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Comment répondre aux questions des étudiants en soins infirmiers sur la réduction des méfaits dans le contexte de la crise des opioïdes

  
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Quoi répondre à « Pourquoi les gens n’arrêtent-ils tout simplement pas de consommer des drogues? »

Par Trish Hanson
11 juillet 2024
istockphoto.com/FatCamera
Les chargés de cours ont intérêt à se rappeler que la crise des opioïdes et les intoxications par les drogues sont un sujet faisant l’objet de controverse, sur lequel les étudiants en soins infirmiers peuvent avoir des opinions bien arrêtées qui ne sont pas nécessairement fondées sur des données.

Cet article fait partie de la série La réduction des méfaits sauve des vies d’infirmière canadienne.


En raison de l’augmentation du recrutement dans les programmes de soins infirmiers au Canada, de plus en plus de membres du personnel infirmier en exercice ou à la retraite se voient recruter comme chargés de cours à temps partiel dans les programmes de soins infirmiers de premier cycle.

Gracieuseté de Trish Hanson
« Les infirmières et infirmiers peuvent avoir une grande influence sur la réduction de la stigmatisation préjudiciable dans tous les contextes de soins par leurs paroles et leurs gestes », déclare Trish Hanson.

Les nouveaux chargés de cours à temps partiel sont souvent affectés à des cours théoriques portant sur l’histoire de la pratique infirmière, les enjeux éthiques et juridiques, la pratique concertée interprofessionnelle et intraprofessionnelle, les soins axés sur les patients, la compétence culturelle et la pensée critique. Ces sujets fondamentaux offrent au personnel infirmier enseignant l’occasion d’initier les étudiants aux pratiques de réduction des méfaits de façon à susciter l’intérêt des nouveaux diplômés et à leur permettre d’approfondir leurs connaissances dans ce domaine.

Dans l’enseignement des principes bioéthiques fondamentaux des soins infirmiers, les thèmes de la justice et de la bienveillance sont mis en valeur. Ils peuvent inciter à explorer la stigmatisation et ses effets sur l’équité pour les personnes concernées par les pratiques de réduction des méfaits, par exemple celles qui accèdent à des sites de consommation supervisée.

Les infirmières et infirmiers peuvent avoir une grande influence sur la réduction de la stigmatisation préjudiciable dans tous les contextes de soins par leurs paroles et leurs gestes. Les chargés de cours ont intérêt à se rappeler que la crise des opioïdes et les intoxications par les drogues sont un sujet faisant l’objet de controverse, sur lequel les étudiants en soins infirmiers peuvent avoir des opinions bien arrêtées qui ne sont pas nécessairement fondées sur des données. L’initiation à la pensée critique des étudiants en soins infirmiers devrait mettre l’accès sur l’effet potentiel des préjugés sur l’équité dans la prestation des soins de santé, et en particulier sur la façon de surveiller nos propres préjugés par la pratique régulière de la réflexion.

La prise de contact avec les étudiants lors de la préparation de leurs premières réflexions écrites peut engendrer des conditions idéales pour l’apprentissage par la discussion. Parmi les questions que les étudiants peuvent se poser, citons les suivantes.

Pourquoi les gens n’arrêtent-ils tout simplement pas de consommer des drogues?

Lorsque nous étions étudiants en soins infirmiers dans les années 1980, on nous a dit, à mes pairs et à moi, que le fait de consigner en dossier un « comportement de recherche d’attention » chez les patients entraînerait une forte désapprobation en raison du jugement implicite qui en découlerait. Une fois que l’on a compris la nécessité de se maîtriser par la réflexion, l’enseignement de l’erreur fondamentale d’attribution, qui consiste à supposer qu’une autre personne a des motivations que l’on ne s’attribuerait jamais à soi-même, peut être un moyen efficace d’aider les étudiants en soins infirmiers avec l’autogestion et la pratique interprofessionnelle lorsqu’ils s’occupent de personnes souffrant de toxicomanie ou d’autres troubles que les fournisseurs de soins de santé peuvent mal comprendre.

Dans un exemple classique d’erreur d’attribution fondamentale, nous nous emportons contre l’automobiliste qui nous a coupé la route « volontairement », mais lorsque nous commettons une infraction au code de la route, nous le faisons rarement dans l’intention d’irriter les autres automobilistes. Dans le même ordre d’idées, nous pouvons attribuer aux autres des raisons de consommer des substances que nous ne nous attribuerions jamais à nous-mêmes.

Pour établir une relation thérapeutique constructive, les soins infirmiers exigent que nous cherchions à comprendre les autres au-delà des contraintes de nos propres expériences. À partir de là, les compétences en matière de soins infirmiers prioritaires, de réflexion critique et de prise de décision clinique aident les infirmières et infirmiers à créer un plan de soins qui réduit les méfaits associés à la dépendance. Mais si l’erreur fondamentale d’attribution nuit à la compréhension de nos patients, les soins que nous leur offrons seront mal orientés et pourront même leur être préjudiciables.

