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Quatre stratégies pour soutenir les personnes qui consomment des substances et qui se livrent au commerce du sexe

  
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Comment faire preuve de sensibilité envers les besoins de la clientèle et poser les bonnes questions

Par Morgan Peeters
17 juillet 2024
istockphoto.com/FatCamera
Il est important que les infirmières et infirmiers soient conscients de leurs propres préjugés, tant à l’égard de la sexualité que du commerce du sexe. Il faut reconnaître qu’il peut être malaisant d’entamer ces conversations et qu’il faut se pratiquer à le faire.

Cet article fait partie de la série La réduction des méfaits sauve des vies d’infirmière canadienne.


Les personnes qui se livrent au commerce du sexe et celles qui consomment des drogues sont exposées quotidiennement à de nombreux méfaits, notamment les maladies transmissibles par le sang, les surdoses, la violence, la discrimination, la stigmatisation, voire la mort. Nombre de ces méfaits sont exacerbés par un manque de logement stable ou sûr. Il n’est pas toujours évident de savoir si une cliente ou un client consomme de la drogue ou se livre au commerce du sexe. Les infirmières et infirmiers doivent donc aborder ces situations avec sensibilité et poser des questions pour évaluer la situation selon les besoins de la clientèle.

Poser des questions de façon directe, sans porter de jugement, est l’approche la plus bénéfique. Par exemple, demandez directement à une cliente ou un client si elle ou il consomme des drogues par voie intraveineuse plutôt que d’attendre que l’information soit dévoilée par la personne même. En recourant à cette stratégie, vous reconnaissez la stigmatisation entourant ce comportement et comprendrez pourquoi une cliente ou un client peut vouloir dissimuler cette information. Voici d’autres exemples de questions à poser :

  • Est-ce que la cliente ou le client se livre à des pratiques sexuelles en échange d’argent ou de drogues?
  • Où se procure-t-elle ou il son matériel pour ingérer des substances (emprunt d’aiguilles ou achat dans une pharmacie)?
  • Utilisation de condoms? Des pressions sont-elles exercées pour ne pas utiliser de condoms?
  • Victimes de violence ou inquiétudes quant à sa sécurité?

Vous trouverez ci-dessous quatre stratégies que les membres du personnel infirmier peuvent utiliser pour favoriser la réduction des méfaits dans la pratique quotidienne lorsqu’ils travaillent avec des clientes ou clients susceptibles de consommer des drogues ou de se livrer au commerce du sexe.

1) Prendre conscience de ses propres préjugés

Il est important que les infirmières et infirmiers soient conscients de leurs propres préjugés, tant à l’égard de la sexualité que du commerce du sexe. Il faut reconnaître qu’il peut être malaisant d’entamer ces conversations et qu’il faut se pratiquer à le faire. Tout comme il est difficile de prendre la parole en public, la première fois que l’on aborde la question de la sexualité avec une cliente ou un client peut s’avérer gênante ou remplie de tension. Mais une fois que vous aurez trouvé le rythme et le style de présentation qui vous conviennent, ce malaise s’évaporera. Les infirmières ou infirmiers peuvent poser des questions de façon directe.

Le personnel infirmier peut aussi éviter de faire des suppositions sur les soins que recherche la clientèle. Il ne faut pas partir du principe qu’une cliente ou un client veuille cesser de consommer des substances ou de se livrer au commerce du sexe. En ce qui concerne plus particulièrement la consommation de substances, les clients peuvent décider d’opter pour l’abstinence pendant une courte période afin de réduire leur tolérance, ou ils peuvent vouloir maintenir l’abstinence d’une substance en particulier tout en continuant à en consommer d’autres. Il est important de faire participer les clients à leurs propres soins, qui est un moyen de les responsabiliser tout en reconnaissant que les victimes de traumatismes ont souvent été privées de contrôle dans cette situation.

2) Créer un espace sûr où les clients peuvent parler

Les soins de santé peuvent aider les personnes qui consomment des drogues et se livrent au commerce du sexe en créant un espace sûr où elles se sentent à l’aise pour parler de leur consommation de drogues et de leurs antécédents sexuels. En créant un environnement ouvert et sans jugement, les infirmières et infirmiers peuvent aider à réduire le sentiment de honte ou de peur qu’une cliente ou un client peut éprouver avant de faire ces révélations.

Le commerce du sexe et la toxicomanie sont des sujets difficiles à aborder, tant pour la personne qui se confie que pour celle qui reçoit l’information. Le recours à une démarche tenant compte des traumatismes et le fait de porter un regard positif inconditionnel sont essentiels pour établir et maintenir des relations avec les membres de cette population. Les infirmières et infirmiers peuvent adopter une démarche tenant compte des traumatismes en prenant conscience de leur propre langage corporel et du ton de leur voix.

