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Cinq points à envisager dans le travail avec des patients qui ont besoin d’un approvisionnement plus sûr dans le service des urgences

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2024/07/22/patients-who-need-prescribed-safer-supply

Parce que les gens ne devraient pas avoir à choisir entre leurs médicaments et les soins d’urgence

Par Patty Wilson
22 juillet, 2024
istockphoto.com/FatCamera
Dans le service des urgences, les personnes à qui l’on prescrit un approvisionnement plus sûr doivent continuer à avoir accès à leurs médicaments.

Cet article fait partie de la série La réduction des méfaits sauve des vies d’infirmière canadienne.


Au cours des dernières années, la prescription d’un approvisionnement plus sûr est apparue comme une réponse à la crise des drogues toxiques non réglementées (Ledlie et coll., 2024). La prescription d’un approvisionnement plus sûr offre aux personnes qui consomment des drogues non réglementées la possibilité d’obtenir des solutions de rechange sur ordonnance, garantissant ainsi une option réglementée et plus sûre. Par exemple, une cliente ou un client pourrait passer de l’utilisation de fentanyl non réglementé acheté dans la rue à des timbres de fentanyl prescrits.

Gracieuseté de Patty Wilson
« Les personnes qui reçoivent une prescription pour un approvisionnement plus sûr se rendent moins souvent au service des urgences et ont de meilleurs résultats en matière de santé », explique Patty Wilson.

Les personnes qui reçoivent une prescription pour un approvisionnement plus sûr se rendent moins souvent au service des urgences et ont de meilleurs résultats en matière de santé. Cependant, certaines personnes se voient interrompre leurs prescriptions si elles sont admises à l’hôpital (Kolla et Fajber, 2023). Il est possible que des infirmières et infirmiers cliniques ne comprennent pas pourquoi une personne s’est vue prescrire un approvisionnement plus sûr ou comment gérer ce médicament.

Cet article donne une vue d’ensemble de la prescription d’un approvisionnement plus sûr et des évaluations et interventions infirmières pertinentes pour les personnes se présentant à l’hôpital avec un plan de soins comprenant la prescription d’un approvisionnement plus sûr.

Qu’est-ce que la prescription d’un approvisionnement plus sûr?

La prescription d’un approvisionnement plus sûr est un modèle fondé sur la personne prescriptrice qui remplace les opioïdes non prescrits, tels que le fentanyl et les analogues du fentanyl non réglementés, par des opioïdes prescrits tels que l’hydromorphone en comprimé, l’oxycodone, les timbres de fentanyl, le fentanyl en comprimé et le fentanyl injectable qui peut être pris par voie sublinguale.

Les doses de médicaments sont ajustées en fonction de la tolérance de la personne aux opioïdes et sont généralement rehaussées jusqu’à ce que la cliente ou le client ne ressente plus de symptômes de sevrage ou déclare que sa dépendance au fentanyl non réglementé a diminué ou cessé (Karamouzian et coll., 2023; McMurchy et Palmer, 2022). La prescription d’un approvisionnement plus sûr peut également s’appliquer à d’autres drogues, telles que les stimulants, les benzodiazépines, le cannabis et l’alcool.

Pourquoi prescrire un approvisionnement plus sûr aux patients?

La prescription d’un approvisionnement plus sûr a pour but principal de réduire les risques de décès lié à l’approvisionnement non réglementé de drogues toxiques. Les drogues non réglementées et produites de façon illicite, comme le fentanyl, présentent des risques parce que les clients ne peuvent pas mesurer leur dosage et qu’une autre substance peut avoir été mélangée aux drogues à leur insu.

Les premières recherches ont montré que les personnes à qui l’on prescrit des drogues plus sûres font moins de surdoses et que les frais liés à la santé sont moindres (Kolla et Fajber, 2023; Ledlie et coll., 2024). Les personnes qui prennent ces médicaments ont déclaré qu’elles avaient plus de contrôle sur leur consommation de drogues et les professionnels de la santé assignés à ces programmes ont constaté une amélioration de l’état de santé de leur clientèle (Ledlie et coll., 2024). Ces traitements présentent des bienfaits à la fois pour la clientèle et pour le système de santé.

La prescription d’un approvisionnement plus sûr diffère dans tout le pays, et les infirmières et infirmiers devraient se familiariser avec les programmes de leur région. La communauté de pratique nationale sur l’approvisionnement plus sécuritaire, une ressource de formation continue, propose des webinaires, des évaluations de programmes, des notes d’information et des ressources pour les professionnels de la santé.

Pourquoi les services d’urgence posent-ils un problème d’accès à un approvisionnement plus sûr?

