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« J’ai reçu des coups de poing et des coups de pied et je me suis fait crier par la tête et cracher dessus »

  
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Pourquoi j’ai failli quitter la pratique de chevet, et comment la pénurie de personnel infirmier a joué en ma faveur

Par McKenzie Tosh
16 septembre 2024
istockphoto.com/gpointstudio
À l’école des sciences infirmières, on nous apprend à passer du temps avec nos patients et à apprendre à les connaître. Le manque de personnel infirmier et la mauvaise gestion rendent cet objectif impossible. Il n’est pas rare qu’une infirmière ou un infirmier ait plus de six patients par quart de travail de jour et 15 ou plus par quart de travail de nuit.

Dans le présent article, j’évoquerai les expériences personnelles qui m’ont amenée à envisager de quitter la pratique infirmière de chevet à plusieurs reprises au cours de ma carrière. J’aborderai le harcèlement physique et sexuel en milieu de travail, le manque de personnel qui conduit à des soins inadéquats et à l’épuisement professionnel, le fait d’être placée dans des situations dangereuses par la direction, et enfin, la façon dont j’ai surmonté ces problèmes et trouvé un endroit où j’aime travailler, et je formulerai mes recommandations pour d’autres infirmières dans la même situation que moi.

La première fois que j’ai été agressée dans ma vie d’adulte, c’était le premier jour de mon tout premier stage à l’école des sciences infirmières. J’avais 19 ans et je me présentais à une patiente dans une maison de soins de longue durée.

La patiente m’a demandé si j’aimais les hommes et j’ai répondu par l’affirmative. Elle a souri et a dit : « J’aime les femmes », puis m’a empoigné les fesses. J’ai reculé et je l’ai balayé du revers de la main, me disant que la patiente était simplement confuse. Malheureusement, ce n’était que le début d’une longue série d’agressions sexuelles et physiques que j’ai subies au cours de ma carrière.

En tant que jeune infirmière, je recevais souvent des commentaires tels que : « Quelle chance, j’ai une infirmière attrayante! »Je me souviens aussi très bien d’un patient qui pleurait et me demandait un câlin. Voulant l’aider, je l’ai pris dans mes bras et, en retour, il m’a tripoté les seins. Depuis ce jour, je n’ai plus jamais serré un patient ou une patiente adulte dans mes bras.

J’ai reçu des coups de poing et des coups de pied et je me suis fait crier par la tête et cracher dessus. Ces expériences ne sont pas uniques.Certains de mes collègues ont eu des os brisés, ont souffert de commotions cérébrales qui les ont obligés à s’absenter du travail pendant des mois et de stress post-traumatique après avoir été acculés et attaqués par les patients que nous essayons de soigner de notre mieux. Ce n’est pas ce à quoi je m’attendais lorsque j’ai fait mon choix de carrière.

L’école des sciences infirmières et la réalité

À l’école des sciences infirmières, on nous apprend à passer du temps avec nos patients et à apprendre à les connaître. Le manque de personnel infirmier et la mauvaise gestion rendent cet objectif impossible. Il n’est pas rare qu’une infirmière ou un infirmier ait plus de six patients par quart de travail de jour et 15 ou plus par quart de travail de nuit.

Le sentiment d’avoir la vie de tous ces patients entre ses mains et d’être incapable de fournir les soins que l’on souhaite parce que l’on n’est qu’une seule personne est horrible. Je m’en veux tous les jours d’avoir oublié d’apporter un verre d’eau à une patiente ou un patient. Ou parce que j’ai pris plus de temps que prévu pour emmener une patiente ou un patient aux toilettes, parce qu’avec tant de patients, il faut savoir établir les priorités. Malheureusement, la partie « soins » de la profession infirmière en prend un coup.

Nous voulons prendre soin de nos patients, mais nous sommes physiquement incapables d’être à plusieurs endroits à la fois. Les patients qui sont gentils et compréhensifs sont des rayons de soleil dans nos journées, et nous poussent à continuer à faire ce que nous faisons.