De nombreuses personnes appartenant à cette population ont appris à lire le langage corporel afin de préserver leur sécurité physique et psychologique. Adopter une posture détendue et parler d’une façon calme et posée peut contribuer à mettre les clients à l’aise et à améliorer les relations. Les infirmières et infirmiers peuvent tenir compte de l’environnement dans lequel ils se trouvent avec une cliente ou un client. Si possible, tamisez l’intensité de la lumière ou réduisez les bruits de fond. Optez pour un endroit plus calme et plus privé pour poursuivre la conversation avec la cliente ou le client. Ces mesures minimisent les distractions, tant pour vous que pour la clientèle.

Il peut être utile de connaître le jargon utilisé par les clients. Par exemple, une cliente ou un client peut qualifier l’héroïne de « poudre ». Il existe de nombreuses ressources, telles que la trousse à outils de réduction des méfaits du Réseau communautaire d’info-traitements sida (CATIE), pour aider à éclaircir la terminologie. Il convient de poser des questions sur le terme afin de le clarifier, mais l’infirmière ou l’infirmier doit éviter de continuer à utiliser le langage de la cliente ou du client.

3) Offrir des trousses d’orientation pour la consommation de substances ou le commerce du sexe

Les trousses de consommation sûre peuvent comprendre des aiguilles et des pipes stériles, de l’eau stérile, des tampons d’alcool et d’autres articles servant à la consommation de substances. Ces trousses sont souvent jetables et contribuent à réduire la transmission des infections transmissibles sexuellement (ITS) ou d’autres méfaits, tels que les coupures causées par les fournitures ou les articles qui deviennent cassants en raison d’une utilisation répétée. D’autres trousses, telles que celles pour les pratiques sexuelles sûres, sont également disponibles et fournissent des articles comme des condoms masculins et féminins. Ces trousses peuvent être distribuées ensemble ou séparément, en fonction des besoins particuliers de la cliente ou du client.

En offrant ces deux types de trousses de façon non restreinte, les membres du personnel infirmier limitent la pression exercée sur la clientèle pour qu’elle révèle des détails de sa vie quotidienne afin d’obtenir ces trousses de réduction des méfaits. Les infirmières et infirmiers peuvent créer un environnement plus tolérant et sans jugement en proposant du matériel plus sûr qui invite la clientèle à discuter de sa vie quotidienne avec les membres du personnel infirmier lorsqu’ils le souhaitent. Le personnel reconnaîtra souvent les clients qui reviennent régulièrement chercher du matériel. Le fait d’apprendre leur nom et d’engager la conversation avec eux peut créer un environnement accueillant et confortable, favorisant l’interaction continue avec le personnel. Lorsque les clients font confiance aux membres du personnel infirmier, ils sont plus enclins à demander des soins de santé lorsqu’ils en ont besoin, et ces relations de confiance peuvent former la base de l’orientation vers d’autres services, comme les services de désintoxication, de santé mentale et d’aide au logement.

4) Renseigner la clientèle sur les infections transmissibles sexuellement

Il est important d’informer la clientèle sur les infections transmissibles sexuellement (ITS), ainsi que sur les médicaments à prendre pour traiter ou prévenir les ITS. Les infirmières ou infirmiers peuvent transmettre cette information pour aider à réduire la stigmatisation autour de ces diagnostics et encourager le dépistage systématique. Par ailleurs, il est important que les infirmières et infirmiers discutent de la prophylaxie préexposition et de la prophylaxie post-exposition en cas de risque de transmission du VIH. La prophylaxie préexposition est conçue pour être prise quotidiennement par les personnes qui sont fréquemment exposées au risque de contracter le VIH, comme les personnes qui se livrent au commerce du sexe ou celles qui consomment des drogues par voie intraveineuse. La prophylaxie post-exposition, en revanche, est conçue pour être prise en post-exposition et peut être utilisée à la suite de pratiques sexuelles non protégées, comme dans le cas du bris d’un condom pendant une relation sexuelle, ou lors d’une agression sexuelle.

Il est de mise de connaître les pratiques optimales actuelles en matière de dépistage et de traitement des ITS. Par exemple, lors d’un test de dépistage des ITS, un écouvillonnage rectal devrait être systématiquement proposé. La clientèle infectée par la gonorrhée ou la chlamydia par voie rectale a besoin d’un type d’antibiotique différent de celui administré pour les autres sites d’infection, et les femmes sont beaucoup plus susceptibles d’être infectées à nouveau par voie vaginale.

Les infirmières et infirmiers peuvent donner aux clients les moyens de prendre des décisions éclairées pour optimiser leur santé.

Tous ces efforts peuvent garantir que la clientèle qui consomme des drogues et se livre au commerce du sexe bénéficie de soins sûrs de la part du personnel infirmier. Les relations que le personnel infirmier établit avec les clients peuvent les aider à prendre des décisions éclairées concernant leurs soins de santé et à assurer leur sécurité.


Morgan Peeters, inf. psy. aut., travaille au centre de rétablissement des dépendances du Alberta Hospital Edmonton.

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