L’approvisionnement plus sûr en médicaments prescrits est distribué quotidiennement dans les pharmacies ou les centres de santé (Ledlie et coll., 2024). Ce qui veut dire qu’une visite au service des urgences, même si la personne n’y est pas admise, peut l’amener à manquer les heures d’ouverture de la pharmacie ou du centre de santé et, par conséquent, à ne pas recevoir sa dose de médicaments. Les patients ne devraient pas avoir à choisir entre l’approvisionnement plus sûr en médicaments prescrits et les soins médicaux qu’ils reçoivent à l’urgence.

Les infirmières et infirmiers peuvent plaider pour que les patients reçoivent l’approvisionnement plus sûr qui leur a été prescrit à l’urgence, y compris un traitement par agonistes opioïdes, le cas échéant. Cette approche contribuera à atténuer le sevrage des opioïdes, qui peut mettre la vie en danger.

Il est important de traiter le sevrage des opioïdes, car cette étape permet d’écarter d’autres pathologies. Par exemple, le sevrage des opioïdes et une infection grave présentent des signes et des symptômes semblables, notamment une augmentation de la fréquence respiratoire, des sueurs et une accélération du rythme cardiaque.

Si c’est le sevrage qui est en cause, ces symptômes disparaîtront lorsque les besoins de la personne en matière de sevrage d’opioïdes auront été satisfaits. En revanche, les symptômes ne disparaîtront pas si la personne souffre d’une infection grave. En outre, le personnel infirmier peut établir de meilleures relations avec la clientèle et procéder à de meilleures évaluations médicales lorsque les clients ne sont pas en manque d’opioïdes.

Les types de médicaments disponibles pour la prescription d’un approvisionnement plus sûr dépendent de la couverture provinciale en médicaments ou de l’assurance maladie privée de la personne (McMurchy et Palmer, 2022). Le dosage de chaque médicament dépendra de la limite posologique de chaque programme, de la tolérance de la personne aux opioïdes, de l’approvisionnement d’opioïdes non réglementés en circulation et du fait que la personne a manqué ou non une dose récemment, entraînant par le fait même une diminution de la dose. Idéalement, le service des urgences pourrait poursuivre la prescription de l’approvisionnement plus sûr de la clientèle.

Cinq points à envisager pour le travail avec des patients à qui l’on prescrit un approvisionnement plus sûr

1) Évaluer fréquemment la douleur et ajuster la dose en conséquence

La douleur est une raison courante pour laquelle les gens se présentent au service des urgences, mais elle est très difficile à prendre en charge dans ce contexte. Si la douleur n’est pas traitée efficacement, les patients auront tendance à quitter l’urgence de leur plein gré (contre l’avis du médecin). Le personnel infirmier doit évaluer la douleur et se rappeler que la prescription d’un approvisionnement plus sûr est un point de référence et ne traite pas la douleur.

La dose prescrite de base de l’approvisionnement plus sûr à une personne ne répondra pas à ses besoins en matière de douleur et elle aura besoin d’autres médicaments. Les personnes à qui l’on prescrit un approvisionnement plus sûr auront besoin de doses plus élevées d’opioïdes, administrées à intervalles plus fréquents.

Les infirmières et infirmiers doivent défendre les intérêts des patients afin de s’assurer qu’ils reçoivent des prescriptions appropriées pour traiter la douleur. Si une personne à qui l’on prescrit un approvisionnement plus sûr souffre d’une affection douloureuse qui serait normalement traitée par des opioïdes à courte durée d’action, il faut envisager de lui prescrire aussi des opioïdes à courte durée d’action.

2) Remplir une évaluation au moyen de l’échelle du sevrage clinique des opioïdes (COWS) pour chaque patiente ou patient

L’évaluation au moyen de l’échelle COWS est essentielle pour permettre au personnel infirmier de déterminer si la personne est en sevrage d’opioïdes, tout en discutant avec la patiente ou le patient. Dans le cas du sevrage des opioïdes, les opioïdes sont l’option la plus sûre pour traiter cet état.

D’autres médicaments destinés à prendre en charge les signes et symptômes du sevrage des opioïdes, tels que le lopéramide ou l’acétaminophène, ne doivent pas être utilisés à la place des opioïdes à courte durée d’action. Les opioïdes à courte durée d’action, tels que ceux prescrits (autres que les timbres de fentanyl), procurent le soulagement le plus rapide et peuvent devoir être administrés toutes les heures.

Pour déterminer si une dose d’opioïdes à courte durée d’action convient à une personne habituée aux opioïdes, le personnel infirmier doit tenir compte des opioïdes sur ordonnance que la personne prend habituellement, de la quantité d’opioïdes en vente libre qu’elle consomme (comme le fentanyl non réglementé), de l’intensité de ses symptômes de sevrage (au moyen de l’échelle COWS), et de l’atténuation de ces symptômes après la prise d’une dose d’opioïdes à courte durée d’action.