J’ai également l’impression d’avoir été malmenée par la direction. On m’a menacée d’abandonner un patient et de perdre ma licence d’infirmière parce que j’avais dit que je ne pouvais pas rester après mon quart de nuit pour travailler aussi le quart de jour, car l’infirmière qui devait me remplacer était malade. J’ai été nommée infirmière responsable dès mon premier jour d’orientation dans un service de chirurgie très affairé. Le nombre de patients auquel on m’a affecté me rendait anxieuse et j’ai pleuré dans la salle d’examen plus de fois que je ne peux le compter.

La pandémie n’a fait qu’empirer les choses

Je suis devenue infirmière en 2015. Presque tous les problèmes que j’ai mentionnés se sont produits avant la pandémie de COVID-19, et la pandémie n’a fait qu’aggraver les choses. De nombreux membres du personnel infirmier étaient déjà à bout de souffle il y a plusieurs années, et la pandémie n’a fait qu’exacerber le problème.

Toutefois, j’ai pu surmonter les difficultés professionnelles auxquelles j’étais confrontée en réalisant que la pénurie de main-d’œuvre infirmière avait également joué en ma faveur.

Pendant des années, après être devenue infirmière, j’ai travaillé dans la communauté dans le but de travailler à l’hôpital. Mais avec la pénurie au sein de la profession infirmière, j’ai pu accéder à des spécialités qui ne m’étaient pas accessibles auparavant. Je ne me suis plus sentie coincée dans un travail que je détestais ou qui me maltraitait.

Alors que je ne me sentais pas en sécurité d’être la seule infirmière autorisée dans un service de chirurgie affairé, dès mon premier jour après l’orientation, je n’ai pas hésité à remettre ma démission, même si ma directrice m’a appelée pour me dire que je ne trouverais jamais mieux parce que tous les établissements de soins de santé étaient en difficulté. En revanche, l’emploi que j’ai occupé ensuite m’a apporté un grand soutien et s’est révélé être un milieu de travail extraordinaire.

Durant la pandémie, les infirmières et infirmiers ont été transformés en martyrs. Mais il y a une différence entre la fierté d’assumer son travail et le sacrifice de son propre bien-être au profit des patients et du travail. J’encourage tous les membres du personnel infirmier qui ont vécu des expériences semblables à celles que j’ai décrites à trouver leur voix et à raconter leur histoire. Il existe des endroits qui vous valoriseront, vous et votre contribution aux soins des patients.

Conseil aux nouveaux membres du personnel infirmier : ne vous cantonnez pas à un poste, trouvez votre place

Je conseille aux nouveaux membres du personnel infirmier de ne jamais se sentir obligés de rester quelque part « juste pour l’expérience ». Cette façon de penser ne peut que vous conduire à l’épuisement professionnel et à un abandon prématuré de la pratique. J’ai envisagé de quitter complètement la profession infirmière et je suis allée jusqu’à faire demande pour retourner à l’université. Je suis heureuse et soulagée d’avoir enfin trouvé un endroit où j’ai ma place.

Les infirmières et infirmiers ont besoin d’aide, et cela a toujours été le cas. Nous ne pouvons pas continuer longtemps avant que notre voix s’éteigne et que nous quittions la profession avec un sentiment de défaite.

Je travaille en Ontario, où le personnel infirmier s’est senti vaincu pendant des années par la loi 124, qui plafonnait nos salaires à une augmentation annuelle de 1 %. Un arbitre a statué en faveur d’une augmentation salariale plus importante, mais le mal est déjà fait et il faudra des années pour que la profession s’en remette. Nous nous sentons aussi vaincus par la direction, qui ne peut pas ou ne veut pas nous soutenir, et par les personnes mêmes dont nous nous occupons, qui risquent d’user et d’abuser de nous.

Je fais partie de ceux et celles qui ont la chance d’avoir pu trouver un poste qui les soutient, dans un environnement spécialisé où le nombre maximum de patients dont je suis autorisée à m’occuper à la fois est de deux, et qui dispose d’un personnel suffisant pour prendre en charge le nombre de patients dont nous prenons soin.

Malheureusement, ce n’est pas la norme habituelle, et c’est la raison pour laquelle il y a une pénurie mondiale de personnel infirmier.


McKenzie Tosh, inf. aut., B. Sc. inf., est infirmière à l’hôpital pour enfants McMaster, à Hamilton, en Ontario.

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