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Heure du décès, 12 h 05 : prendre soin d’une patiente et de sa famille avant et après la déclaration du décès neurologique

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2024/12/02/declaration-of-neurological-death

Rappel selon lequel l’empathie, la compassion et la dignité sont d’une extrême importance

Par Marianne M. Rowland
2 décembre 2024
istockphoto.com/PeopleImages
Le processus de déclaration de décès d’une patiente est rigoureux et peut sembler lourd.

S’occuper d’une patiente faisant l’objet d’une déclaration de décès selon des critères neurologiques et étant susceptible de faire l’objet d’un don d’organes est l’une des situations les plus valorisantes et les plus difficiles à la fois à vivre pour une infirmière de l’unité des soins intensifs. L’infirmière doit trouver un équilibre entre les soins axés sur les patients et la famille et la surveillance diligente des aspects hémodynamiques de la patiente, tout en soutenant la famille dans les premiers stades du deuil et de la prise de conscience du décès de l’être cher.

Gracieuseté de Marianne M. Rowland
« J’espère que ce récit, en plus d’être informatif, contribuera à éclairer votre pratique en vous rappelant que l’empathie, la compassion et la dignité sont d’une extrême importance au cours d’une période incroyablement difficile pour la famille, » dit Marianne M. Rowland.

Cet article raconte l’histoire réconfortante de mon expérience dans la prise en charge d’une patiente faisant l’objet d’une déclaration de décès selon des critères neurologiques et la prise en charge de la défunte dans l’attente d’un don d’organes dans une unité de soins intensifs. J’espère que ce récit, en plus d’être informatif, contribuera à éclairer votre pratique en vous rappelant que l’empathie, la compassion et la dignité sont d’une extrême importance au cours d’une période incroyablement difficile pour la famille.

Les détails du récit ont été modifiés pour protéger l’identité de la patiente.

La patiente

C’est un dimanche matin et je viens de recevoir le rapport de l’équipe de nuit. J’observe ma patiente depuis le pied du lit et je respire profondément, me demandant ce que la journée allait nous réserver.

Son cœur suit un rythme sinusal parfait, sans manifestation d’un battement ectopique. Sa tension artérielle étant stable, nul besoin d’inotropes. La sédation est en suspens malgré le tube endotrachéal de 7,5 mm qui est fixé à 23 cm au niveau des dents. Elle semble à l’aise, sans aucun signe de douleur.

Cette femme d’une cinquantaine d’années a subi une lésion cérébrale anoxique catastrophique à la suite d’un étouffement. Je tenais la main de son mari pendant que moi-même et une équipe formidable, comprenant la coordonnatrice du prélèvement d’organes, l’inhalothérapeute et deux médecins, procédions à des tests rigoureux pour confirmer ce que nous pensions être vrai : cette femme était décédée d’une mort neurologique.

Le processus

Le processus de déclaration de décès d’une patiente est rigoureux et peut sembler lourd. Pour une infirmière ou un infirmier, la relation thérapeutique qui s’instaure avec la famille se situe entre l’empathie et la compassion, avec une lueur d’espoir que la patiente puisse être admissible comme donneuse d’organes et puisse sauver la vie de nombreuses personnes.

Je me joins au conjoint et au reste de l’équipe chargée d’évaluer la patiente en vue d’une déclaration de décès selon des critères neurologiques, alors que nous nous réunissons dans la chambre de la patiente. Je m’assois doucement à côté du conjoint, ma main reposant sur la sienne, un toucher thérapeutique bien accueilli par lui, tandis qu’il entrelace ses doigts dans les miens.

Je comble le silence, l’espace laissé vacant pendant que nous attendons les nouvelles, en décrivant les belles années d’union qu’ils ont partagées. J’aborde les merveilleux souvenirs de leurs grandes aventures en randonnée tout en expliquant les détails de ce que l’équipe est en train d’évaluer et en répondant aux appels téléphoniques du laboratoire pour confirmer les résultats des gaz sanguins.

L’équipe a travaillé avec diligence pour déterminer si les critères suivants s’étaient manifestés avant d’en arriver à une déclaration de décès neurologique (Shemie et coll., 2023) :

  • démonstration par neuro-imagerie d’une lésion cérébrale catastrophique avec cause apparente de la lésion;
  • absence de fonction du tronc cérébral, telle que démontrée par l’inactivité à l’évaluation des nerfs crâniens;
  • incapacité de la patiente à respirer de façon indépendante, telle que démontrée par un test d’apnée;
  • absence de conscience démontrée par un manque d’éveil et de perception en réaction à des stimuli.

Le test d’apnée peut être le plus long, 10 minutes entières sans que la poitrine ne se soulève, avec confirmation de la gazométrie du sang artériel qui prouve que le niveau de pression partielle du gaz carbonique dans le sang artériel (PaCO2) de la patiente est supérieur à 60 mm Hg et a augmenté de plus de 20 mm Hg par rapport au niveau de PaCO2 de base de la patiente (Shemie et coll., 2023).

La fin d’une histoire d’amour

Les histoires que l’époux m’a racontées témoignent du grand amour qu’il portait à son épouse. Je suis à l’aise avec ce genre de conversations et j’en suis reconnaissante.

Ma sincérité et mon attitude lui rappellent un parent, et ma passion pour les activités de plein air me permet d’entrer facilement en lien avec cet homme dans une période aussi difficile.

Le résultat final des gaz sanguins est dévoilé et la longue attente prend fin. Il est 12 h 05 et la patiente est décédée, selon des critères neurologiques. Je continue à tenir la main du conjoint pendant qu’il prend conscience de la nouvelle. Les condoléances sont transmises.

L’équilibre délicat des soins exige de soutenir la famille, d’assurer la dignité de la patiente ou du patient après son décès, de continuer à garantir la vitalité des organes, et d’attendre patiemment l’arrivée de l’équipe de transplantation pour prélever les organes, tout en s’occupant d’une patiente qui semble encore bien vivante. Nous soutenons les personnes endeuillées, tout en espérant que cette histoire tragique puisse aider de nombreuses personnes à vivre longtemps et en bonne santé.

Je surveille les analyses de laboratoire, m’assurant que tous les électrolytes de la défunte sont normaux. Je la baigne soigneusement, je vérifie les sites de perfusion intraveineuse et je la repositionne toutes les deux heures.

Les soins prodigués dans l’unité des soins intensifs sont de la plus haute importance; la vie d’autres personnes en dépend.

Je repense aux histoires que le mari a racontées dans les moments qui ont précédé sa mort. En regardant par la belle fenêtre de la chambre d’hôpital de la patiente, j’observe un pygargue à tête blanche qui plane dans le ciel et je me dis que c’est un privilège de faire partie du parcours de cette famille.

Référence

Shemie, S.D., Wilson, L.C., Hornby, L., Basmaji, J., Baker, A.J., Bensimon, C.M, … Rochwerg, B. « Une définition cérébrale du décès et des critères pour sa détermination après l’arrêt de la circulation ou de la fonction neurologique au Canada : des lignes directrices de pratique clinique 2023 », Canadian Journal of Anesthesia/Journal canadien d’anesthésie, 70, 2023, p. 519-553. https://doi.org/10.1007/s12630-023-02431-4


Marianne M. Rowland, inf. aut., B. Sc. inf., CSI(C) est infirmière de chevet à l'unité de soins intensifs à l’hôpital de Woodstock en Ontario.

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