3) Plaider en faveur d’opioïdes à courte durée d’action, au besoin

Le fait qu’une personne est en sevrage d’opioïdes durant une longue période indique qu’elle ne maintient pas sa tolérance aux opioïdes pendant qu’elle reçoit des soins, ce qui augmente le risque de surdose après sa sortie de l’hôpital. Les infirmières et infirmiers peuvent plaider pour que toutes les ordonnances d’opioïdes à courte durée d’action soient disponibles si nécessaire pour la sécurité des patients, y compris pour le sevrage des opioïdes, la douleur et le maintien de la tolérance aux opioïdes (Magboo, 2023).

Les opioïdes à courte durée d’action doivent être programmés et administrés régulièrement. Ces ordonnances peuvent être rédigées de façon à ne pas être administrées si la fréquence respiratoire est inférieure à 10, ce qui permet une certaine flexibilité dans la prise en charge des symptômes des patients.

4) Surveiller le sevrage des benzodiazépines chez les patients

Au Canada, l’approvisionnement non réglementé en drogues toxiques est de plus en plus contaminé par d’autres agents sédatifs, tels que les benzodiazépines. Une personne qui consomme des drogues peut ignorer qu’elle a pris des benzodiazépines parce que ces dernières sont mélangées à ses drogues à son insu.

Si la personne à qui l’on a prescrit un approvisionnement plus sûr déclare également avoir consommé du fentanyl non réglementé pendant 2 à 4 semaines au moins, les infirmières et infirmiers doivent inclure le sevrage des benzodiazépines dans leur évaluation. Le sevrage des benzodiazépines peut ressembler au sevrage des opioïdes, alors que certains signes et symptômes (comme les fourmillements, la confusion, les hallucinations, la paranoïa et les convulsions) ne se produisent que dans le cadre du sevrage des benzodiazépines (Wilson et Day, 2024).

5) Surveiller les signes de sédation et le besoin potentiel de naloxone chez les patients

Il arrive que des personnes à qui l’on prescrit un approvisionnement plus sûr arrivent au service des urgences somnolentes et difficiles à réveiller. Il est aussi possible que des personnes consomment des drogues non réglementées, comme le fentanyl, à l’urgence parce qu’elles souffrent ou sont en sevrage d’opioïdes.

On doit examiner une personne somnolente qui consomme du fentanyl non réglementé pour déterminer si elle est en surdose. De nombreuses raisons expliquent pourquoi une personne peut avoir du mal à se réveiller. L’infirmière ou l’infirmier doit procéder à une évaluation rapide pour déterminer s’il est nécessaire d’administrer de la naloxone ou si la sédation peut être causée par autre chose.

Si la personne présente une fréquence de 10 respirations ou plus par minute, avec des respirations régulières, les opioïdes ne sont probablement pas la cause de sa sédation. Si elle présente moins de 10 respirations par minute, ou si son effort respiratoire est anormal (p. ex. le ronflement), les opioïdes peuvent être en cause et l’infirmière ou l’infirmier doit essayer de réveiller la personne en l’appelant par son nom ou en lui serrant le bras.

Le personnel infirmier doit aussi vérifier la saturation en oxygène. Le meilleur moyen d’éviter le recours au fentanyl non réglementé est de traiter la douleur de la personne et de prendre en charge son sevrage lorsqu’elle se présente à l’urgence.

Les personnes en sevrage de stimulants, comme la cocaïne, la méthamphétamine en cristaux ou le crack, peuvent aussi être somnolentes. Comme le sevrage des stimulants n’abaisse pas la fréquence respiratoire, l’infirmière ou l’infirmier pourra toujours administrer des opioïdes à courte durée d’action.

Étude de cas

Marie est une femme de 30 ans qui se présente à l’urgence sur les conseils de son infirmière praticienne. Elle souffre d’une cellulite de la jambe inférieure droite qui ne s’est pas atténuée après quatre jours de prise d’antibiotiques oraux. Elle se plaint de douleurs générales, de frissons et d’une exacerbation de la douleur dans la jambe droite.

Marie prend 150 mg de méthadone quotidiennement à la maison et 20 comprimés d’hydromorphone de 8 mg, par jour. Elle consomme du fentanyl non réglementé pour contrôler sa douleur à la jambe, mais ne l’utilise pas habituellement. Son rythme cardiaque est de 120 battements par minute, sa fréquence respiratoire est de 20 respirations par minute et sa température est de 38,9 °Celsius.

