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Comment j’en suis venue à « réaliser que le contrôle coercitif est souvent un précurseur de l’escalade de la violence, y compris l’homicide. »
Par April Steele
17 avril 2025
istockphoto.com/pocketlight
Certains pays ont adopté une législation criminalisant le contrôle coercitif (Yardley et Richards, 2023). Une telle loi reconnaît les schémas de comportement, tels que le harcèlement, la manipulation financière et l’intimidation émotionnelle, et tient les auteurs pour responsables.
Note de la rédaction : Les 18 et 19 avril 2020, Gabriel Wortman, 51 ans, a tué 22 personnes, en a blessé trois autres et a provoqué plusieurs incendies en Nouvelle-Écosse avant d’être abattu par la Gendarmerie royale du Canada. Il s’agit de la fusillade la plus meurtrière de l’histoire du Canada, dépassant le massacre de l’École polytechnique de Montréal en 1989, où 14 femmes ont été tuées.
Les événements tragiques et, avec le recul, désormais inévitables de la tuerie de masse en Nouvelle-Écosse en 2020 ont marqué un tournant dans ma compréhension du contrôle coercitif.
Gracieuseté d’April Steele
« Le chemin parcouru, de la méconnaissance au plaidoyer, a été transformateur, et je suis résolue à contribuer aux conversations et aux initiatives qui abordent le contrôle coercitif de manière significative », déclare April Steele.
Avant la fusillade, j’avais parfaitement reconnu les signes et symptômes, soit la manipulation, l’isolation et la domination, mais j’avais du mal à trouver le terme approprié pour englober mes expériences personnelles et professionnelles. Les étiquettes comme « violence familiale », violence entre partenaires intimes » ou « violence sexuelle » me semblaient incomplètes, car elles se concentrent souvent sur des actes physiques plutôt que sur la violence psychologique et durable qui définit le contrôle coercitif.
Comprendre le contrôle coercitif a été transformateur, qui a permis d’éclaircir des expériences qui semblaient auparavant difficiles à articuler. Le terme nous rappelle comment le langage façonne notre capacité à identifier et à traiter des formes complexes de méfaits.
Margaret Atwood, la célèbre auteure canadienne de La servante écarlate, a dit un jour que « Les hommes ont peur que les femmes se moquent d’eux. Les femmes ont peur que les hommes les tuent. » (Atwood, 2006) Cette observation poignante capture les peurs profondément enracinées liées au genre qui persistent dans la société. Cette citation résonne de façon puissante, car elle fait écho à la réalité vécue par de nombreuses femmes, où des actions apparemment banales, comme marcher dans la rue ou croiser un groupe d’hommes, peuvent évoquer un sentiment instinctif de vulnérabilité, de prudence et d’appréhension.
Mon apprentissage a commencé lorsque j’ai réalisé que le contrôle coercitif est souvent perçu comme un précurseur de l’escalade de violence, y compris l’homicide. L’enquête publique sur la fusillade de masse a révélé les conséquences dévastatrices du comportement contrôlant de l’auteur sur sa partenaire, déclenchant des discussions sur la nécessité d’aborder ces schémas. Laura Richards, la célèbre analyste criminelle et animatrice du balado Crime Analyst, a qualifié ce phénomène de « meurtre au ralenti », une expression qui m’a profondément marquée pendant cette période. Son explication du contrôle coercitif comme étant une forme d’abus qui se développe progressivement, enlevant à la victime son autonomie, a fourni un cadre pour comprendre ses effets néfastes à long terme.
L’écoute régulière des fichiers balado de Laura Richards et mon travail de défense des droits ont grandement enrichi mon parcours d’apprentissage. Grâce à ses analyses, j’ai appris comment des pays comme le Royaume-Uni ont adopté une législation criminalisant le contrôle coercitif (Yardley et Richards, 2023). Une telle loi reconnaît les schémas de comportement, tels que le harcèlement, la manipulation financière et l’intimidation émotionnelle, et tient les auteurs pour responsables. Des mesures actives sont aussi prises contre eux (Richards, 2022). Cette réflexion m’a amenée à me demander pourquoi le Canada et en particulier la Nouvelle-Écosse n’ont pas encore mis en œuvre des mesures semblables, malgré les données sur le contrôle coercitif dans des affaires très médiatisées comme la tragédie de la Nouvelle-Écosse.
En tant que professeure en sciences infirmières et infirmière praticienne exerçant en Nouvelle-Écosse, j’ai également commencé à intégrer mes connaissances dans mon travail professionnel. Que ce soit par la formation, le plaidoyer ou le soutien aux victimes, ces connaissances ont accru ma prise de conscience de la pandémie silencieuse de la souffrance endurée par les femmes. Elles m’ont poussée à réfléchir de façon critique à la façon dont les systèmes sociétaux, les professionnels de la santé et les communautés peuvent mieux identifier le contrôle coercitif et y réagir.
En réfléchissant à cette évolution, je me sens à la fois habilitée et obligée d’agir. Le chemin parcouru, de la méconnaissance au plaidoyer, a été transformateur, et je suis résolue à contribuer aux conversations et aux initiatives qui abordent le contrôle coercitif de manière significative. C’est devenu mon sujet de recherche, ma passion et, pour l’avenir, le travail de ma vie. Faisons de ce sujet un appel à l’action, d’autant plus que la plupart des infirmières sont des femmes. Remettons en question les normes sociétales qui perpétuent ces craintes, soutenons les programmes pédagogiques qui démantèlent les stéréotypes néfastes et exigeons des politiques qui protègent les femmes et tiennent les auteurs pour responsables.
Ensemble, nous pouvons œuvrer pour un monde où la peur ne façonne plus les interactions ni ne dicte les comportements.
Références
Atwood, M. La servante écarlate. [Apparaît dans l’introduction par Valerie Martin], Everyman's Library, 2006.
Richards, L. [animatrice]. 12: Special Report from the Intelligence Cell | Landslide Victory in the House of Lords in the Wake of Sarah Everard & Analysis of the Atlanta Shooting, 22 mars 2021. [balado audio]. https://www.crime-analyst.com/12-special-report-from-the-intelligence-cell-landslide-victory-in-the-house-of-lords-in-the-wake-of-sarah-everard-analysis-of-the-atlanta-shooting/
Richards, L. Abusive men’s histories must be joined up. It’s time to join the dots, 14 décembre 2022. https://www.thelaurarichards.com/my-two-cents/terrorism-begins-at-home-its-time-to-join-the-dots
Yardley, E. et Richards, L. « The elephant in the room: Toward an integrated, feminist analysis of mass murder », Violence Against Women, 29(3-4), 2022, p. 752-772. https://doi.org/10.1177/10778012221101917
April Steele, DNP, M. Nurs., IP-C, est professeure adjointe en sciences infirmières à l’Université du Cap-Breton et infirmière praticienne en soins primaires au Nancy Dingwall Health & Counselling Centre, de l’Université du Cap-Breton.
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