Lorsque nous enseignons les soins axés sur les patients, nous pouvons inculquer le principe selon lequel la meilleure façon de comprendre un comportement est souvent de simplement interroger la patiente ou le patient à ce sujet. Les hypothèses sont presque certainement insuffisantes en raison de nos propres préjugés internes. On ne peut pas supposer que la patiente ou le patient continue de consommer des substances potentiellement toxiques parce qu’elle ou il désire mourir ou a cessé d’accorder de l’importance à sa vie. Cette approche peut entraîner des discussions sur le fait que l’accès à un service de consommation supervisée est aussi un comportement qui a de l’importance, dans le sens de : Je ne veux pas que ça me fasse mourir aujourd’hui.

Bref, nous ne savons pas pourquoi les gens posent certains gestes, y compris la persistance de consommer des substances et de se soumettre à d’autres types de risques, en devinant ou en examinant la question sous l’angle de notre propre expérience. Les infirmières et infirmiers peuvent poser cette question à leurs patients et clients de façon respectueuse, entre autres : « Comment vous sentez-vous par rapport à l’évolution de votre situation dernièrement? », qui peut ouvrir la porte à la divulgation. Quelle que soit la réponse, vous entamez une conversation fondée sur l’expérience de votre patiente ou patient et non sur l’évaluation que vous en faites, ce qui est la première étape pour comprendre les comportements des patients.

Pourquoi distribuer gratuitement des seringues et du matériel de consommation de drogues? Ces pratiques n’encouragent-elles pas la consommation de drogues?

Cette question présente une occasion d’expliquer comment les pratiques de prévention en amont, comme la mise à disposition de matériel neuf, ciblent et atténuent la propagation des infections transmises par le sang en amenuisant les activités connues pour présenter un risque considérable, comme le partage ou la réutilisation du matériel d’injection. Le fait d’offrir du matériel neuf permet également d’instaurer un climat de confiance avec les personnes qui consomment des drogues et de créer un point de contact avec le système de soins de santé.

En fin de compte, le fait d’avoir du matériel neuf et hygiénique ne change rien au fait que la personne qui le reçoit vit avec une dépendance, et que les infirmières et infirmiers agissent pour réduire les méfaits associés à cette dépendance en prenant des mesures dans le cadre de leur champ d’exercices. Ces mesures peuvent déboucher sur une relation thérapeutique, qui peut aider les gens à envisager d’autres options.

Empêcher les gens de mourir ne revient-il pas à les encourager à poursuivre leur consommation?

Dans les cas d’intoxications répétées, nous pouvons enseigner que la priorité de l’action infirmière est de maintenir la patiente ou le patient en vie jusqu’au moment de trouver une méthode de rétablissement adaptée à ses besoins. Trouver cette méthode peut prendre du temps, et les infirmières et infirmiers qui ont établi une relation de confiance avec leurs patients peuvent être un point de contact avec d’autres professionnels de la santé.

Ces principes de réduction des méfaits sont applicables à d’autres pathologies qui ont tendance à évoluer par poussées et rémissions avec un risque de mortalité au fil du temps, comme les troubles de l’alimentation, l’obésité ou le diabète. Il peut être utile de réfléchir à la raison pour laquelle nous remettrions en question cette démarche plus intensément dans le contexte de la consommation d’opioïdes que dans celui de l’hyperglycémie.

Qu’en est-il des programmes cliniques qui distribuent des opioïdes aux patients? Ne s’agit-il pas de favoriser la dépendance?

Les étudiants peuvent apprendre par des articles de presse et dans leurs cours de pharmacologie que les soins pharmaceutiques peuvent aider les patients à se remettre d’une dépendance aux opioïdes, et s’interrogent souvent sur les aspects cliniques et éthiques de ces pratiques.

Pour mieux comprendre ce sujet très complexe, les étudiants peuvent visionner Kímmapiiyipitssini: The Meaning of Empathy, un documentaire de TVO sur YouTube (en anglais seulement). Ensuite, une discussion sur les années de contribution de la Dre Esther Tailfeathers dans ce domaine, dont beaucoup de ces contributions font actuellement la une de l’actualité, fournit l’examen à multiples facettes indiqué dans les exercices de pensée critique.

Les clients souffrant de dépendances ont souvent besoin de soins de santé, et il existe un risque de préjudice si les infirmières et infirmiers ne sont pas formés à la réduction des méfaits. Pour s’assurer que les membres du personnel infirmier sont toujours les représentants de soins empreints de compassion optimaux, la formation infirmière de premier cycle peut et doit intégrer des principes explicites de réduction des méfaits afin de favoriser des interactions entre le personnel infirmier et les patients de la plus haute qualité possible dans tous les contextes rencontrés.


Trish Hanson, inf. aux. aut., M. Sc. S., est consultante en initiatives provinciales qui vient de prendre sa retraite et qui travaillait au sein du portefeuille provincial de toxicomanie et de la santé mentale auprès des services de santé de l’Alberta.

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