L’infirmière procède à une évaluation de la douleur et à une évaluation au moyen de l’échelle COWS. La douleur de Marie est de 9 sur 10 et son évaluation COWS de 13 (sevrage modéré). Marie reçoit sa dose habituelle de 150 mg de méthadone. À la maison, elle prend habituellement de deux à trois comprimés d’hydromorphone (16 mg à 24 mg) à la fois. À l’urgence, on lui prescrit de l’hydromorphone à courte durée d’action à raison de 16 à 24 mg par voie orale toutes les 1 à 2 heures, au besoin pour la douleur, le sevrage et le maintien de la tolérance aux opioïdes, mais de ne pas le prendre si la fréquence respiratoire est inférieure à 10. L’infirmière donne à Marie sa dose de méthadone et sa première dose d’hydromorphone (24 mg) en même temps. L’infirmière donne aussi à Marie 600 mg d’ibuprofène pour la douleur.

Deux heures plus tard, Marie se plaint toujours d’une douleur de 8 sur 10, et présente toujours une évaluation sur l’échelle de COWS de 13. Marie est réveillée et parle au téléphone avec son amie pour lui demander d’aller s’occuper de son chat chez elle. L’infirmière lui administre encore 24 mg d’hydromorphone et revient 90 minutes plus tard pour trouver Marie endormie. Sa fréquence respiratoire est régulière (12 respirations par minute). L’infirmière revient 30 minutes plus tard pour lui administrer plus d’hydromorphone.

Le cas de Marie met en évidence la nécessité de comprendre les symptômes d’une patiente ou d’un patient, son régime médicamenteux et sa consommation non réglementée d’opioïdes. Malgré la méthadone qui lui a été prescrite et la dose initiale d’hydromorphone, Marie ressent toujours de la douleur et des symptômes de sevrage. Compte tenu de sa fréquence respiratoire et de la persistance de ses symptômes, l’administration d’une dose supplémentaire d’hydromorphone est l’option la plus sûre.

Ce cas illustre la prise en charge efficace du sevrage des opioïdes, qui empêche les patients de partir contre l’avis du médecin et qui assure des soins appropriés pour les affections sous-jacentes, telles que les infections graves.

Conclusion

Dans le service des urgences, les personnes à qui l’on prescrit un approvisionnement plus sûr doivent continuer à avoir accès à leurs médicaments. Les infirmières et infirmiers des services d’urgence peuvent plaider en faveur du maintien de l’accès aux médicaments vitaux. Les politiques particulières concernant ces médicaments seront différentes partout au pays, mais les évaluations et les principes de soins sont axés sur la prise en charge de la douleur, le sevrage des opioïdes et la sédation. L’évaluation et le plaidoyer des infirmières et infirmiers des services d’urgence réduiront les obstacles aux soins de santé dans l’intérêt d’une personne recevant une prescription pour un approvisionnement plus sûr.

Références

Karamouzian, M., Rafat, B., Kolla, G., Urbanoski, K., Atkinson, K.,  … et Werb, D. « Challenges of implementing safer supply programs in Canada during the COVID-19 pandemic: A qualitative analysis », International Journal of Drug Policy, 120, 2023, 104157. https://doi.org/10.1016/j.drugpo.2023.104157

Kolla, G. et Fajber, K. Safer Opioid Supply Program Evaluation: A comparison of SOS client outcomes from 2022 and 2023. London Intercommunity Health Centre, 2023.

Ledlie, S., Garg, R., Cheng, C., Kolla, G., Antoniou, T., … et Gomes, T. « Prescribed safer opioid supply: A scoping review of the evidence », International Journal of Drug Policy, 125, 2024, 104339. https://doi.org/10.1016/j.drugpo.2024.104339

Magboo, T. (2023). « A harm reduction nursing perspective on the care of people who inject drugs with endocarditis » [webinaire], Canadian IDU Endocarditis Working Group. https://www.youtube.com/watch?v=_v3lgVji7hM

McMurchy, D. et Palmer, R. Assessment of the Implementation of Safer Supply Pilot Projects (Ottawa, Ontario; p. 90). Dale McMurchy Consulting, 2022. https://www.nss-aps.ca/sites/default/files/resources/2022-03-safer_supply_preliminary_assessment_report_en_0.pdf

Wilson, P. et Day, T. « Benzodiazepine withdrawal in the context of benzodiazepine-contaminated opioids: Practice implications », The Journal for Nurse Practitioners, 20(1), 2024, p. 104858. https://doi.org/10.1016/j.nurpra.2023.104858


Patty Wilson est infirmière praticienne en médecine familiale à Calgary, en Alberta, et ancienne présidente de la Alberta Nurses Coalition for Harm Reduction.

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