Kuru, C., Pazarlioglu, F., Ciftci, T. et Ozdemir, M. « Effect of 0.12% chlorhexidine use for oral care on ventilator-associated respiratory infections: A randomized controlled trial », Journal of Trauma Nursing, 28(4), 2021, p. 228–234. Tiré de https://nursing.ceconnection.com/ovidfiles/00043860-202107000-00005.pdf
Labeau, S. O., Van de Vyver, K., Brusselaers, N., Vogelaers, D. et Blot, S. I. « Prevention of ventilator-associated pneumonia with oral antiseptics: A systematic review and meta-analysis », The Lancet Infectious Diseases, 11(11), 2011, P845–P854. doi:10.1016/S1473-3099(11)70127-X
Mimoz, O., Lucet, J.-C., Kerforne, T., Pascal, J., Souweine, B., Goudet, V., ... et CLEAN Trial Investigators. « Skin antisepsis with chlorhexidine-alcohol versus povidone iodine-alcohol, with and without skin scrubbing, for prevention of intravascular-catheter-related infection (CLEAN): An open-label, multicentre, randomised, controlled two-by-two factorial trial », The Lancet, 383(10008), 2015, P2069–P2077. doi:10.1016/S0140-6736(15)00244-5
Pires, D., Soule, H., Bellissimo-Rodrigues, F., Gayet-Ageron, A. et Pittet, D. « Hand hygiene with alcohol-based hand rub: How long is long enough? », Infection Control and Hospital Epidemiology, 38(5), 2017, p. 547–552. doi:10.1017/ice.2017.25
Rutter, J. et Macinga, D. R. « Investigation of the residual activity of chlorhexidine gluconate using a novel method to simulate real-world conditions », American Journal of Infection Control, 41(6), 2013, S39. doi:10.1016/j.ajic.2013.03.082
Voniatis, C., Bánsághi, S., Ferencz, A. et Haidegger, T. « A large-scale investigation of alcohol-based handrub (ABHR) volume: Hand coverage correlations utilizing an innovative quantitative evaluation system », Antimicrobial Resistance & Infection Control, 10(49), 2021, p. 49. doi:10.1186/s13756-021-00917-8
Organisation mondiale de la Santé (OMS). Résumé des recommandations de l’OMS pour l’hygiène des mains au cours des soins, 2009. Tiré de https://iris.who.int/bitstream/handle/10665/70469/WHO_IER_PSP_2009.07_fre.pdf?sequence=1
Ali Bayrouti, inf. aut., B. Nurs., est infirmier autorisé pratiquant en milieu rural et éloigné en Alberta, au Canada. Il travaille actuellement comme infirmier responsable des urgences et des soins médicaux et chirurgicaux actifs.
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